Soir de Bamako : Que retenez-vous des trois années d’exercice du pouvoir d’ATT ?
Mme Traoré Oumou : Je vous remercie de m’avoir associée à cet événement pour me permettre de donner mon point de vue. Par rapport à la représentativité des femmes, nous avons constaté qu’il y a eu une régression. De six ministres, nous étions revenues à deux, après trois.
La situation a stagné. Par rapport aux nominations, on voit ces derniers temps quelques femmes sur les listes des cabinets. Ce n’est pas très suffisant. Le général à la retraite doit prendre des mesures pour l’avenir. Les femmes du Mali ne demandent pas qu’on nomme leurs consoeurs pour la forme, mais celles qui sont à la hauteur.
Il faut qu’ATT revoie cet aspect. Les femmes rurales ont bénéficié de grandes organisations qui ont vu le jour pour leur encadrement. La fédération des femmes rurales doit prendre les choses en main par rapport à la défense des intérêts des femmes. Tout cela démontre que la majorité des femmes vivent en milieu rural. On a donc constaté une attention positive des autorités.
Nous avons constaté beaucoup d’engagement et de réalisation par rapport à l’allègement des tâches des femmes rurales à travers les plates-formes multifonctionnelles et de nombreux moulins distribués au niveau des communautés.
Sur le plan législatif, nous avons des lois qui se préparent et qui favorisent les femmes rurales. Avec la loi d’orientation agricole, une importance particulière a été donnée à l’aspect genre. Les femmes sont présentes dans certaines instances de prises de décision.
La CAFO est membre de beaucoup de commissions techniques nationales, de comités de pilotage et d’orientation. Même si la prise en compte du genre n’est pas visible, nous avons constaté aussi que sur le plan des engagements, le Mali a ratifié toutes les conventions en faveur des femmes.
La dernière porte sur la charte africaine des droits de l’homme relative aux droits des femmes. Notre Assemblée a siégé sur cette charte en demandant l’avis de la composante féminine.
Les trois années d’ATT ont été très difficiles pour la CAFO. Nous sommes partout sur le territoire. Nous avons manqué énormément de ressources financières pour mener nos activités. Nous avons des difficultés de mobilisation des ressources. Nous ne connaissons pas le montant des fonds alloués aux femmes.
Il faut qu’on accepte d’informer les femmes sur les possibilités et les potentialités qui leur sont offertes. Souvent des commissions ont siégé sans que l’on nous dise exactement que telle chose est prévue pour les femmes.
Mais on nous dit chaque fois, que les femmes sont prises en compte en termes de ressources que nous ne voyons jamais et qui nous sont affectées. Je pense que le Chef de l’Etat doit veiller à ce qu’on corrige cette situation et qu’on cherche à situer les responsabilités.
Sur le plan politique, on n’a rien perdu. La démocratie se consolide. Nous disons tout ce que nous voulons. C’est l’organisation la plus revendicative sur le plan national. Chaque fois que nous avons eu l’occasion de donner notre point de vue sur les questions de la nation, nous l’avons fait même si c’était souvent de façon amère.
Nous n’avons jamais été sanctionnées.
Actuellement, nous sommes sur les objectifs du Millénaire par rapport au CSLP. Nous pensons que c’est là où nous pouvons faire des propositions concrètes au Chef de l’Etat et au gouvernement pour la prise en compte des préoccupations des femmes.
Dans le dernier document du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), on n’a pas pu produire quelque chose par rapport à l’aspect genre. Il va falloir corriger à l’avenir ces erreurs et tenir compte de ce que font les femmes. Nous recommandons à ATT son engagement personnel.
Les femmes du Mali pensent que leur avis doit être demandé par rapport à celles qui doivent les représenter au gouvernement. Il faut beaucoup faire attention aux nominations.
Dans l’appréciation générale, nous compatissons pour tout ce que le Mali a subi. Nous saluons tout ce que le Président de la République est en train de faire en matière de désenclavement qui peut être salutaire pour la femme rurale. Ce désenclavement facilite la commercialisation de nos produits, la scolarisation des filles, l’accouchement des femmes dans des conditions décentes.
Nous saluons énormément l’emploi des jeunes. Quand on emploie les jeunes dans un pays c’est les mamans les premières bénéficiaires. Quand l’Enfant est désoeuvré c’est la mère qui souffre.
Nous saluons les tentatives du gouvernement pour sauver l’école malienne qui, depuis 13 ans, se trouve dans la léthargie. Cela se sent sur le niveau des enfants. Nous saluons tout ce qui est en train d’être mis en oeuvre par rapport à la formation professionnelle de nos enfants.
Je pense qu’il y a des défis à relever par rapport à la promotion de la femme. Le Président de la République doit être le premier contrôleur. ll doit être le leader de ce mouvement social.
Propos recueillis par Tiémoko TRAORÉ
06 juin 2005