Des milliers de Subsahariens échouent comme clandestins à Alger, faute d’atteindre l’Europe. Entre risque d’expulsion et exploitation au travail, ils vivent dans la précarité, à moins… de faire un enfant sur le sol algérien. Reportage.
Quand on lui demande s’il n’en a pas assez de la clandestinité et de l’errance, Abdoulaye, Sénégalais de 42 ans, esquisse un sourire et livre sa philosophie de la vie : «Quand j’ai quitté mon village, c’était pour ne plus y retourner à moins d’avoir réussi ma vie en Europe. Alors là, oui, j’aurais été accueilli en héros. Mais maintenant, même s’il m’arrive d’envoyer de l’argent à ma famille au Sénégal, je ne veux pas qu’ils voient la misère dans laquelle je vis. Je suis trop vieux et trop fatigué pour retenter la traversée vers l’Europe, alors je passe ma vie ici, en attendant un miracle». «Ici», c’est Alger, dont Abdoulaye se présente comme «le doyen des clandos».
Les villes algériennes ont en effet connu ces dernières années une arrivée massive d’immigrants clandestins originaires d’Afrique subsaharienne. Leur nombre, difficile à préciser, se situerait entre 200 000 et 500 000. Las de tenter vainement la traversée de la Méditerranée pour gagner l’Europe, beaucoup se sont résignés à un exil de rechange en Algérie où leur situation n’est pas enviable.
Faire un enfant pour rester
La capitale, ville en éternelle recomposition et où se croisent quotidiennement plus de cinq millions de personnes, constitue un endroit idéal pour se fondre dans la foule et passer inaperçu, parmi les «légaux».
Les «clandos» l’ont bien compris et ils avouent que la vie à Alger les arrange parfaitement, faute de mieux. La plupart des clandestins qui débarquent sont pris en charge par des compatriotes déjà installés et dont certains disposent de permis de séjour.
Ce sont surtout les étudiants, détenteurs de bourses, qui hébergent leurs compatriotes et leur donnent les tuyaux indispensables pour vivre à Alger. Mais la solidarité a ses limites.
Rafan, un Malien, affirme que «c’est la jungle ici. Pour trouver une place dans un marché informel, il faut se lever à l’aube, payer sa portion de trottoir aux jeunes du quartier et rester éveillé pour ne pas être volé, mais surtout pour ne pas se faire embarquer par les policiers. Si un jeune Algérien est pris, il risque au pire la confiscation de sa marchandise. On le relâche tout de suite. Pour les gars dans ma situation, c’est la prison, puis le refoulement. J’ai déjà été refoulé à trois reprises».
La situation irrégulière des clandestins subsahariens augmente leur précarité sociale, soumis en permanence au risque d’expulsion. En février dernier, six Nigérians ont été jugés par un tribunal d’Alger pour séjour illégal. Leur avocat a réussi à leur éviter l’expulsion en exhibant leur demande d’asile politique. Mais, bon nombre de clandos n’ont pas eu cette chance.
A suivre.
22 mars 2007.