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Mariage pluvieux, mariage heureux, dit le dicton. Faut-il en déduire que la pluie qui s’est invitée le dimanche 11 août 2013 au second tour de l’élection présidentielle, bien qu’elle ait rendu difficile l’accès à certains bureaux de vote, est un heureux présage ? Apparemment oui, car une élection présidentielle n’est rien d’autre que la préparation de la rencontre entre un homme et un peuple, à en croire le Général de Gaulle. Ainsi le ciel, en ouvrant ses vannes ce jour précis, place sous d’heureux auspices les noces prochaines entre le Mali et son cinquième président.

Le vote étant terminé, les Maliens sont dans l’attente du verdict des urnes. Qui d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) ou de Soumaïla Cissé sera le cinquième président légalement élu du pays ? A moins d’un miracle, il est peu probable que dans cette partie presque pliée Soumaïla Cissé trouve dans sa manche le joker qui changera le cours du jeu.

Il est arrivé au premier tour avec seulement 19,70% des voix tandis que son adversaire se taillait un large quartier de l’électorat avec 39,79% ; le miracle n’est cependant pas exclu, car le Mali est depuis un bon moment une terre de prodiges. N’est-ce pas un miracle que de débusquer les islamistes du Nord du territoire, et un autre que de réussir l’organisation de cette élection menée au pas de charge pendant l’hivernage, une période peu propice, et tout cela sans accroc et avec une forte adhésion des populations ?

Mais attention ! Parce que c’est lorsque tout concourt, nature, homme et ciel, au meilleur d’une entreprise qu’un grain de sable peut se glisser dans la mécanique. Aussi faut-il se garder de tenter le sort par des actes inconsidérés. Les Grecs nous enseignent que la tragédie surgit de manière inattendue quand le ciel est clément et les dieux favorables. Dans l’attente des résultats, il faut que toutes les parties sachent raison garder en évitant les sorties hasardeuses et les couacs de communication. Si les radios locales et les observateurs peuvent livrer des résultats partiels sans que cela porte à conséquence, il en va tout autrement lorsqu’il s’agit d’une autorité gouvernementale ou d’une structure nationale.

On se souvient que le ministre de l’Intérieur, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, s’était fourvoyé dans des pronostics prématurés au premier tour, ce qui avait suscité des remous et failli compromettre le processus électoral. Un tel impair au second tour serait lourd de menaces pour le pays. Par ailleurs, la collecte, le dépouillement et la proclamation des résultats devraient ne pas traîner en longueur, même s’il est admis que le ministère de l’Administration territoriale dispose de cinq jours au maximum pour proclamer les résultats. La nature ayant horreur du vide, un long silence est le terreau où peuvent fleurir et s’épanouir les rumeurs, les fantasmes, les théories du complot et autres accusations de fraudes.

Au bout de ce scrutin, il y a un fauteuil et non un divan présidentiel. Et le fauteuil présidentiel n’accueille malheureusement qu’un séant, pas deux ! A l’arrivée, il n’y aura donc qu’un vainqueur. A celui-ci, l’ivresse de la victoire et à l’autre, le goût amer de la défaite. Toutefois, il faut espérer du futur locataire du palais de Koulouba qu’il aura le triomphe modeste.

Il ne s’agit pas de se vautrer dans le moelleux d’un fauteuil présidentiel mais de retrousser ses manches pour ramasser les gravats de la guerre et rebâtir ce pays. Le candidat malheureux devra avoir l’élégance d’accepter la défaite. Le camp de Soumaïla Cissé a pointé du doigt, à travers un point de presse dans l’après-midi du 12 août 2013, des dysfonctionnements dans l’organisation du second tour, évoquant des bourrages d’urnes et des bureaux de vote parallèles.

Le candidat de l’Union pour la république et la démocratie (URD) serait-il en train d’endosser le costume du mauvais perdant en voyant ses prétentions présidentielles sentir le roussi? En tout état de cause, des recours légaux existent en cas de contestation des résultats par un candidat. Il faut par conséquent apporter la preuve de ses accusations et surtout éviter de jeter les militants dans la rue et de précipiter le Mali dans des violences postélectorales. Quoique Albert Einstein avertisse de ne rien présager de l’homme parce qu’il est ondoyant, on peut raisonnablement attendre de ces deux candidats sexagénaires, vétérans de la politique, des attitudes de tempérance et d’hommes d’Etat responsables.

Saïdou Alcény Barry

Mise à jour le Lundi, 12 Août 2013 20:37

Source : L’observateur Palaaga