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Des travailleurs de Morila-sa ont observé une grève de deux jours. La tension est donc montée au sein d’une entreprise dont dépend fortement l’économie de notre pays. Les menaces sont claires, car il y a des risques du côté des actionnaires expatriés, de l’Etat et des travailleurs qui n’arrivent pas à accorder leurs violons. La fermeture prochaine de la mine demeure la pomme de discorde.

Pour le Président directeur général de Randgold, Mark Bristow, tout le monde, dans une démocratie, a le droit de grève. Mais, pour autant, a-t-il dit, il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or. L’image projetée par le PDG était tout à fait symbolique : ‘’Quand vous avez une oie qui vous pond des œufs d’or, il ne faut pas la tuer pour manger du foie gras, au contraire, il faut gaver cette oie et même lui jouer de la musique pour qu’elle continue à pondre des œufs d’or. C’est dans l’intérêt de tout le monde. ‘’

Ce cri d’alarme résumait parfaitement la situation à Morila-Sa où des travailleurs ont décidé d’observer une grève de deux jours et continuent de revendiquer des droits équivalant à 5 ans de salaires. Mark Bristow a confirmé cette information en attirant l’attention- pour ne pas parler de menaces ouvertes- sur la production d’une mine qui a été évaluée, de ses débuts jusqu’en 2008, à 155 tonnes d’or.

La mine, a-t-il indiqué, fait travailler en moyenne 480 personnes avec un salaire moyen de 370 000 Fcfa par mois, après s’être acquittée de toutes ses charges dont l’INPS. Depuis le début de ses opérations en octobre 2000, a-t-il fait remarquer, Morila a produit 5 millions d’onces d’or et a injecté dans l’économie malienne plus de 246 milliards de Fcfa sous forme de dividendes, redevances et impôts. Le discours n’était pas directement menaçant, mais expliquait tout simplement que de graves risques de paralysie économique pouvaient découler de cette grève des travailleurs de la société minière de Morila.

Mark Bristow a reconnu le déficit de communication au sein de l’entreprise. Il a soutenu : ‘’la grève n’a pas été décidée au niveau des syndicats internes des entreprises, mais au dessus des échelles des entreprises ; or, chaque industrie a sa propre réalité. ‘’ Il a signalé que la grève n’a pas été observée par tous mais que, de toute façon, la direction respecte la loi et que les rétentions légales seront faites sur les salaires des grévistes.

Concernant le paiement d’indemnités équivalant à 5 ans de salaire, le PDG de la société a affirmé qu’il aurait souhaité le faire, mais que cela reste au dessus des possibilités de l’entreprise. Ce paiement, entraînerait, a-t-il dit, la fermeture prématurée de la mine, car, a-t-il ajouté, la mine doit continuer à fonctionner et ils doivent s’assurer qu’ils ont suffisamment de trésorerie pour continuer à payer les salaires.

Répondant aux questions liées à la carrière des travailleurs, après la fermeture de la mine, le PDG de Randgold a répondu qu’effectivement, les estimations indiquent que les activités d’extraction du minerai cesseront au cours de l’année 2009 mais que le traitement du minerai stocké continuera jusqu’en 2013.

Il a laissé entendre que le processus transitoire devra être discipliné de manière à laisser un investissement important et durable sous forme d’exploitation agricole commerciale (agrobusiness) régionale à la place de la mine actuelle de Morila. La société Somadex, a-t-il précisé, sera fermée. ‘’ Nous allons remplacer la Somadex, a-t-il soutenu, par un prestataire avec des petits contrats pour déplacer le minerai de l’usine.

Tous les travailleurs de Somadex seront affectés. L’objectif c’est de commencer à travailler avec eux dès maintenant. Nous avons besoin qu’ils restent avec nous jusqu’à la fin de leurs contrats et qu’on puisse les aider à trouver du travail ailleurs, mais leur choix est libre.

‘’ Mark Bristow a souligné qu’après la fermeture de la Somadex, il y aura une réduction de 20% des effectifs à Morila. Autant de menaces qui pèsent donc sur les travailleurs de la mine dont l’inquiétude va croissante au fur et à mesure qu’on approche des échéances de fermeture. La direction compte-t-elle sanctionner les grévistes ?

Mark Bristow répond ‘’ nous ne sommes pas là pour nous battre. Les solutions seront trouvées dans le cadre d’un contrat commercial, si tout le monde respecte la loi, ce n’est pas nécessaire d’aller à un conflit. Nous dépendons tous de l’entreprise. Se battre porterait préjudice à Morila. ‘’ Randgold a-t-elle fait des investissements rentables au Mali ? Le PDG est formel : ‘’ je peux dire oui ! ‘’ Il a expliqué qu’avec les bénéfices engrangés au Mali par Randgold, ils ont pu investir en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Randgold, a-t-il souligné, est actionnaire à la bourse de Londres et de New-York. Il a ajouté qu’ils ont été les premiers, en partenariat avec l’USAID, à sponsoriser les téléphones portables dans la région. Il n’a pas raté cette occasion pour parler des risques qu’ils ont pris en investissant au Mali, pays où, a-t-il précisé, la fiscalité minière est la plus élevée en Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud.

C’est pourquoi, a-t-il souligné, l’Etat malien ne doit pas contribuer à tuer la poule aux œufs d’or en continuant sur sa lancée à augmenter les taxes et impôts. Or, a-t-il fait remarquer, ils ont du installer leur propre réseau d’eau et d’électricité dans un environnement où il y a un manque criard d’infrastructures.

Baba Dembélé

24 Octobre 2008