Depuis quelques jours, à la faveur de la signature et de l’explication de l’accord d’Alger, notre homme est ballotté de toutes parts. Rien ne lui est épargné. Même l’estime que les Maliens lui portent et que les soldats lui vouent a pris un sacré coup. Pour ceux qui l’auront compris, je « m’offre » un dernier ministre avant les vacances gouvernementales. Surtout que mon client du jour, qui n’est pas du genre porté sur les vacances, est servi dans les grandes largeurs cette année avec l’accord dont la mise en pratique lui incombe en grande partie.
Le général Kafougouna Koné, ministre l’Administration territoriale et des Collectivités locales depuis l’élection d’ATT en 2002, fait partie du sérail. On peut affirmer qu’il est très lié au président. Et je pense que ce dernier le lui rend bien. De ce qu’on sait, le général Kafougouna est un militaire au sens le plus noble du terme, c’est un homme d’une discrétion et d’une loyauté à toute épreuve. Peu porté sur la parole et sur les honneurs, c’est par ATT par exemple qu’on a appris qu’après l’arrestation de Moussa Traoré le 26 mars, Kafougouna Koné, alors lieutenant-colonel comme lui, avait refusé l’offre qui lui avait été faite d’être le chef de la junte militaire.
Il a assumé le rôle ingrat de gérer une armée en pleine mutation au niveau du ministère de la Défense. Du mieux qu’il a pu. Parce que ses protégés lui ont joué des tours pendables, tours qu’il a à peine sentis venir. Comme le coup d’éclat des sous-officiers, qui en une journée, avaient procédé à l’arrestation de tous les officiers supérieurs de notre armée et ce sur toute l’étendue du territoire national. Seuls les commandos paras avaient pu échapper à ce qui fut interprété par certains comme un vaste coup de filet et par d’autres comme un authentique test grandeur nature d’un coup d’Etat sans effusion de sang.
Autre coup pendable, la constitution sur ses jambes de la Coordination des sous-officiers, véritable syndicat qui n’a pu être dissoute qu’en 1995 avec feu Boubacar Sada Sy. Kafougouna, si intègre et si loyal serait-il quelque peu laxiste ? Beaucoup de Maliens l’affirmaient.
Le grade de général et un tour en Chine comme ambassadeur plus tard, Kafougouna débarque à Bamako pour aider son frère d’arme pour ne pas dire son frère tout court. Sitôt élu, ATT parachute « l’Affreux » au ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Mission ardue que de succéder à Ousmane Sy qui a été salué et fêté lors de son départ pour son impartialité, malgré qu’il soit militant fieffé de l’Adéma. Il faut reconnaître qu’il se garde de faire des vagues.
« L’Affreux » instaure un dialogue avec la classe politique et parvient à organiser sans trop de casse les élections municipales avec la participation de toutes les formations politiques qui comptent et une flopée de candidats indépendants. Mais les rapports ne manqueront pas de se tendre. Les premières tensions, contenues certes, sont apparues avec la nomination du personnel de commandement dans les régions et les cercles. La part belle est faite aux amis d’ATT qui occupent tous les gouvernorats et certaines préfectures importantes.
Pour certains hommes politiques, par le canal de Kafougouna, ATT procède à un maillage du territoire dans la perspective des élections de l’année prochaine. Mais le clash intervient avec les partis politiques. Arguant de la non-tenue d’une comptabilité régulière, Kafougouna menace de geler les fonds. Nous sommes à la veille des élections municipales. Les hommes politiques crient à un affreux canular, mais « l’Affreux de service » tient bon. Il a fallu qu’ATT intervienne et accède à la demande des partis politiques. Là également, la ficelle avait paru un peu grosse pour ne pas être vue par les hommes politiques.
Kafougouna fait de la résistance pour permettre à ATT d’intervenir afin que soit louée sa mansuétude. Comme le procédé a été reconduit l’année dernière, le général Kafougouna a été accusé d’être un maître chanteur par certains partis politiques dont le RPM lors de sa deuxième conférence nationale. Un maître chanteur qui exercerait ses talents sur les partis politiques à partir d’un droit que leur octroie la loi. Affreuse accusation.
Mais c’est avec l’accord d’Alger, signé par lui avec ceux qui nous avaient été décrits comme d’affreux déserteurs, que le général Kafougouna a connu des moments terribles. Accusé, comme ses commanditaires, de forfaiture, de capitulation, d’abdication, etc. le général Kafougouna a encaissé. Convaincu que c’est sa mission, que c’est son destin. Souvent en le voyant, on a l’impression qu’il se demande ce qu’il a fait pour mériter que le sort s’acharne sur lui. On le raille, jusque dans les casernes. On le toise. On le chahute. On le croit à peine et on le lui dit.
Avec les députés, il a presque été séquestré une nuit durant. Il a eu sa nuit la plus longue. Il a presque été torturé par ces « affreux » élus qui tenaient à ce qu’il crache le morceau. Moment d’émotion quand, faute de pouvoir convaincre les députés, Kafougouna leur demanda si à son âge il pouvait se permettre de vendre le pays. Mais, pour de nombreux Maliens, celui qu’on accuse d’être un maître chanteur est visiblement tombé sur de vrais professionnels du chantage.
Je crois que cela vous change un homme. A tel point que Kafougouna, que tous les Maliens admirent pour sa rigueur, son sens des responsabilités et sa fermeté, nous est apparu comme un gentil toutou chargé de vendre un pacifisme frelaté.
Triste pour un soldat de sa trempe et de sa qualité de vouloir convaincre ses compatriotes que les soldats ne doivent pas faire la guerre. Ceux qui sont proches de lui affirment que cette affaire l’a profondément affecté. Pourvu que son dévouement ne reste pas vain.
El hadji TBM
04 août 2006.