Le commerce transsaharien des esclaves sera à la base de la constitution de l’ethnie harratine (Arabes noirs) numériquement plus importante que celle des Arabes blancs.
Lorsqu’en 1980 le chef de la junte militaire Khouna Ould Haïdalla proclama l’abolition de l’esclavage, plus d’un siècle après l’Europe (1847) et l’Amérique (1861), ce fut, dans tout le Sahel noir, un ouf de soulagement, le geste ayant valeur d’excuses.
Or Ould Taya renverse le charismatique Haïdallah et entame une politique d’arabisation forcenée, au grand dam des Négro-mauritaniens non Arabes du Sud, descendants de l’Empire de Wagadu.
C’est le début d’une dictature qui ne prendra fin que le 1er août 2005 avec le coup d’Etat du Colonel Ely Mohamed Ould Wall de la Sûreté nationale.
Pogroms anti-Noirs de 1989
La politique raciste du régime se manifestant par la marginalisation des cadres noirs et l’expropriation des paysans négro-mauritaniens de la vallée du fleuve Sénégal, une tentative de coup d’Etat des officiers noirs a lieu en 1986, mais elle échoue et la répression est impitoyable.
Les Ouolofs, les Toucouleurs et les Soninkés sont déclarés de nationalité sénégalaise et ostracisés. Ce qui entraîne une réplique sénégalaise à l’endroit des Maures blancs et la naissance de FLAME (Front de Libération des Mauritaniens de l’Etranger), un mouvement armé des Mauritaniens expulsés par le régime pour cause de nationalité douteuse. On a assisté, de part et d’autre du fleuve Sénégal, à des massacres intercommunautaires dont la blessure laissera pendant longtemps des traces douloureuses.
Retrait de la CEDEAO
Ould Taya, sans que rien ne l’y oblige, retire son pays de la CEDEAO créant un malaise général, son comportement s’assimilant à du racisme. La visite du président mauritanien à Bamako, il y a quelques mois, puis au Niger et au Sénégal fut perçue comme un début de retour dans la famille ouest-africaine.
La Mauritanie renonçait donc à fuir ses responsabilités historiques et géographiques de pays frontière entre les civilisations noire et arabo-berbère, au moment où le Soudan, pays occupant à l’Est une position similaire, connaissait une guerre fratricide d’autant plus dangereuse que là-bas, les Noirs comportent une forte proportion de Chrétiens et d’animistes, ce qui facilita l’immixtion des Etats-Unis dans le conflit.
Opportunisme politique ou dictature ?
Alors que le pays connaissait une impulsion appréciable au plan économique, le régime se rapprochait des Etats-Unis et d’Israël, en s’écartant de l’Irak de Saddam Hussein, qui pourtant avait puissamment contribué à son décollage économique, à commencer par la sortie de la zone franc.
L’établissement de relations diplomatiques avec Israël, la répression brutale ces dernières années de l’opposition, surtout religieuse, allaient faire déborder le vase du mécontentement populaire.
Si ces griefs sont importants aux yeux des Mauritaniens, descendants des Almoravides et dont le pays, avant l’Iran, s’est appelé République islamique, il faut cependant souligner qu’Ould Taya n’a fait que suivre la voie des dirigeants arabes modernes qui ont imposé le libéralisme par la dictature, un libéralisme synonyme en fait d’occidentalisation et s’opposant à «l’islamisme», qui serait l’application de la charia islamique.
Ces dirigeants, adulés par les puissances occidentales, s’appellent Bourguiba, Nasser, Moubarak, Ben Ali, Hassan II, les différents gouvernements militaires algériens, les présidents syriens Afez El Assad et Bachir (le père et les fils, comme dans une monarchie), etc.
Vient de s’ajouter à la liste le Guide de la Révolution libyenne lui même, après avoir renoué avec les puissances occidentales, il est vrai, d’une manière un peu plus fière. C’est de bon ton, au moment où Wahsington parle de la démocratisation du monde arabe.
Que veulent alors les «Cavaliers du changement» ? Instaurer un régime véritablement islamique, tel que la Mauritanie n’en a jamais connu malgré l’intitulé de sa dénomination officielle ?
En ces temps de guerre internationale contre le terrorisme, l’équipe de Ely Mohamed Ould Vall est-elle sûre alors d’avoir la tâche facile ?
Du côté de l’Union Africaine et de l’ONU, qui ont condamné le putsch, les choses seront en tout cas plus faciles, pour les nouveaux maîtres de Nouakchott, quand on sait que l’attitude de ces organisations consiste à se conformer simplement à un usage diplomatique.
Après le retour de la délégation spéciale envoyée à Nouakchott. Addis-Abeba entérinera certainement le nouveau pouvoir, comme cela s’est passé pour Madagascar, la Centrafrique et le Togo.
Ibrahima KOÏTA
10 août 2005