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Après le défilé de Sikasso, historique sous tous
les sens du mot, le 22 septembre dernier, dont ATT a
placé les festivités sous le signe de « la mémoire
préservée et partagée », après les paroles émouvantes
du président Wade sur Sikasso, le Mali et la
fraternité d’armes entre les deux pays dans la
résistance à la pénétration française, on a eu
l’impression d’un nouveau départ, que les démons de la
rupture ont été exorcisés pour de bon et que le Mali
doit renaître.

Un nouveau souffle

L’avènement de la démocratie en 1991 fut une grande
occasion de prendre un nouveau départ.
Malheureusement, on peut penser que le régime d’Alpha
Oumar Konaré fut trop proche du monopartisme, avec le
règne sans partage de son parti l’ADEMA-PASJ.

D’ailleurs, le premier président de l’ère démocratique
ne cachait pas son admiration pour Modibo Kéïta et
l’US-RDA qu’il eût bien voulu voir le réjoindre. En
heurtant de front Houphouet Boigny qui a soutenu
(dit-on) Tiéoulé Mamadou Konaté contre lui, et Abdou
Diouf par son refus de se rendre à Dakar pour y
rencontrer le président Chirac en tournée
sous-régionale, Alpha Oumar Konaré a évidemment raté
la pédale.

ATT peut donc, revenu aux affaires,
rectifier le tir, donner le souffre dont le pays a
besoin pour redémarrer et prendre la tête du peléton,
sa place à l’époque coloniale, que la Côte d’Ivoire
lui a ravie, avec le soutien de la France.

Ceci
apparaît bien dans l’histoire de la Fédération du Mali
qui s’était regroupée autour de notre pays et contre
laquelle De Gaulle a suscité le Conseil de l’Entente.
Quand la Fédération a éclaté, Senghor a tendu la main
à ce conseil de l’Entente dirigé par la Côte d’Ivoire,
plutôt que de créer un nouveau groupement.

On voit bien qu’il regarde du côté de la jeunesse
scolaire studieuse en prônant le culte de
l’excellence, qu’il fonde un grand espoir sur elle,
après avoir tenu à distance les politiques (qui ne
sont souvent que des politiciens aux ambitions
purement alimentaires) pris dans le costume du
consensus, après avoir apaisé les élèves et étudiants
par un nouveau pacte, calmé une bonne partie du front
social par des augmentations substantielles de
salaires chez les fonctionnaires et la construction de
logements sociaux pour les plus défavorisés.

Mais ce
n’est pas encore le grand sursaut national que les
spectateurs et les téléspectateurs ont dû entrevoir
dans les images grandioses que le défilé du 22
septembre a pu réveiller en eux. On cherche en vain le
nouveau civisme devant marquer l’aube de toute ère
nouvelle.

Certains accusent la démocratie (celle de
1991) d’avoir instauré l’incivisme ambiant et renforcé
l’ancienne corruption. Massa Makan Diabaté, le grand
poète (et sociologue) disparu réclamait la naissance
d’un nouveau mythe, pour remplacer celui du Mali, peut
être essoufflé, voire éteint.

Cheick Modibo Diarra, le
savant, se plaignait-il y a juste quelques semaines-du
manque d’humilité du Malien. Il est vrai, entre
autres, que notre pays serait un de ceux, dans le
monde entier, où l’écart entre pauvres et riches est
le plus élevé.

Tout se passe comme si ces sommités
intellectuelles ne se reconnaissaient pas dans le
comportement du Malien actuel. La boutade de certains
anciens se disant « Soudanais » (et non « Maliens » »)
signifie-t-elle que la nouvelle démocratie est
porteuse d’un nouveau civisme malien? Faut-il craindre
que la défiance des anciens soit une condamnation sans
appel de la société malienne actuelle?

Le retard

Le constat est amer. Le Bénin de Mathieu Kérékou (ce
vieux Stalinien) nous dispute la place de pays
pionnier de la démocratie, pour avoir le premier
organisé la conférence nationale souveraine, qui chez
nous n’a eu lieu qu’après des émeutes et le coup
d’Etat du 26 mars 1991.

Le Burkina Faso de Blaise
Compaoré (un autre ex-bolchevik qui n’a d’ailleurs pas
perdu tous ses réflexes et qui a modifié la
constitution pour rester au pouvoir) a reçu l’an
passé la visite du président de la Banque Mondiale,
Paul Wokfowtz, qui a ainsi préféré au Mali le pays des
hommes intègres. Bien avant, c’est Ouagadougou qui est
devenu la capitale de l’UMOEA.

Le fait d’avoir été
celle du Conseil de l’Entente( notre vieil ennemi)
aurait dû être un argument en notre faveur, et non le
contraire ! Ouaga la belle est devenue la capitale des
congrès régionaux et sous-régionaux, alors que c’est
Bamako qui a accueilli le congrès du RDA en 1946, que
c’est le Mali qui abrite de nombreux sites inscrits au
patrimoine de l’humanité, quand le Burkina Faso n’en a
pas au seul !

Le Ghana, le Sénégal, la Mauritanie… tous ces pays
semblent mieux cotés que le nôtre, en tout cas selon
le classement du PNUD, en dépit des belles paroles que
les diplomates lancent parfois sur le modèle malien.

Ibrahima KOITA

28 septembre 2005.