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Trois mois après son investiture à la tête du pays, le président ATT avait effectué une visite officielle en France. Tout à sa joie et encore sous l’emprise de l’effet d’être à nouveau aux commandes de l’Etat, ATT avait déclaré qu’il devait avoir de bons marabouts. « En seulement trois mois, je suis reçu en France alors qu’il y en a qui font des années » sans goûter à ce nirvana.

En plus des audiences avec Jacques Chirac, la communauté malienne vivant en France lui avait réservé un accueil mémorable. Quatre ans et quelques mois, les mêmes acteurs, le même décor mais avec une autre humeur. En effet, trois mois avant de remettre les clés du palais de l’Elysée, Jacques Chirac a accueilli notre président dans le cadre du Sommet France-Afrique qui se déroulait à Cannes.

Ambiance bon enfant, sourires de circonstance pour une fin de règne d’un des acteurs, en l’occurrence Chirac, que ses pairs africains déclarent regretter ; avec la larme à l’œil pour certains. Une fois les rideaux tombés à Cannes, ATT débarque à Montreuil pour le lancement de l’ORTM sur satellite. Là c’est une autre ambiance.

Les Maliens qui, jusqu’à ce jour, lui ont toujours réservé un accueil chaleureux et populaire, font grise mine. Pis, il y en a qui manifestent bruyamment avec des banderoles, des pancartes et des slogans hostiles à l’endroit de ATT. Le président est traité de tous les noms d’oiseau. Il est qualifié de vendu, de menteur et même de voleur. Il aura fallu l’intervention des CRS pour que notre président puisse accéder à la salle où l’ambiance était également survoltée.

L’ambassadeur, le consul et même le président sont copieusement hués. Celui qui ne manque aucune occasion pour dire qu’il est un soldat, a été obligé de battre en retraite et c’est par une porte dérobée qu’il a été pratiquement « exfiltré ». Celui qui proclamait qu’il devait avoir de bons marabouts a dû se demander si ses marabouts ne l’ont pas lâché.

Tout à ses émotions, ATT a pu quand même s’entretenir avec nos compatriotes vivant en France. C’était pour traiter de jaloux ceux qui ne veulent pas que son gouvernement récolte les retombées positives du lancement de l’ORTM sur satellite ou pour menacer, de façon à peine voilée, Tiébilé Dramé de l’envoyer en prison si ce n’est de déclarer que si IBK est au perchoir de l’Assemblée nationale, c’est grâce à lui (il aurait pu juste ajouter que peut-être sans IBK, il n’aurait pas été élu en 2002), ou pour réaffirmer son refus de faire la guerre parce que lui soldat sait ce que c’est que la guerre pour l’avoir fait, ou encore pour tourner en dérision les fauteurs de guerre qui seraient obligés de garder les femmes à la maison quand lui montera au front.

Comme on le voit, notre président a été bien secoué par l’accueil pour le moins vigoureux que ses compatriotes lui ont réservé. Que s’est-il passé pour que le président qui est d’habitude accueilli comme un héros soit aujourd’hui traité comme un zéro ? Il s’est passé que nous assistons aux derniers râles du consensus politique que nos compatriotes de France, comme ceux d’ici, assimilent de plus en plus comme une tromperie sur la marchandise.

Il s’est passé que nous sommes à quelque deux mois des élections générales dont la présidentielle d’avril prochain. La bataille politique n’ayant pas de frontière, ceux qui aspirent à l’alternance ne cèdent rien et se battent sans concession sur tous les champs. Sans oublier que les Maliens de France ne décodent pas assez bien le discours des autorités maliennes concernant la fameuse immigration choisie ; les plus durs accusent même le président ATT de raser les murs face à Sarkozy et de ne pas défendre comme il se doit leurs intérêts.

Mais ce n’est pas qu’en France que le président a été chahuté. A quelques heures d’intervalle, les responsables du Parena, à la faveur de l’investiture de leur candidat, se sont attaqués à la tronçonneuse à ATT, à sa famille, à sa gestion, à ses amis etc. « La République, la démocratie, la morale publique sont en danger », a déclaré de manière sentencieuse Tiébilé Dramé qui a tout bonnement exhorté le président sortant à ne pas briguer un second mandat s’il veut sortir par la grande porte et demeurer dans l’Histoire de notre pays comme le héros du 26-Mars.

Le Parena a procédé à une dissection au scalpel des maux qui gangrènent le pays et les menaces qui planent sur nos têtes : pauvreté, chômage, corruption, intrusion de la famille présidentielle dans les affaires de l’Etat, l’ORTM, l’école, la négation du fait partisan, la personnalisation du pouvoir, l’inexistence de l’Etat, etc.

Le Parena et ceux qui sont dans le FDR ne sont pas les seuls à créer des insomnies à ATT. Il y a toute cette horde de nouveaux amis qui ambitionnent de l’aider. Regroupés au sein de l’ADP, ils se comportent comme les zéros qu’ils sont et se battent comme des chiffonniers. « Des zéros plus des zéros virgule zéros pour cent » ne peuvent se comporter comme des nuls. Rien que pour les coordinations régionales de l’ADP, ils s’étripent au point de friser l’implosion. Un parti comme l’Adéma, le plus grand par le nombre de ses élus, est en train de se rendre compte que ses nouveaux amis de l’ADP gardent en réserve les anciennes rancunes.

Presque tous de l’ancienne Coppo, sans militants, ils œuvrent à dissoudre l’Adéma et à le marginaliser à la faveur de la caricature de démocratie interne qui consiste juste à lever la main et à compter. Les Abeilles qui sont en conférence nationale ce week-end l’ont compris. Mais les dégâts sont dévastateurs. Aux premiers déçus du fait que leur parti refuse d’aller à la compétition viennent s’ajouter d’autres victimes de l’exclusion au sein de l’ADP.

Le héros du 26-Mars sait maintenant qu’il a une armée de bras cassés qui se font des crocs-en-jambe et qu’il pourrait tirer comme un boulet.

El hadj TBM

23 février 2007.