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La défaite a pris tout le monde à contre-pied car personne ne s’y attendait vraiment. Et c’est là que se situe tout le drame. Un drame qui s’est joué en plusieurs actes. Le prélude a été, bien entendu, l’organisation de la Can 2002 au Mali. Evénement au cours duquel, les Maliens ont appris à composer avec à leur équipe, à croire en elle, à se convaincre des ses capacités de remporter une victoire dans un futur proche.

Cet espoir a perduré malgré les ratés, notamment l’élimination des Aigles (acte I) en demi-finale à Tunis. Ce, grâce à l’inestimable capital humain et à la qualité du jeu de l’EN. L’acte Il fut la mise en accusation de la FEMAFOOT consécutive aux mauvais résultats des Aigles lors des éliminatoires combinés coupe du monde/Can 2006, en cours ; la tension entre la Fédération et ministère en charge des sports ; les mauvais résultats des clubs maliens dans les compétitions internationales, les querelles de leadership entre certains joueurs et l’exaspération d’autres par rapport au clanisme dans le groupe. Bref, la mauvaise gestion du football.

A cause de laquelle les Aigles n’engrangeront que deux points sur quinze possibles. Dès lors, il fallait se pencher au chevet de ce foot malade. Le problème fut pris en main par le premier ministre en personne et, acte Ill, une thérapie semble avoir été trouvée. Plus exactement un consensus, encore un, fut conclu entre les différents acteurs du sport roi. Fut privilégiée une collaboration entre la Fédération et le Département, entre des joueurs qui se regardaient en chiens de faïence, entre tous ces acteurs et les supporters, etc.

Ces «acquis» furent médiatisés à outrance, sur fond de tapages, avec un seul impératif : la victoire obligatoire contre le Togo. Les Maliens y ont cru surtout avec l’introduction de ce nouvel élément, un mécène en la personne de Malamine Koné. Encore sur fond de tapage, le nouvel équipementier-mécène-conseiller spécial de la Fédération fut présenté comme un messie, un faiseur de miracles. Le public, dans la nouvelle donne, sera conditionné et braqué en vue d’une victoire inéluctable contre le Togo. «Le match à ne pas perdre», «le match de la dernière chance», «la victoire à tout prix», etc.

Ces slogans ont si bien agi que la pression se fut forte, trop forte sur la tête, les épaules et les jambes des joueurs. Le public avait besoin, impérativement, d’une victoire, une défaite étant impossible et irrecevable. Mais, tous avaient oublié que la victoire est tributaire de sérieux, de travail, d’abnégation, d’organisation, de suivi, de discipline, de volonté, et de sérénité. Cet tribut a t-il été payé ? Le doute est permis et une responsabilité collective, de mise.

Tout le monde est fautif : gouvernement, fédération, joueurs et supporters. Sorti de son habituel mutisme de porte-parole du gouvernement, le ministre Ousmane Thiam, spécialiste des impairs, a dit que le gouvernement a été déçu par le résultat contre le Togo, que sa contribution à l’effort de guerre se chiffre à environ 380 millions de F Cfa, et a invité les uns et les autres a assumer avec dignité la défaite.

Ce que M. Thiam n’a pas dit, c’est la part de responsabilité de l’Etat, c’est-à-dire son laxisme face à la gestion chaotique de la Fédération, avec les changements fréquents d’encadrement, les choix douteux d’entraîneurs, les pressions sur les sélectionneurs, le favoritisme, le népotisme et racket dans la sélection des joueurs, les trafics d’influence, l’utilisation contestée des ressources financières, etc. Le département avait longtemps laissé faire jusqu’à ce que la tension populaire monte et que la stabilité sociale donc politique soit menacée.

La manière dont le gouvernement a voulu régler le problème n’était pas non plus des plus heureuses ; le remède a failli être pire que le mal. Les joueurs non plus ne sont pas exempts de tout reproche, certains s’adonnant à des querelles mesquines et puériles, inutiles, qui ont entamé le moral et la cohésion du groupe dès 2004 à Tunis. Ce qui a fait que depuis Stambouli, le Mali avait certes des joueurs, même de talent, mais manquait d’une équipe, d’un groupe.

Ce dont Lechantre a hérité n’est rien d’autre qu’un groupe de façade, un consensus sur fond de tensions latentes. Cinq jours pour transformer ce consensus, cette cohabitation forcée en une équipe conquérante, c’est peu. Le miracle n’aura pas lieu malgré la meilleure volonté du monde. Mais cela, les supporters n’ont pas pu le comprendre, conditionnés et convaincus qu’ils étaient des déclarations victorieuses fortement médiatisées.

Les verrous ont sauté et la violence animale a explosé. Et au lieu de faire son mea culpa et de reconnaître sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé, le gouvernement est entrain de faire dans la diversion et la fuite en avant. En attendant, la suspension plus que probable des terrains pourrait être salutaire en cela qu’elle permettra aux joueurs d’évoluer sur terrain neutre, c’est-à-dire loin des pressions des supporters trop exigeants parce que trompés et aveuglés.

Ch. A Tandina

30 Mars 2005