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L’élection du président de l’Assemblée nationale est pliée, et l’on sait depuis lundi dernier que Dioncounda Traoré a succédé à Ibrahim Boubacar Kéita au perchoir. Mais que ce fut éprouvant tant les acteurs ont joué à se faire peur jusqu’au bout ! La propagande étant une arme utile dans ce genre de combat, surtout pour ceux qui ne sont pas sûrs de leurs arguments et de leur poids, elle a fonctionné à plein régime.

Le challenger de Dioncounda Traoré, à savoir Me Mountaga Tall est un maître en la matière. Et pour cela, il a usé et même abusé de toutes les surenchères. Des 80 députés qui le soutiendraient à son programme pour le moins alléchant, où il propose ni plus moins que de rendre le séjour à l’Assemblée sinon paradisiaque du moins confortable. A côté, il y a toutes les petites insinuations sur le fait qu’il bénéficierait du soutien du grand manitou perché sur la colline.

Il a même fait du chantage en déclarant de manière fracassante que si jamais il n’était pas élu président, il se contenterait de son mandat de simple député parce que « je ne serai le vice-président pour personne ». Il y a de quoi tomber en admiration devant le maître parce que ça c’est du Mountaga tout craché. Toujours là à chercher ce à quoi il n’a pas forcément droit.

Je connais sa théorie, fort intéressante par ailleurs, qui a consisté à justifier sa candidature par le fait qu’il ne faut pas opposer le fait majoritaire à la démocratie. « Je suis dans une majorité et j’ai le droit de me présenter », a-t-il dit. Ce qui est tout fait exact. Mais je me rappelle également qu’en 2002, il était dans une majorité et pourtant il n’avait pas usé de son droit démocratique de se présenter contre IBK.

Je ne dirai pas qu’il regarde Dioncounda de haut encore moins qu’il le prend pour un petit mur qu’il peut enjamber, mais le fait est qu’il s’est présenté en ne tenant pas compte de la réalité, la réalité des rapports de force. Je n’ai pas pu résister devant cet autre argumentaire de Me Tall qui voulait convaincre que l’expérience d’un président de l’Assemblée nationale qui ne dispose que de 7 députés ne peut être que bonne parce qu’elle a cours actuellement au Tchad, au Congo et en Mauritanie. On est prié de ne pas en rire parce que comme tout le monde sait ces pays cités figurent parmi les plus grandes démocraties au monde.

J’ai entendu d’autres interrogations à propos de la démarche de Me Tall, j’ai également entendu toutes sortes d’explications concernant sa défaite. A mon avis, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures, Me Tall a perdu parce qu’il n’avait pas les troupes derrière lui. Point. Et le fait qu’il ait jugé utile de faire une conférence de presse pour exposer son programme en est une preuve suffisante. Parce qu’à mon avis ce ne sont pas les Maliens qui devaient trancher entre lui et Dioncounda mais exclusivement ses 147 pairs élus.

S’il a procédé par voie de presse, c’est qu’il n’avait pas eu l’aval du plus grand nombre. Et c’est cela qui s’est traduit le jour du vote où il a été proprement étalé. Je connais quelqu’un qui en riait à se fendre la bouche car, pour lui, celui qui persiflait contre les opposants à la présidentielle au motif qu’ATT les avait battus même dans leur fief, se voyait lui-même priver de son fief qu’est devenue l’Assemblée nationale.

Maintenant, j’attends de voir s’il tiendra sa parole de n’être « le vice-président pour personne ». Et je sais que je ne suis pas le seul à attendre. J’en connais qui ont commencé à parier sur le fait qu’il ne cracherait pas sur un poste qui lui a procuré une visibilité sur la scène politique, qui l’a enrichi en expérience, en nature et en espèces. J’en connais qui jurent la main sur le cœur qu’il accepterait de renier sa parole au motif qu’il y aurait eu des pressions pour qu’il revienne sur ses propos parce que l’Assemblée nationale ne pourrait pas survivre à son absence dans le bureau, lui si expérimenté, si compétent et si connu au-delà de nos frontières.

J’en connais également qui estiment que Me Tall s’est trop avancé pour reculer. Et à l’appui de leurs positions, ils citent volontiers l’adage bamanan qui dit « qu’on peut se ressaisir quand on trébuche sur ses pieds ; qu’on peut se ressaisir quand on trébuche sur ses mains ; mais qu’on ne pas se ressaisir quand on trébuche sur sa langue ». J’en connais qui affirment, qu’étant de Ségou, haut lieu de la parole, du sens de l’honneur et de la dignité, Me sait à quoi il s’est engagé. J’en connais enfin qui n’y vont pas par quatre chemins ; pour eux Me Tall a joué, il a perdu ; aux autres de l’aider à respecter sa parole.

Pour terminer sur l’Assemblée nationale, mon petit doigt me dit qu’il y aura du sport dans l’enceinte de l’hémicycle. Le renouvellement à hauteur de 80 % des députés a permis à de fortes têtes d’y rentrer. Tel que je les connais, ils ne se laisseront ni marcher sur les pieds ni brider la parole. Et comme les sujets d’intérêt national ne manquent pas, l’exécutif aura du souci à se faire. Parce que le Premier ministre qu’ils attraperont aura tout intérêt à bien maîtriser ses dossiers sinon il passera un mauvais quart d’heure et il en sera tellement traumatisé qu’il perdra toute envie d’aller plastronner devant les élus et les caméras.

Tel que je les connais, ils ne se contenteront certainement pas d’interpeller l’exécutif à travers des questions orales et autres questions d’actualité qui sont souvent à l’avantage des ministres comme on a pu le constater par le passé. Ils n’hésiteront pas à diligenter des enquêtes parlementaires autour de la gestion de toutes les structures, publiques ou privées, qui bénéficient des fonds de l’Etat. J’en connais qui auront du souci à se faire et des cauchemars en perspective.

Pour le moment, les soucis de l’exécutif sont ailleurs, notamment dans le Nord du pays où nous faisons face à de véritables terroristes qui ne reculent devant rien pour se faire entendre et faire prévaloir leurs intérêts. Face à un problème dont il pensait s’être débarrassé pour de bon (je ne serais pas cruel pour rappeler tout ce qu’on nous disait sur les guerres qu’on gagne en ne les menant pas, sur la paix qui n’a pas de prix ; je ne serais pas cruel pour rappeler ce fameux sketch où l’on aperçoit un militaire tellement pénétré de pacifisme qu’il en vient à jeter son arme dans les ordures), l’exécutif s’est rendu compte qu’il ne l’avait pas bien achevé encore moins bien enterré. Et comme à son habitude, il a ressorti sa bonne vieille recette de la propagande.

Voir nos ministres tenter de convaincre les ambassadeurs que cette fois-ci nous sommes bien en face de terroristes faisait pitié à voir ; voir nos ministres tenter d’arracher une condamnation aux ambassadeurs au motif que des conventions internationales sont violées, était pathétique. Nos ministres ont même dévoilé devant les ambassadeurs des informations qu’ils avaient cachées aux Maliens. C’est dire.

Quand j’ai appris que l’exécutif a officiellement mis en mission Iyad Ag Ghali, le même qui avait été traité de tous les noms (je ne serais pas cruel pour rappeler qu’on l’avait accusé de cupidité, d’homme de peu de foi et indigne de confiance et j’en passe et des meilleurs) il y a à peine un an, je me suis dit qu’il y a véritablement péril en la demeure. Surtout qu’au moment où on l’envoyait, personne ne pouvait dire avec exactitude les revendications de Bahanga.

Maintenant encore on ne sait pas ce qu’il souhaite. La médiation algérienne (encore) pour on ne sait quelle revendication ? Entre-temps, son cousin Fagaga a ramassé ses cliques et ses claques apportant sinon un coup de grâce du moins un coup mortel à l’Accord d’Alger.

Je pense que contrairement à l’année dernière, il y a des erreurs à éviter. Cette fois-ci, avant de signer quoi que ce soit, il faudrait prendre l’avis de tout le monde : les institutions, les partis politiques, la société civile, etc. parce que la propagande a démontré ses limites.

El hadj TBM

07 septembre 2007.