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Quel que soit le thème choisi, la rentrée donne toujours lieu, à des sorties plus ou moins senties. Pour faire plus vrai que la réalité, le spectacle est monté à la manière d’un vrai procès avec ce qui ressemble à un acte d’accusation, avec des plaidoiries suivies de réquisitoires, avec des condamnations.

On applaudit très fort, on se congratule et puis on attend la prochaine rentrée. Entre-temps, on oublie les belles résolutions et la vie reprend son train-train habituel.

Le thème de cette année « l’exercice des droits et libertés en droit positif malien : les garanties et les limites » est pour le moins actuel. Et tous les intervenants ont mis en exergue la faiblesse de l’Etat et l’absence de son autorité.

Bien entendu, je ferai l’économie de tout ce qui a été pointé du doigt. Mais tout y est passé : la presse, qui bafoue l’honneur et la dignité de certains, la justice dont l’impartialité demeure au stade des vœux pieux, la police qui séquestre à tout va et qui écroue même des avocats dans l’exercice de leurs fonctions, les politiciens qui se croient tout permis, les citoyens qui font ce que bon leur semble, l’Etat lui-même qui s’affaiblit à travers ses innombrables dysfonctionnements.

Mais ce qui a retenu l’attention de tous, c’est l’allusion très claire faite à la crise alimentaire. Le bâtonnier, Me Seydou Maïga, particulièrement inspiré a insisté sur le fait qu’il ne peut pas y avoir de liberté pour un peuple qui a faim.

« La grande majorité du peuple a faim M. le Président », a-t-il martelé indexant ceux qu’il a qualifiés de Néron et qui ont profité de la crise alimentaire pour spéculer et s’en mettre plein les poches.

Interpellé, ATT a abondé dans le même sens que le bâtonnier préconisant des sanctions contre les fauteurs. Plus généralement, le président estime qu’il faudrait veiller « à ce que le libéralisme économique ne se résume pas à ce que l’autre appelle la liberté du renard libre dans le poulailler libre ».

Comme dirait l’autre, ce sont là des paroles fortes. Maintenant, on attend de voir. Parce que ce dont le bâtonnier a parlé ne date pas d’aujourd’hui en ce sens que dès le début de la crise alimentaire et des facilités accordées aux opérateurs économiques, la presse a mis le doigt sur les dysfonctionnements.

Mieux, la presse, preuve à l’appui a mis la lumière sur les dérapages des opérateurs au nom du libéralisme, sur le laxisme de l’Etat au nom de la liberté et sur les libéralités en espèces et en nature dont certains, y compris au sommet de l’Etat, ont bénéficié.

La presse a mis un bon moment à s’acharner seule contre les prédateurs. Et je sais que les journalistes étaient perçus par certains Néron comme des empêcheurs de voler en rond.

Je disais qu’on attend de voir parce que ce n’est ni le premier engagement ni le dernier engagement de châtier les fauteurs de spéculation et autres indélicatesses.

Je ne rappellerai pas tous les engagements qui sonnent encore comme des vœux pieux mais le cas le plus dramatique est certainement la crise des criquets pèlerins.

Des marchés passés de gré à gré, en violation de toutes les règles en vigueur, des sommes importantes qui disparaissent, une cacophonie jamais vue, etc.

Il y a certes eu quelques menus fretins qui ont payé, mais les vrais prédateurs continuent de s’en pourlécher les babines.

Cette semaine est vraiment celle d’ATT parce qu’après la rentrée judiciaire, il a posé la première pierre de l’Ecole de maintien de la paix lundi après-midi avant de s’offrir un vrai bain de foule mardi matin avec l’ouverture du Forum de jeunes africains en prélude au sommet Afrique-France.

Pour permettre à notre président bien aimé de s’offrir un bain de foule digne de lui, des messages avaient été passés des jours durant demandant aux jeunes écoliers de sortir massivement pour jalonner le parcours présidentiel afin de lui prouver notre indéfectible attachement.

Les enfants, les « amis » d’ATT ont été sortis tôt le matin de bonne heure. Mieux, pour obéir à la vérité de la propagande, des banderoles ont été confectionnées avec des slogans du genre, « ATT, le père de la démocratie », « la jeunesse te soutient », etc. J’ai vu un ATT rayonnant de bonheur et qui était particulièrement en verve face aux jeunes venus de tous les pays africains et de la France.

Le même jour il s’est envolé pour le Luxembourg. Et c’est de là qu’il apprendra que l’Adéma, au cours de sa conférence nationale des 12 et 13 novembre, a décidé de le choisir comme candidat pour 2007.

Que faudrait-il pour que son bonheur soit total ? Juste à faire en sorte que ces moments dont je viens de parler ne soient pas des leurres de vérité.

TBM

11 novembre 2005.