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C’est hier, mercredi 20 octobre, que le Conseil des ministres devait trancher s’il fallait, oui ou non, mettre le ministre de la Santé à la disposition du juge anticorruption dans l’affaire du Fonds mondial. Il ne faut surtout pas s’attendre à voir ce point de l’ordre du jour figuré dans le communiqué du Conseil des ministres. Mais les prochains jours nous permettront de savoir si Oumar Ibrahima Touré ira répondre à la convocation du Procureur du Pôle économique et financier, le redoutable Sombé Théra. En effet, l’étau se resserre autour du ministre de la Santé surtout après l’inculpation du Directeur Général des Marchés Publics (DGMP) Satigui Sidibé.

Selon des sources concordantes, dans l’affaire dite du Fonds mondial, le Directeur général des marchés publics (DGMP), Satigui Sidibé, vient d’être inculpé tout en lui laissant, pour le moment, la liberté de vaquer à ses affaires.

Cette mesure fait suite à la dérogation que le tout puissant chef des marchés publics a accordée afin que soient attribués à l’homme d’affaires Mamadou Ousmane Ba dit Adou des marchés de matériels de laboratoire au profit du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) du ministère de la Santé.

L’inculpation de cette personnalité, supposée incorruptible, constitue en fait un rebondissement qui met à nu toute la stratégie du ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré qui, jusque-là, n’a pas officiellement admis qu’il y a eu détournement et malversations des subventions du Fonds mondial au niveau de son département.

Avec l’inculpation du premier responsable des marchés publics, il est, maintenant, évident que toutes les personnes impliquées, de près ou de loin, dans la passation de ces marchés surfacturés ou fictifs seront confondues et, peut-être, écrouées.

Comme dit l’adage : « Le poisson commence à pourrir par la tête ». Avec son Directeur administratif et financier (DAF), Ousmane Diarra, en prison depuis le 4 août 2010, et une dizaine d’autres cadres et agents de son département partageant le même sort que le DAF, le ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, apparaît désormais comme un prisonnier en sursis. Car, comment pourra-t-il sauver sa tête quand on sait que le jeune opérateur économique Mamadou Ousmane Ba dit Adou, très éprouvé par son séjour carcéral, va obligatoirement dénoncer tous ceux qui ont eu à percevoir une partie des sommes issues des marchés fictifs dont il a bénéficié de la part du ministre de la Santé.

Il en est de même du DAF, Ousmane Diarra, incarcéré depuis début août, qui n’a plus intérêt à couvrir son ministre dont il aurait attendu, en vain, qu’il lui rende visite…en prison.

Surtout qu’après l’inculpation du Directeur des marchés publics, chacun va, maintenant, tenter d’incriminer l’autre afin de sauver sa propre tête.

C’est vrai, qu’en l’espèce, la Direction générale des marchés publics est d’abord sollicitée par le ministre de la Santé d’une demande de dérogation et il revient, ensuite, à celle-ci de se prononcer sur la recevabilité de ladite requête.

En général, pour étayer sa demande, le ministère argue du fait que le marché en question doit être livré dans un laps de temps.

D’où la nécessité de passer par une consultation restreinte. Toute cette démarche n’ayant comme but que d’octroyer, à peu près dans les règles de l’art, ledit marché à un opérateur économique identifié et ciblé. Contre naturellement des pots-de-vin à calculer sur la base du montant du marché.

C’est pour dire que dans cette affaire du Fonds mondial, il apparaît clair, même aux yeux des néophytes, que les marchés incriminés, estimés à plusieurs centaines de millions de FCFA, ont été octroyés par népotisme mais également sans aucun suivi pour se rassurer si la marchandise a été livrée ou pas. Cela constitue, déjà, une négligence coupable. C’est vrai que l’appât du gain aveugle, parfois, les gens les plus lucides.

En fait, dans cette affaire, beaucoup de gens ont fait l’aveugle et le sourd muet quand cela les arrangeait.

Tant au cabinet du ministre lui-même qu’au sein du PNLT, ou des agents auraient même eu à se disputailler avec des cadres de la DAF autour du partage du gâteau énorme issu des surfacturations et des marchés fictifs.

Certainement que le ministre de la Santé n’a pas été au courant de cette dispute autour des pots-de-vin issus des marchés surfacturés ou fictifs financés sur le Fonds mondial et qui a failli éclabousser le PNLT et la DAF.

Combien de marchés ont-ils été ainsi traités ? Difficile à l’imaginer. Mais il est encore plus difficile de croire que le ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, n’a rien perçu, comme bakchich, de ces marchés fictifs ou surfacturés. Quid du véhicule 4×4 acheté à quelque 40 millions de FCFA pour être offert à un député ?

Est-ce que ce cadeau empoisonné pourra-t-il empêcher la Haute cour de justice de se constituer ou à la Cour d’assises de siéger sur l’affaire du Fonds mondial? Que nenni !

Comme l’a si bien dit le ministre de l’Economie et des Finances, Sanoussi Touré, à la rencontre avec les partenaires techniques et financiers du Mali sur l’Appui budgétaire général, le lundi 18 octobre 2010 : « S’agissant de la lutte contre la corruption et les suites réservées aux rapports des structures de contrôle, le Gouvernement fera le point en toute transparence et n’éludera aucune question y relative. Il y va de la ferme volonté du Chef de l’Etat de ne tolérer aucune faiblesse du Gouvernement sur la question, surtout au moment où notre demande est plus forte à l’endroit des Partenaires techniques et financiers (PTF) pour lutter efficacement contre la pauvreté. Nous savons également que cette lutte est un gage pour tous les PTF qui doivent rendre compte, à leur tour, et à chaque instant à leurs contribuables ». C’est dire que, tôt ou tard, toute la vérité finira par éclater.

A suivre.

Mamadou FOFANA

Indépendant du 21 Octobre 2010.