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Il y a un peu plus d’un an, suite aux violences consécutives à la défaite des Aigles contre le Togo (le 27 mars 2005), la classe politique avait entrepris d’organiser un meeting de soutien au président de la République. Le flop fut retentissant. Mais l’objectif recherché par les initiateurs fut atteint : montrer à ATT, notre président bien aimé, l’ami des enfants, qu’ils sont là pour le soutenir, le protéger.

Comme si c’était la personne du président qui était visée par les auteurs des casses et des saccages. Presque un an après, le 23 mai dernier, notre pays a été attaqué par des éléments de notre armée nationale. Je n’ai pas beaucoup entendu nos acteurs politiques. Oui, ils ont fait des déclarations de condamnation afin d’avoir la conscience tranquille à l’heure du bilan. Oui, ils ont fait des déclarations de soutien à ATT, notre président bien aimé. Mais c’est tout. Depuis, plus rien.

Alors même qu’ils ont là une occasion d’organiser un meeting gigantesque, nos hommes politiques se taisent tranquillement. Comme si de rien n’était ; comme si attaquer le pays et en occuper une partie n’était pas au moins aussi grave que les violences qui avaient déferlé dans Bamako ce fameux soir du 27 mars 2005.
Peut-être ont-ils bien interprété les propos. De Diboli où il avait eu l’information, ATT avait déclaré que « ce n’était pas une tragédie mais un fait » (sic). Eux, ils ont dû entendre que ce n’était pas une tragédie mais un fait divers.

Je pense que leur attitude est calquée sur le comportement du gouvernement. Comportement caractérisé par un manque de transparence qui ne me surprend pas outre mesure. Or, quelques jours après l’attaque, face aux naines déclarations d’un gouvernement qui faisait le mort, nous écrivions qu’il fallait éviter de tomber dans l’indifférence vis-à-vis des populations de Kidal. Nous nous étonnions à l’époque qu’aucun responsable n’ait daigné faire le déplacement de Kidal pour réconforter les populations, pour soutenir le moral des militaires restés et ceux envoyés en renfort.

Force est de constater que nos craintes sont largement justifiées parce qu’aucun responsable n’a daigné fouler le sol de Kidal. C’est vrai que le chef d’état-major des Armées a fait un tour et j’ai également vu la Commissaire à la sécurité alimentaire qui a courageusement apporté quelques vivres. Mais je pense sincèrement qu’on aurait dû faire mieux. Surtout que je rappelle, pour ceux qui auraient tendance à l’oublier, que nos compatriotes ont été attaqués, tués et qu’une partie de notre territoire demeure encore aux mains de Fagaga et de ses hommes.

La question que tous les Maliens se posent actuellement est relative à l’évolution de la situation depuis l’attaque. Comme je l’ai dit, le gouvernement fait tout pour minimiser ce qui s’est passé. On sait que les négociations sont menées par le général Kafougouna Koné mais personne ne sait ce qu’il négocie. Nous savons ce qui n’est pas négociable ; ATT l’a dit et répété. Mais nous ne savons pas ce qui est négociable. Kafougouna survole Kidal pour aller en Algérie et survole Kidal pour revenir à Bamako. Mais comme le dit la sagesse malienne « ta tè wili sisi tè bo ».

Or contrairement à ce que les autorités peuvent penser, le temps joue en faveur de Fagaga et de ses hommes. En termes de confiance en soi, ils se disent que s’ils ont pu tenir deux mois sans que rien ne se passe contre eux, ils pourraient tenir davantage. Ensuite, même de manière sommaire, ils s’organisent pour assurer leur approvisionnement : soit en rançonnant les véhicules en partance ou en provenance de l’Algérie, soit en envoyant des coursiers faire le marché dans le Sud de l’Algérie, soit les deux à la fois.

Enfin, comme personne ne les inquiète, ils bâtissent grâce aux nouvelles technologies leur crédibilité et se construisent une image aux yeux de l’opinion internationale. A ce rythme-là, c’est Fagaga qui gagne. Or je crains fort que nos autorités ne soient adeptes de la fameuse posture qui voudrait qu’il n’existe aucun problème qu’un manque de solution ne soit capable de résoudre.

Je n’irai pas jusqu’à dire que nous manquons de solution, mais force est de reconnaître que pour un « petit » problème « d’attaque-mutinerie » comme certains l’ont qualifié, on perd du temps. Et puis qui sait, c’est peut-être cela la vraie stratégie, jouer au pourrissement et compter sur le temps pour noyer Fagaga dans le silence du désert et dans l’oubli. Ce qui nous rangerait l’attaque de Kidal dans la rubrique des tragiques faits divers.

El hadj TBM

30 juin 2006.