Ali est né en 1939 dans le village de Kanau près de Gourma Rharous, dans la région de Tombouctou. Il était le dixième garçon de sa mère mais fut le seul à survivre à l’enfance. « J’ai perdu neuf frères du même père et de la même mère. Le nom que je porte est Ali Ibrahim. Mais il est une tradition en Afrique de donner un surnom étrange à votre unique enfant si vous avez perdu tous les autres », s’était confié le défunt à un magazine. Le nom traditionnel qu’on a donné à Ali est « Farka » signifiant « Âne », un animal admiré à cause de sa force et de sa ténacité. « Mais laissez moi vous dire clairement une chose » dit-il « je suis l’âne sur lequel personne ne peut monter ».
Autodidacte
Ali n’a pas été scolarisé et son enfance a été marquée par le travail de la terre. Mais il fut aussi fasciné par la musique jouée lors des cérémonies spirituelles dans les villages situés le long du fleuve Niger.
Au cours de ces cérémonies, il s’asseyait et écoutait avec stupéfaction les musiciens chanter et jouer les instruments favoris des esprits : le jurukelen (guitare à une corde), le njarka (violon à une corde) et le Ngoni (guitare traditionnelle bambara à 4 cordes).
Sa famille n’a pas accordé d’intérêt à la musique ainsi le jeune garçon n’a pas été encouragé à faire de la musique. Cependant avec son acharnement et son auto détermination, il fabriqua à l’âge de 12 ans son premier instrument musical, le jurukelen (qu’il a offert à Ry Cooder comme cadeau).
Pendant son adolescence Ali a travaillé comme taximan et mécanicien d’automobile. Il a aussi passé une partie son temps à conduire les pirogues ambulances. Il voyagea beaucoup pendant ces temps et continua à jouer la musique lors des cérémonies pour le simple plaisir. Il accompagna les petits groupes musicaux et certains chanteurs. Déjà à 20 ans il savait parler couramment 7 langues du Mali et maîtrisais le Ngoni (instrument traditionnel à 4 cordes), le violon njarka et la flûte peul en bambou, ces nombreux voyages lui ont permis de rencontrer plusieurs maître de la musiques. Ainsi il acquerra un vaste répertoire musical et légendaire. « Je devais me servir de l’expérience des grands de la musique, morts ou vivants, pour devenir un bon musicien. Cette expérience m’a permis d’apprendre beaucoup sur la musique concernant sa culture, sa biographie,sa légende et son histoire ».
En 1956 lors d’un de ses voyages, Ali assista à une prestation du ballet national de Guinée dirigé par le grand guitariste Fodéba Keita. « C’est en voyant ce dernier jouer la guitare que j’ai juré de devenir guitariste. Je ne sais pas quelle guitare il jouait, mais je l’ai beaucoup appréciée.
J’ai senti que je pouvais faire comme lui et que je pouvais le prouver ».
traditionnelle. Ali jouait différents instruments tels que la guitare, la flûte, le jurukelen et le njarka.
Les années 1970 furent marquées par une activité musicale intense au Mali.
Ce fut également une période où un riche mélange de genres musicaux arrivait pour la première fois à Bamako. D’une part il y avait la musique malienne traditionnellement riche et diversifiée et d’autre part, il y avait des genres musicaux étrangers qui influençaient les orchestres locaux.
Les influences majeures de l’époque étaient la musique cubaine avec ses pas de danse, la rumba venant de Congo kinshassa, le style guitare de la Guinée et les afro américains tels que James Brown, Otis Redding et Areta Franklin. Ali reste toujours comme il le dit, particulièrement fan de tous ces musiciens à cause des similarités qui existent entre leur musique et la sienne.
De toutes ces musiques, le blues est la musique qui l’a fasciné le plus à cause de sa similarité avec la sienne. En 1968 un de ses amis étudiants lui fait écouter des disques de James Brown, Jimmy Smith, Albert King et John Lee Hooker. Il fut sur-le-champ marqué par l’idée que « cette musique vient de chez lui ».
Dans la musique de Hooker spécialement, il entendit les notes de la musique Tamascheq. Les disques de Otis Redding et de Hooker sont toujours très écoutés à Niafunké. Bien que Touré ait été beaucoup impressionné par la musique de Hooker, il affirme n’avoir pas été influencé par ce dernier.
C’est plutôt pour lui la confirmation internationale de la valeur de ses propres traditions.
Carrière Solo
Durant les années 1970 Ali a une belle réputation de carrière artistique en solo au Mali : il a joué le rôle de pionnier dans l’adaptation de la musique Sonrhaï, peul et tamascheq à la guitare. Même de nos jours rares sont ceux qui ont fait comme lui. Sa personne charismatique, sa voix fine et sa technique particulière de jeu de guitare, son bon look et sa personne énigmatique font de lui une personne célèbre. Il est resté de façon intransigeante relié à sa musique traditionnelle, refusant de « se vendre ». Dans ses chansons il parle de l’amour, l’amitié, la paix, la terre, des génies, du fleuve et du Mali. Tout cela se dit dans une métaphore dense.
En 1987, Ali effectua un autre voyage hors de l’Afrique (après celui de Sofia en 1968). Cette fois-ci il alla seul pour donner son premier concert. C’est dans un état détendu et de grande confiance en sa musique qu’il réussit à donner de façon impérieuse une série de concerts, rassemblant beaucoup gens. Dans la même année son premier enregistrement avec World Circuit, la petite étiquette indépendante britannique, fut un succès immédiat. Dès lors il a entrepris de nombreuses tournées en Europe, aux Etats Unis, au Canada et au Japon et a enregistré cinq albums pour World Circuit. Ses derniers enregistrements ont été faits avec plus de moyens techniques. Ali a collaboré avec des artistes internationaux tels que Ry Cooder et Taj Mahal. Mais ces premières cassettes enregistrées dit-il « lorsque j’étais totalement fou de la guitare » ont leur valeur à part.
De la rivière à la source
En dépit de cette réussite internationale, Ali Farka Touré passe plus de temps sur ses terres maliennes qu’en Occident. Une des raisons en est sa passion pour l’agriculture et son investissement personnel dans de larges projets agricoles en matière d’irrigation. Père de nombreux enfants, Ali possède 350 hectares de terres, essentiellement du riz, dans sa région d’origine, à Niafounke.
Cependant, il revient sur le devant de la scène world en 90 avec l’album « The River » et dès l’année suivante avec « The Source ». Sur ce dernier album, il partage un duo avec le bluesman américain Taj Mahal.
Ali Farka Touré est désormais une des plus grandes vedettes de la musique africaine autant sur son continent qu’en Occident. Celui qui affirme en parlant du blues noir américain : « Moi, j’ai la racine et le tronc, eux ils n’ont que les feuilles et les branches « , a l’occasion de jouer avec John Lee Hooker au cours de l’été 91. Leur duo, très symbolique, représente la longue route de la musique africaine au cours des siècles.
Mais son plus gros succès sur la scène internationale correspond à la sortie de l’album « Talking Timbuktu » en 93, album qui tire son nom de la ville de Tombouctou, lieu mythique en Afrique. Eminemment teinté de blues,ce travail est le résultat d’un duo avec le guitariste américain Ry Cooder. Les critiques sont dithyrambiques et l’album, enregistré à Los Angeles, décroche le Grammy Award, suprême récompense de l’industrie musicale.
Mais dès 97, Ali déclare qu’il veut se retirer de la scène définitivement pour se consacrer à l’agriculture dans son village, à 200km de Tombouctou.
L’information provient même du SYFIA (Système Francophone d’Information Agricole). Le projet de celui qui annonce : « Sur mes papiers, c’est écrit artiste, mais en réalité, je suis cultivateur », dépasse le cadre de l’agriculture puisque son but, est de donner du travail aux jeunes de sa région afin de lutter contre l’exode rural.
Contrairement à ce qu’il avait annoncé, Ali Farka Touré réapparaît en juin 99 avec un nouvel album « Niafunké ».