Le procédé est inhabituel et peut être considéré comme une marque de respect et de considération. Mais je sais qu’il est bien placé pour savoir que se déplacer n’est pas suffisant et qu’il faudrait apporter des réponses concrètes aux préoccupations des syndicalistes. Or, de ce que j’ai pu apprendre, les deux syndicats gardent une impression mitigée du passage de Pinochet en ce sens qu’ils ont plus l’impression qu’on cherche à les endormir qu’à leur proposer de solutions pérennes.
Après, Ousmane Issoufi a rencontré la société civile. Pour le peu que j’ai pu comprendre des échanges, il semble qu’il n’y a rien de vraiment nouveau sous le cocotier. Parce que les problèmes soulevés l’année dernière dans la même salle avec le Premier ministre ont refait surface : chômage des jeunes, justice corrompue, administration distraite et qui ne travaille pas, difficultés pour le Malien lambda à joindre les deux bouts, etc.
Le Premier ministre est apparu volontaire et parfois agacé. Pas plus. Ceux qui étaient ses interlocuteurs d’un jour ont cru déceler chez lui une pointe d’énervement et même un peu de lassitude. Ce qui, dans tous les cas, serait compréhensible.
Ousmane Issoufi Maïga est à la tête d’un gouvernement où de plus en plus certains ministres le considèrent juste comme le premier d’entre eux et non comme le chef. Cela n’est plus un secret. Chacun semble faire à sa tête et pas forcément dans le sens souhaité par le Premier ministre. Ce qui donne lieu souvent à des clashes plus ou moins retentissants avec pour conséquence l’absence de respect entre les membres du gouvernement et de tout respect de l’autorité du Premier ministre.
Le gouvernement ne s’est pas encore disloqué, mais il est clair pour de nombreux observateurs qu’il ne travaille plus comme une équipe soudée. Et je crains que cette tendance ne s’accentue avec les rumeurs permanentes de remaniement. Certains ministres ont depuis au moins deux mois averti leur cabinet en donnant même des dates et en annonçant leur propre départ (on a dépassé les dates en question).
Ce genre d’atmosphère de fin de règne pousse des ministres déjà improductifs à se lancer dans des entreprises individuelles pour ne pas dire plus. Mais la conséquence immédiate se ressent au niveau de l’Administration centrale. Celle-ci, ce qui est normal à la limite, est plus à l’écoute des rumeurs que des usagers. D’où cette impression générale d’un pays qui vit au ralenti dans l’attentisme et dans l’expectative. On croise les bras, on fait le rond des jambes et l’on attend.
Or, de toute vraisemblance, cette attitude ira crescendo. Parce que, hormis la fébrilité soudaine consécutive à l’annonce des législatives partielles de la Commune V et de Mopti, c’est le calme plat sur le champ politique. C’est vrai qu’on constate ça et là à quelques combinaisons que les auteurs espèrent gagnantes, mais les grandes manœuvres n’ont pas véritablement commencé. Là également on assiste à une sorte d’attentisme.
Pour reprendre ce que « Kalifa » de l’Essor écrivait mardi dernier, nous assistons à une « drôle de guerre ». Et je crains que l’attente ne soit indéfiniment longue. En effet, celui qui semble avoir toutes les cartes en main est le président ATT. Il n’a jamais caché son admiration pour le militaire qu’il est, pour la tactique militaire. Il en usera jusqu’au bout. Au moins jusqu’au moment où « l’ennemi » se découvrira avant de faire feu.
A ce jeu, où l’on ne sait plus qui attend qui, l’attentisme se poursuivra. Et je ne sais pas qui gagnera à l’usure. Par contre, je sais que le peuple, lui, est usé jusqu’à la corde.
TBM
17 février 2006.