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Le parcours de l’association des femmes pour les initiatives de paix (AFIP), la place du genre dans la résolution des conflits, les stratégies pour asseoir une paix durable au Nord-Mali ont été entre autres sujets sur lesquels la présidente de l’AFIP s’est prononcée.


Le Républicain : Mme Fatoumata Maïga, pouvez-vous présenter votre association à nos lecteurs ?

Mme Fatoumata Maïga : Notre association, c’est l’ONG association des femmes pour les initiatives de paix (AFIP) créée au lendemain de la flamme de la paix. Son esprit, c’est de participer à la construction de la paix au Mali.

Quel est le parcours de l’ONG AFIP ?

Je rappelle qu’avant de créer l’ONG, moi-même et quelques personnes qui militent aujourd’hui dans l’AFIP avions milité au sein du «mouvement national des femmes pour la sauvegarde de la paix». Cela nous a permis de participer activement à la gestion du conflit du Nord jusqu’à la flamme de la paix.

C’est après la flamme de la paix que nous avons estimé qu’il y a beaucoup de choses qui nous reste en tant que jeunes du groupe. C’était de participer à la construction de la paix en notre manière. Ce qui nous a motivé à créer l’association des femmes pour les initiatives de paix (AFIP). Ceci nous a ouvert d’autres d’horizons.

Aujourd’hui, grâce à Dieu nous nous sommes retrouvées à la tête de ce projet «mille femmes pour le prix Nobel de la paix» qui a été lancé par l’honorable Ruth Gabi Vermo qui est conseiller national au niveau de l’AFIP. Elle est aussi membre de la délégation de l’AFIP au niveau du Parlement européen.

C’était vraiment pour faire connaître le travail des femmes dans la construction de la paix et pour réparer une injustice. C’est que depuis plus de cent (100) ans, quand le prix Nobel a été constitué, à l’époque, quand on lançait ce projet, il n’y avait que trois (3) femmes qui avaient bénéficié du prix Nobel.

C’est au cours de ce projet que Wangary Makaye a été nominé. C’était une aventure comme on aime bien le dire mais nous avons pu faire connaître le travail de mille femmes que nous avons documenté dans un livre et nous avons une exposition de ces femmes-là, exposition dont le Mali a bénéficié pendant 4 jours à la maison du partenariat.

Nous allons faire cette exposition pendant trois (3) ans dans d’autres pays de la sous-région. Aussi, grâce à ce que nous sommes en train de faire, je me suis retrouvée à la tête du partenariat stratégique pour le maintien de la paix en Afrique qui est financé par la coopération autrichienne.

Ce programme couvre quatre (4) pays de la zone II (la Côte d’Ivoire, le Niger, le Burkina-Faso et le Mali). Notre organisation, à travers ma modeste personne, assure la coordination. Il y a le réseau des armes légères, il y a West African for peace.

Nous continuons à travailler sur la construction de la paix à l’intérieur du Mali à travers la formation, à travers la sensibilisation, à travers la documentation, à travers le renforcement des capacités des acteurs sur le terrain pour minimiser les coûts, les dégâts des conflits. Nous accompagnons, en un mot, le processus par les actions de développement comme ce sont des initiatives de paix.

Comment le genre peut -il oeuvrer dans la construction de la paix ? Pouvez-vous nous citer des exemples dans le conflit du Nord ?

Le genre est l’épine dorsale dans le règlement du conflit, le genre est l’épine dorsale dans la prévention du conflit, le genre, il faut en tenir compte dans la construction de la paix. Les jeunes et les femmes sont des acteurs sur lesquels on doit se focaliser, dans la prévention du conflit, dans la construction de la paix et dans la gestion du conflit. Les femmes sont très sensibles à la violence.

Je ne dis pas que toutes les femmes sont des colombes parce que nous avons vu des femmes, chefs de guerre, des femmes qui combattent. Mais la grande majorité des femmes sont des colombes de la paix. Elles ne vont jamais prôner la guerre, parce que ce sont des êtres très chers à elles qui vont faire la guerre : soit leurs enfants, soit leurs maris.


Et puis les jeunes, si on parvient à leur donner de l’emploi, si on parvient à rehausser leur niveau d’éducation, il y aura moins de conflits.

Je crois qu’un jeune instruit peut être un chef politique de guerre mais il ne sera jamais un chef de guerre. Quand on fait le tour des différentes rebellions, ce sont les intellectuels qui manipulent des jeunes qui ne sont pas allés à l’école. C’est quand on est désespéré qu’on accepte d’aller mourir, prendre les armes croyant qu’on peut renverser la tendance.

Maintenant, le Mali a souscrit à certaines conventions et résolutions : c’est la CDS, c’est le CDE, c’est la résolution 1325 qui met un accent particulier sur la participation de la femme dans la résolution des conflits, sur la prise en compte des femmes dans les conflits.

Malheureusement cette résolution n’est pas mise en oeuvre par le Mali. Je crois que le Mali a suffisamment intérêt à vulgariser cette résolution, à appliquer cette résolution, à faire connaître cette résolution.

Dans les actions humanitaires, la femme a tendance à apporter une assistance humanitaire à des gens en détresse, plus que l’homme. Je ne dis pas que les hommes sont méchants mais c’est la nature des gens qui fait cela. Et, dans le problème du Nord, les femmes se sont beaucoup investies. Ce que je regrette c’est que le gouvernement du Mali n’a pas été reconnaissant vis-à-vis des femmes qui ont travaillé sur le problème.

En lisant les documents (livre blanc) nulle part, on ne parle du rôle que les femmes ont joué. La seule fois où j’ai entendu un responsable de haut niveau parler du rôle que les femmes du Mali ont joué dans la résolution du conflit du Nord, c’était à la première conférence sur les armes légères à New-York. Il faut que cela soit matérialisé.

Qu’est-ce qu’il faut pour bien asseoir la paix dans le septentrion malien ?

Il y a lieu de faire la révision des différents accords qui ont été faits. Il faut publier ce qui a été mis en oeuvre. Il faut dire aux gens ce qui a été fait, il faut publier. C’est des régions qui vivent dans des conditions difficiles. Il faut trouver le moyen de lutter contre le chômage excessif des jeunes. Il y a beaucoup de jeunes désespérés dans ces régions du Mali. Il faut assurer la sécurité des personnes et des biens, il faut lutter contre la détention des armes par les communautés. Il faut que l’administration se comporte bien avec les populations.

Il faut sanctionner les cadres de l’administration qui commettent des fautes. Les gens se plaignent souvent de la plupart des cadres qui y vont. Tant qu’on fait la promotion de l’impunité, on fait le lit des conflits. Et, nos dirigeants ne doivent pas être laxistes vis-à-vis de ceux qui posent des actes d’impunités. Il faut que chacun joue sa partition. Nous ne pouvons pas être pauvres et continuer à créer des foyers de tensions.

Réalisée par Fakara Faïnké

24 Novembre 2008