Partager

Du 28 Novembre 1960 au 10 juillet 1978, le régime de feu Moctar Ould Daddah porté par une volonté de main mise ethnique a fait de la Mauritanie le pays des Maures blancs.
A l’appui de cette politique, une notion raciste et fallacieuse de majorité ethnique qui a permis à ce régime d’octroyer à l’élite de cette composante les deux tiers des postes de l’Etat.

Par ce moyen, feu Moctar Ould Daddah a façonné un visage exclusivement arabe du pays, en créant les bases de la domination durable de la composante Maure et en trompant la communauté internationale sur le thème de la Mauritanie pays pont entre le monde arabe et le monde africain.

De juillet 1978 à décembre 1984, les militaires renversent le régime de feu Moctar Ould Daddah et mènent une politique de la même veine, à noter cependant une exception, le gouvernement du colonel Mohamed Kkouna Ould Haidalla à travers la création de l’institut des langues nationales tente une politique d’équilibre qui prend fin le 12 décembre 1984.

De décembre 1984 à nos jours, un homme, le colonel Maouya Ould Sid’Ahmed Taya et ses proches, dont le colonel Ely Ould Mohamed Vall, Directeur de la sûreté nationale, aidés par des groupes extrémistes arabes qui s’appuient sur des structures militaires et l’ignorance des populations, mettent en œuvre une politique d’arabisation forcée des populations avec le soutien idéologique et logistique de l’Irakien Saddam Hussein.

Arabisation de l’école, de l’administration, des dénominations des structures des collectivités locales, des moyens de communications, de la diplomatie, de l’armée, cette politique sonne le glas des autres composantes de la communauté nationale, le choix est clair «ou vous êtes des arabes ou vous n’êtes pas des Mauritaniens», le crime culturel prend sa forme doté de moyens importants, ceux de l’Etat au service d’une vision de remodelage radical de la nation, une logique implacable de domination et d’exclusion entamée dés 1960 par le régime de feu Moctar Ould Daddah.

Le colonel président Ould Taya et son Directeur de la sûreté nationale Ely Ould Mohamed Vall poussent jusqu’à son paroxysme cette logique, 1987, un complot est déjoué, pas un coup de feu, pas un petit début d’exécution, mais l’idéologie en marche ne peut tolérer que des Négros mauritaniens, des sous-hommes, se posent la question d’une prise de pouvoir, pour punir cette intention de sortir le pays de la dérive ethnique, on exécute trois jeunes officiers.

Et plus tard pour prévenir d’autres intentions de révoltes ou de remises en cause de la domination des Maures, on purge l’armée, pire dit-on dans certains milieux militaires proches de Ould Taya et de Ely Ould Mohamed Vall «il faut les détruire, il faut purifier le pays des Vrekhs, des impies noirs».

En 1990 et 1991, on invente des complots, on arrête par centaines des officiers, des sous-officiers, des soldats, des jeunes à la fleur de l’age et on les tue dans le secret des geôles, à Inal, à Jreida, à Azlatt, à Akjoujt, à Zouératt, et ailleurs. Et pour immortaliser la date de l’indépendance du pays le 28 novembre 1991, on pend à Inal 28 jeunes pris au hasard, et les criminels qui observent les corps pendus des soldats noirs saluent par des applaudissements le succès éclatant de cette opération de «dé négrification de la Mauritanie».

Et on torture, et on tue dans les geôles et les casernes sans relâche, sans égard pour l’homme, le frère et le compagnon d’armes, de 1990 à 1991, des jeunes hommes ont été attachés par les pieds entre deux voitures, deux voitures qui entameront une course folle, des corps d’hommes déchiquetés, donnant à la barbarie le visage de l’homme, des hommes ont été égorgés à Inal, d’autres enterrés vivants.

De dignités et d’amour deux frères d’un même lait maternel seront tués le même jour à une intervalle de quelques minutes, il dira à son frère appelé par le bourreau, «laisse moi répondre à l’appel, ils me tueront le premier» les yeux pris par les larmes du désespoir, l’un et l’autre, une mère à jamais pleure ses enfants, tués parce qu’ils sont noirs.

De 1990 à 1991, on a fait passer des voitures sur des corps d’hommes jeunes, on entendait de loin le craquement des os, le jaillissement horrible du sang, les cris étouffés par la mort qui passe dans le geste sanglant d’un frère d’arme. Et encore des crimes, des jeunes hommes ont été castrés pour limiter la prolifération des noirs, des crimes sans que personne ne s’en émeut, et ça avec la complicité silencieuse de certains Etats quai préféreront leurs intérêts d’Etats ou privés à la dénonciation des crimes contre l’humanité commis sous leurs yeux.

Et des déportations massives de populations, de 1989 à 1991, et aujourd’hui en l’an 2005, plus de dix sept ans, des femmes, des hommes, des enfants vivent dans des camps de fortune, des camps balayés par le vent sec du Sahel, abandonnés, des familles séparées, des femmes violées par leurs concitoyens soldats, plus cent mille personnes jetées comme des parias le long de la vallée du fleuve Sénégal, et encore pour les auteurs de ces crimes, «un acte de dé négrification salutaire pour la Mauritanie».

Le 3 août 2005, les protagonistes de ce système raciste, esclavagiste et criminel ont renversé leur chef, conscients que le pouvoir de Ould Taya était maintenant porteur de danger pour leurs vies, leurs sécurités et leurs privilèges, conscients que les divisions au sein de la communauté des Maures blancs ont atteint un point de non retour avec le coup d’état héroïque et salvateur de juin 2003, conscients enfin que le pays à tout moment peut exploser mettant à nu les vérités cachées, les crimes d’Etat et leurs auteurs.

Le jugement en France du capitaine tortionnaire Ely Ould Dah, leur ami et leur protégé sonne le glas de l’impunité, les crimes commis dans le silence macabre des camps, les déportations massives et les mensonges qui les portent sont mises à nu lors du procès des héros de juin 2003, et enfin la domination des Maures qui n’est en fait qu’un alibi pour que quelques élites profitent à souhait, alors que la majorité de cette composante nationale croule sous le poids de la pauvreté et de l’ignorance.

Le coup d’état du 03 août 2005, ne change pas la donne, le processus en cours à Nouakchott n’a pas vocation à changer le visage de la Mauritanie, mais à instituer des formes plus acceptables par la communauté internationale et qui permettent la perpétuation de la domination et de l’exclusion ; Notons que des criminels et des tortionnaires sont membres du Comité Militaire pour la justice et la Démocratie, CMJD, que son Président a été le Directeur de la sûreté nationale pendant 21 ans, et qu’a ce titre, il a une responsabilité active, politique, et morale dans les crimes, les déportations et les exclusions commises sous le régime du colonel Ould Taya.

Soyons aussi clair, l’amnistie générale décrétée par le CMJD en août 2005, a essentiellement pour vocation de réconcilier la communauté Maure et d’affermir le système en place, l’exclusion des autres composantes, notamment les Haratines, les Négro-mauritaniens et une partie importante de la communauté Maure est inscrite dans le processus en cours.

Le discours de Ely Ould Mohamed Vall, le Président du CMJD pour les autres, «les sous-hommes», consiste à parler de pardon et d’oubli au nom d’une Nation qui n’existe que sur une carte, le pardon extraordinaire des coupables pour les victimes, ce pardon sonne comme une seconde mort.

Nous avons donc fait un choix, celui du refus et du combat pour notre dignité d’hommes, celui de l’égalité, de la liberté et pour une démocratie réelle qui prend en compte son environnement immédiat et non une démocratie de principes formels derrière lesquels on bâillonne et on tue un peuple.

La démocratie, comme hier la dictature militaro-politique, n’est qu’un cadre de gestion de l’Etat, les richesses exceptionnelles accumulées par les tenants du système et le contrôle qu’ils opèrent sur les institutions, permettent dans un pays ou plus de 95 % de la population est pauvre et analphabète de consolider un pouvoir.

Dans le schéma actuel, l’évidence est que le prochain Président de la Mauritanie sera encore et nous l’affirmons sans racisme, ni ostracisme, un Maure blanc, on achète les votes et sous le prétexte moral de démocratie et d’élections, on occupe la totalité de l’espace du pouvoir, un totalitarisme inacceptable.

Nous ne pouvons donc reconnaître le processus transition en cours, ni le référendum, ni les élections, le CMJD n’est que la perpétuation masquée du régime raciste, esclavagiste et criminel de Ould Taya. Nous entendons nous inscrire sur un chemin de vérité et de réconciliation nationale durable, un chemin qui reconnaît à chaque Mauritanien des droits et des obligations, qui garantisse aux communautés et aux citoyens leur pleine humanité dans l’égalité et la liberté.

La justice est le fondement de la réconciliation des peuples, le pardon que seul les victimes pourront accorder n’est acceptable qu’après la vérité, les criminels et les tortionnaires seront donc arrêtés et jugés.

L’esclavage sera bannie par la constitution, les lois et les règlements, les coupables seront fortement sanctionnés, une Agence de Promotion Economique et Sociale dotée de moyens conséquents sera mise en place pour lutter durablement et efficacement contre ce crime.

La structuration de l’Etat Mauritanien se fera autour des principes d’égalité, de liberté et de réconciliation nationale, elle prendra en compte la diversité des cultures et des langues, des garanties constitutionnelles seront inscrites dans la loi fondamentale, aucune composante de la Nation ne pourra s’accaparer du pouvoir, un Comité de l’Egalité et de l’Ethique sera institué pour s’assurer qu’aucun président, aucun gouvernement, ou démembrement de l’Etat ne violeront ces principes fondateurs de la Nation.

Les libertés fondamentales des citoyens seront érigées en principes fondateurs de la Nation, la justice sera totalement réformée, cette reforme se fera sur des bases claires respectueuses des principes fondateurs de notre Nation, l’égalité des communautés et des citoyens.

Dans un Etat traumatisé et déchiré, la démocratie ne peut être qu’un cadre formel pour permettre aux élites de prendre pacifiquement le pouvoir d’Etat, elle doit servir les intérêts supérieurs de la Nation, son unité, sa souveraineté et son développement, il appartient aux citoyens, à tous les citoyens et non à des commissions interministérielles, d’en définir le cadre, les dispositions, et les limites.

Le pillage des ressources de la Nation par une élite avide de biens, une élite amorale et anti nationale est inacceptable, ne pas faire un audit des comptes de la Nation, ne pas faire un contrôle de la gestion des entreprises de la Nation, ne pas faire l’audit des grandes administrations sous le prétexte fallacieux d’unité nationale, c’est reconnaître sa pleine responsabilité.

Ce refus est la preuve que des membres éminents du CMJD et du gouvernement, dont le président et le chef du gouvernement sont impliqués dans le pillage des ressources de la nation, et qu’en définitive le coup d’état du 3 août 2005 n’avait pour vocation que de sauver des intérêts privés et non de réconcilier les Mauritaniens.

Et à ce compte, on peut libérer les uns au bout de quelques mois de prison et affirmer que les autres, ceux que l’on a tué, ceux que l’on a déporté, ceux que l’on a réduit en esclavage et qui croulent encore sous le joug de la domination de leurs maîtres, «les sous-hommes», ces Haratines qui attendent depuis plus d’un siècle une justice, ces Négros mauritaniens déportés et qui attendent une justice depuis plus de vingt ans, ces soldats détruits dans leur âme de citoyen par la main d’un ami et d’un frère d’arme, des amis et des frères qu’une idéologie fictive a emportée dans un égarement criminel, ces hommes pour Ely Ould Mohamed Vall peuvent attendre encore que passe le temps, que trépasse la vie. Et pourtant, ils ne sont ni sur Jupiter ou sur mars mais le long terrible de la vallée du fleuve Sénégal.

Alors, ce jour 28 novembre 2005, qui marque le quarante cinquième anniversaire de l’accession de la Mauritanie à l’indépendance, devant notre nation, l’Afrique et la communauté internationale, après des souffrances, des humiliations, des morts, et un exil sans espoir, conscients qu’un Peuple ne se libère que par la lutte, conscients que l’élite Maure esclavagiste, obscurantiste et raciste ne cédera pas un iota sur ses positions de domination, tout en proclamant notre solidarité avec les hommes et les femmes de toutes les communautés qui depuis tant d’années se battent pour l’égalité, la liberté, et la démocratie, nous faisons le serment de donner nos vies pour y mettre fin.

Nous, citoyens, hommes libres, officiers, sous-officiers, soldats, avons décidé de prendre nos responsabilités devant l’Histoire en créant un cadre de combat, notre objectif principal est de mettre fin par tous moyens à ce système esclavagiste, raciste, criminel et diabolique, ce système de négation des droits humains, qui se perpétue à travers le CMJD. Le temps du silence et de la soumission est terminé.

Ce jour 28 novembre 2005, nous créons le Front pour les Libertés, l’Egalité, et la Démocratie en Mauritanie, le F.L.E.D.M.

Nous entendons instituer au bénéfice de toutes les communautés et tous les citoyens une politique de refondation de l’Etat et de réconciliation nationale autour des principes fondateurs d’Egalité, de Justice, de Liberté, et de Démocratie.

Le FLEDM clame son refus d’un Etat ethnique, tribal, ou depuis l’indépendance les mêmes sont Présidents, Premiers Ministres, Ministres, responsables des grands corps de l’Etat, des grandes administrations, de la diplomatie, des moyens de communication et de l’armée, s’accaparent les ressources de la Nation et se préparent à s’accaparer de la manne pétrolière, alors que la majorité écrasante de notre peuple croule dans la misère Nation et se préparent à s’accaparer de la manne pétrolière, alors que la majorité écrasante de notre peuple croule dans la misère.

Nous lançons un appel à tous les Mauritaniens et aux hommes libres sans distinction de race ou idéologies pour soutenir par tous les moyens à leurs dispositions ce combat pour l’Egalité et la Liberté, une Mauritanie ou les communautés et citoyens sont réconciliées de façon durable est le gage de la paix et du développement socio-économique.


Pour le FLEDM.
Le secrétaire à la communication
Le porte-parole.

29 novembre 2005 (NDLR).