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Il est plus qu’étonnant de voir surgir des « maîtres penseurs » sortis de la singulière école de « mangercratie » s’insurger contre cette limitation, belle caractéristique de la gouvernance.

Comme je l’écrivais dans mes six premiers articles sur le même thème, la limitation de mandat est un pan majeur dans la gouvernance démocratique et le développement durable.

C’est à ce titre que les peuples africains, tirant les leçons des désastres causés par les gouvernances forcées et illimitées (civiles et militaires), ont jugé capital d’inscrire en lettres d’or cette exigence de bonne gouvernance dans les lois fondamentales lors des conférences nationales dites souveraines.

De ce fait, il est plus qu’étonnant de voir surgir des « maîtres penseurs » sortis de la singulière école de ‘mangercratie’ s’insurger contre cette limitation, belle caractéristique de la gouvernance. Les partisans de la non limitation de mandat ont l’esprit ‘selfish’ c’est-à-dire sont des personnages égocentriques qui veulent tout pour soi et rien pour les autres. Une telle pensée est contraire au bon sens, contraire à l’islam dont la majorité des Maliens se réclament.

Les dirigeants adeptes de telle pensée ne peuvent pas imaginer quelqu’un d’autre à leur place. Ils veulent des gens à leur ordre, mais pas eux aux ordres un seul moment de leur vie une fois élu président. Ils étouffent les personnalités des autres au profit des leurs.

Ils se moquent du fait que le pays regorge d’innombrables valeurs ou talents capables de faire mieux qu’eux comme l’a si bien dit le 42e US président Bill Clinton dans son Livre au titre assez révélateur ‘Comme chacun de nous peut changer le monde’ pour affirmer sa foi profonde en la capacité de chaque homme de faire le bien de façon générale et de bien gouverner particulièrement si on lui offre l’occasion.

D’où l’intérêt de la limitation de mandat pour susciter le changement et permettre une diversité d’hommes et par conséquent d’opinions au sommet de l’État avec son corollaire d’édification et de consolidation des sentiments d’appartenance à l’identité nationale du fait de l’effet inclusif de la limitation de mandat.

La démocratie mondiale se porte bien avec heureusement, outre le démocrate Bill Clinton, la socialiste Michelle Bachelet, présidente sortante du Chili qui, limitée par le mandat, vient de céder le palais au milliardaire Sébastien Pinera du centre droit alors que sa côte de popularité est à 84 % ; je fais économie de mots sur les 43 présidents américains qui se sont succédé en 220 ans (1779-2009) dans la diversité d’opinions, d’origines et de classes sociales avant l’arrivée de Obama auréolant ainsi les multiples vertus de la limitation de mandat (fils d’un noir africain succédant au fils d’un ancien président blanc américain), laquelle limitation est d’ailleurs pour quelque chose dans le classement des USA comme 1re puissance mondiale. Que dire de plus à ce sujet ?

Pour ceux qui s’amusent à tripatouiller les constitutions relativement à la limitation de mandat, l’on sait qu’ils sont « soutenus » par 2 types de partisans fabriqués pour la cause : ceux qui sont associés à la gestion du pouvoir ; ceux qui sont temporairement payés pour parler, insulter, manifester et menacer les opposants à leur maintien indéfini au pouvoir.

Tel a été le cas du Niger où les manifestants ont avalé leur langue après le coup de rétablissement de l’ordre constitutionnel par des hommes qui se sont souvenus de la valeur du képi hissé sur leurs têtes par l’effort de la patrie et non du pouvoir en place (que je salue à l’occasion mais avec un bémol jusqu’à ce que je vois les élections organisées et gagnées par un civil, car depuis ma majorité civique, je me suis interdis d’applaudir des deux mains un porteur de tenue même déguisé en civil au pouvoir et mes chers lecteurs ne m’en voudront certainement pas).

La 2e catégorie de partisans ne pouvait manifester parce qu’elle a rempli son contrat de manifester pour la continuité du mandat contre espèces sonnantes et trébuchantes et point barre. La méthode est connue, car aussi vieille que gouverner est possible.

Parlant de quelques bels exemples sur le continent, il y a lieu de citer Léopold Sédar Senghor qui a démissionné en 1980 au profit de son Premier ministre d’alors ; Ahmadou Ahidjo du Cameroun a démissionné en 1982 au profit de l’actuel président, Nelson Madiba Mandela qui a renoncé à solliciter un second mandat après 27 ans de prison sinon de bagne et Alpha O. Konaré qui a respecté la limitation en s’en allant en 2002.

Quelle humilité de l’Homme noir à l’image de ces cas rarissimes qui sont une fierté de gouvernance démocratique, en tout cas en matière de renonciation au pouvoir qui est loin d’être la finalité des dirigeants sensés mais juste une passerelle pour la mise en œuvre des politiques propices au bien-être général.

Voilà une trempe de valeurs humaines dignes d’être chefs du fait de leur conviction qu’une seule hirondelle ne peut faire le printemps, autrement dit qui ne voient que du bien dans la limitation de mandat permettant aux gouvernants de sortir par la grande porte en dépit d’ailleurs de leurs méfaits lors de l’exercice du pouvoir.

Bon sang pourquoi s’accrocher au pouvoir indéfini sachant qu’on est mortel et nul sur terre ne peut achever tous ses projets jusqu’au dernier soupir ? O pouvoir !

Quand tu nous enivres, c’est pire que l’alcool et la drogue. Soyons rationnels et prenons comme exemples ceux qui ont quitté le pouvoir par la grande porte. Ils ne sont pas morts pour cela.

Ils ne sont pas non plus dans l’oubli, loin s’en faut, la plupart sont des icônes, des prix Nobel, de nobles conférenciers aux signatures à prix d’or… loin des hauts et des bas du pouvoir, endroit à la fois paradisiaque et maléfique où le pire et le meilleur se côtoient assez aisément.

Mamadou Fadiala Kéita

(expert consultant en démocratie et droits humains)

Suggestions et observations à : ajcad@voila.fr

A suivre…

25 Mars 2010.