Le spécial Maouloud 2006 a déjoué tous les pronostics. En effet, aucun programme n’a été respecté. Depuis le samedi 8 avril, à Mopti, dans la ville natale d’ATT, aux environs de 21 heures, le Frère Guide de la révolution libyenne, Mouhamar Khaddafi a commencé à brûler la politesse à tout le monde. Il a quitté nuitamment la Venise malienne à destination de Tombouctou, alors qu’il était prévu un accueil enthousiaste et populaire à Douentza. C’est la délégation du chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré qui a fait escale dans la cité du Pr. Ali Nouhoum Diallo, tôt le dimanche 9 avril. Son hôte Khaddafi ayant disparu volontiers dans la broussaille.
A Bambara Maoudé, situé dans le cercle de Gourma Rharous, à 100 km de Tombouctou, il était prévu que les deux présidents déjeunent ensemble dans cette localité. Là également le Guide libyen n’a pas respecté le rendez-vous et a brûlé à toute allure, de façon peu cavalière Bambara Maoudé pour camper à 15 km de la rentrée de la cité des 333 saints. Surpris par l’attitude de son invité, le président de la République a dépêché deux officiers de sa délégation pour rattraper son hôte et le prier de ne pas rentrer dans la ville mystérieuse sans lui. Le Guide qui était en train de pic-niquer a donné son accord aux émissaires d’ATT qui sont retournés pour l’en informer. Seulement voilà : Khaddafi n’a pas fait ce qu’il a dit et s’est précipité pour traverser sans ATT le fleuve en foulant pour la première fois, le sol saint de Tombouctou.
Cette action a été précédée de l’abattage d’un grand chameau dont le sang a jailli de tous les côtés. Rapidement, il a fait le tour de la ville sans aucune autorité locale ou nationale. Il est passé à la place de l’indépendance de façon déguisée avant de rejoindre les dunes qui portent son nom, situées non loin de celles du président français, Jack Chirac. Ce n’est qu’ une heure après que le chef de l’Etat du Mali sera accueilli par son homologue libyen sur la terre tombouctoise. Une première dans l’histoire de la cité des 333 saints et même du Mali.
Ce n’est pas tout, la prière collective prévue pour le mardi 11 avril a été anticipée de 24 heures. Conséquence : nombreuses sont les délégations qui n’ont pas pris part à cette prière à l’image de celle de Gao. Pire, au moment où se tenait la prière, certaines délégations continuaient à venir et d’autres ne sont arrivées que le lendemain.
Rencontre suspecte
Aussitôt la prière terminée, certaines populations blanches de Kidal, Gao et Tombouctou se sont retrouvées dans la plus grande discrétion avec le N°1 libyen, dans une des tentes aménagées pour la circonstance. Les débats ont eu lieu en arabe ainsi qu’en tamacheck.
Au cours de la rencontre, il a été question du grand Sahara, de la renaissance de l’Azawad et de la signature d’une charte regroupant les populations du sud du Sahara. On se rappelle que ce sont de telles idées qui ont conduit nos « frères égarés » du nord à prendre les armes en 1990 contre l’ordre établi. Les mêmes démons refont surface, d’où l’inquiétude de certaines populations. Mais, c’est l’Etat qui est responsable de la situation qui se dessine dans la mesure où il laisse la Libye traiter certaines questions de développement avec des individus et chefs de tribut.
Khaddafi boude la prière de Sankoré
Khaddafi s’est même permis d’envoyer sans l’avis de l’Etat malien, un vol spécial à Kidal pour amener Fagaga, l’officier déserteur de la garde nationale. On ignore pour l’instant ce qui est sorti du tête à tête Khaddafi-Fagaga.
Une seconde prière a été organisée le mardi 11 avril pour permettre à l’ensemble des délégations de pouvoir participer au rituel collectif. Cette prière était dirigée par le grand imam de Tombouctou, Abdrahamane Ben Essayouti.
Khaddafi était le grand absent de cette cérémonie. Alors que l’objet de sa visite était vraiment de faire des prières collectives.
Cette absence remarquée a fait couler beaucoup de salive. Certains avaient cru que le Frère Guide Khaddadi était déjà rentré. La réalité, c’est qu’il était en brousse en train de chasser, au bord du fleuve et même ATT, n’était pas au courant de ses déplacements.
Le mardi, à deux reprises les corps constitués ont été convoqués à l’aéroport de Tombouctou pour le départ de l’illustre hôte. Mais, cela n’a pas eu lieu. C’est finalement aux environs de 13 heures le mercredi 13 avril, qu’il a décollé de la ville mystérieuse pour son pays. Soulignons qu’aucune notabilité, aucun religieux n’a pu serrer la main de Kaddafi encore moins échanger avec lui. Cela n’est étonnant de la part de celui dont le déplacement est motivé par le développement de l’islam.
Dans les faits, tout le monde a su qu’il y a d’autres mobiles qui sous-tendent le déplacement de Khaddafi à Tombouctou. (A suivre).
Chahana TAKIOU
– Envoyé spécial à Tombouctou
14 avril 2006