Partager

Mois de retenue et d’abstinence disais-je que ce mois de carême ? Je pense que tout le monde n’a pas la même notion de retenue et d’abstinence que le commun des musulmans.

En tout cas c’est le sentiment que j’éprouve quand j’observe l’échiquier politique malien où l’on assiste à une sorte de course à la débauche, où les uns semblent avoir perdu tout sens de la retenue verbale quand les autres ne s’abstiennent de rien et posent des actes aussi abjects qu’indignes de notre démocratie.

Je commence bien entendu par ce qui est en train de se dérouler à l’Assemblée nationale. L’heure est aux tractations et aux combines autour du renouvellement du bureau et je crains que les députés ne soient en train de violer tous les principes qui fondent la République.

C’est vrai que depuis 3 ans, chaque renouvellement de bureau est une occasion donnant lieu à des psychodrames où tout le monde se fait peur.

Après quelques tirades bien enlevées tout se termine en une pitoyable tragi-comédie, où après avoir remisé les couteaux, les pitres d’un jour se retirent de la scène après un honteux spectacle en se donnant de grandes accolades et des petites tapes dans le dos.

Et c’est vrai aussi que chaque fois, au nom du consensus politique redevenu une découverte politique pour certains et une ligne idéologique pour d’autres, la raison ou ce qui en tient lieu dans ces moments d’égarements et d’errements finit par triompher.

Mais les observateurs, même les moins avertis, savaient que tôt ou tard il y aurait le clash et que les rentrées bruyantes n’étaient que des tests grandeur nature permettant aux commanditaires et à leurs exécuteurs de basses besognes de marquer le territoire, de s’échauffer un peu en attendant le jour de l’assaut final ce qui leur permet toutefois de voir jusqu’où ils ne pourraient aller trop loin.

J’exprimais ma crainte de voir les députés commettre l’irréparable contre la République. Aux dernières nouvelles, nos honorables élus sont tout près de franchir le Rubicon. Piqués par la mouche de l’opportunisme, ils se sont mis dans la tête de créer une majorité présidentielle pour ATT pour lui assurer un second mandat.

Pour cela, ils sont prêts à tout même s’il le faut pour cela vider le RPM du bureau. La dernière mouture qu’ils devraient soumettre au vote donne 4 postes à l’Adéma, 3 au Cnid et à l’URD, 2 au Codi, à l’ACC et 2 au RPM, etc.

Il est clair que cette répartition ne répond ni à la loi ni à la logique. Parce que la loi stipule que le bureau de l’Assemblée nationale doit refléter la configuration politique au sein de l’hémicycle.

Si l’on s’en tient seulement à cela, le RPM qui est le premier parti politique avec 46 députés ne peut pas avoir deux places seulement au même titre que l’ACC et le Codi quand dans le même temps un parti comme le Cnid qui ne dispose que d’une dizaine de députés tire le gros lot avec trois places.

Il faudrait qu’on nous explique aussi par quel miracle l’Adéma qui « n’a » que 35 députés, loin derrière le RPM, enlève le jackpot avec 4 places. Je pense qu’il faudrait que les uns et les autres ne perdent pas de vue comment le bureau initial a été monté.

C’est le regroupement Espoir-2002, tiré par le RPM, qui a enlevé le poste de président de l’AN confié à IBK et le poste de 1er vice-président confié à Me Tall. Si le regroupement ne fonctionne plus comme au début, rien ne peut justifier qu’on donne la première vice-présidence à Mountaga.

Comme je l’ai dit, à mon avis, pour rien au monde, on ne doit bafouer les principes républicains qui font la fierté de tous les démocrates. Et il est tout à fait honteux de voir l’argutie mise en avant pour saper la stabilité au sein de l’Assemblée nationale.

Le président ne peut pas se plaindre de l’absence d’une majorité et d’une opposition dans la mesure où tout le monde est à sa botte et à sa dévotion. Il n’y a jamais eu de motion de censure contre les gouvernements, jamais de lois rejetées.

C’est vrai que quelques fois le ton a été brutal, mais pas plus et les lois ont toujours été votées à l’unanimité. Alors la question est de savoir pourquoi chercher à monter une majorité présidentielle quand on a une unanimité parlementaire.

Et tout porte à croire que les mises en garde de IBK lors de son discours de rentrée parlementaire contre les tentations en tous genres, sont tombées dans l’oreille de sourds. Et même d’incultes parce que j’ai appris que certains élus croient dur comme fer que leur président les a comparés à des champignons.

A mon avis, ce sont des hommes et des femmes qui poursuivent leurs propres intérêts. Et le premier de ces intérêts se rapporte au mandat. Quand on veut rempiler et qu’on n’a pas les moyens pour, on cherche un sponsor. Et tous ces députés pensent que ATT a suffisamment d’argent pour financer leur campagne.

Ils se mettent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Parce que s’ils avaient écouté le président de l’Adéma, ils sauraient qu’ATT est imbattable et qu’il n’a besoin de personne pour gagner en 2007. Je leur conseille d’être d’abord en phase avec leurs mandants et de prendre leurs préoccupations en compte. Sinon je pense qu’ils font honte et pitié.

Le mandat d’ATT, comme on le sait, préoccupe au plus haut point certains au niveau de l’Adéma. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui s’est passé et qui continue à alimenter les causeries à Bamako. Mais je pense que ceux qui se sont battus pour qu’ATT soit le candidat de l’Adéma savent qu’il y a des obstacles à franchir.

Et ce ne serait pas aussi facile qu’ils le pensent. Le premier obstacle consiste à convaincre les militants que le choix fait par certains de la direction du parti d’investir ATT est la meilleure solution possible dans le meilleur des mondes souhaitables pour l’Adéma.

En clair, Dioncounda et sa troupe devraient trouver mieux que de proclamer simplement qu’ATT est un militant de naissance de l’Adéma.

Le deuxième obstacle se situe au niveau des textes. En l’état actuel, le parti ne peut investir qu’un de ses militants connus et reconnus (pas le genre qu’on fabrique à midi pile au bord du fleuve) et à jour de ses cotisations.

C’est pour cette raison que le président de l’Adéma cherche à convaincre les Maliens de la coloration politique d’ATT. Cette pirouette devrait lui éviter le long processus et les incertitudes de relecture des textes.

Le troisième obstacle qui les attend, c’est comment embarquer ATT. Comme dans ce qui se passe à l’Assemblée, les convulsions de l’Adéma intéressent ATT. Mais à n’importe quel moment il peut arguer qu’on ne lui a demandé et que dans tous les cas il n’est pas demandeur.

Et mon petit doigt me dit que cela embête Dioncounda et sa troupe. Parce qu’entre eux-mêmes, on semble ne plus souffler dans la même trompette de la même façon. Il y a ceux dont la servilité dépasse l’entendement et qui souhaitent ne pas agacer le président ATT en lui proposant des conditions.

Il y a ceux qui font semblant d’avoir encore un peu de dignité malgré tout et qui voudraient que le parti propose une plate-forme de négociations à ATT.
J’ai envie de rire.

Mais je n’ai pas envie de gâcher leur rêve. Parce que je me demande toujours comment on peut poser des conditions à quelqu’un qui n’a rien sollicité. Là on est dans le domaine des mandales.

Le mandat d’ATT a fait perdre la tête à plus d’un jusqu’à en devenir complètement maboule. Mais pour de nombreux militants qui n’entendent pas se laisser abusés et dépossédés, c’est une situation de honte qui frappe l’Adéma.

Ce qui n’est pas sans me rappeler une citation que j’aime particulièrement qui parle de ceux qui sont nés avant la honte : « Ils sont nés avant la honte. Quand les limites entre l’honneur et le déshonneur ont disparu, quand la différence entre l’immoralité et la moralité n’est plus perçue, c’est la preuve que l’on est entré dans la société des gens qui sont nés avant la honte. La honte pour eux est devenue une vertu. Ils n’ont que faire du qu’en-dira-t-on. Leur philosophie : le chien aboie, la caravane passe ».

Je ne terminerai pas sans dire un mot sur le mutisme des Maliens sur le massacre de nos compatriotes au Maroc. C’est le silence total.

Ni l’AMDH, occupée à demander l’abolition de la peine, ni le gouvernement, préoccupé à envoyer son virevoltant ministre des Maliens de l’extérieur plus par souci d’image que d’efficacité, ni l’Assemblée nationale transformée en champ pour champignons (almanite phalloïde pour en emprunter à IBK), ni les partis politiques plus préoccupés à « mourir derrière ATT » que d’entendre la détresse des Maliens sur qui on tire à bout portant, tout ce beau monde la ferme et ne pipe mot.

C’est à proprement scandaleux. Même les associations des droits de l’Homme du royaume chérifien ont dénoncé la barbarie et l’inhumanité qui ont accompagné l’expulsion des Maliens.

Les autorités marocaines elles-mêmes, se réfugiant difficilement devant une improbable thèse de légitime défense reconnaissent avoir tiré à balles réelles sur ces pauvres hères.

Le monde entier s’émeut. J’ai personnellement entendu une responsable européenne des droits de l’Homme parler tout simplement de déportation.

Mais chez nous rien. Il faudrait plus pour perturber le déroulement du mandat aux yeux des zélateurs et empêcher les mandales de tomber sur la démocratie.


TBM

14 octobre 2005.