La « rencontre de deux fleuves » en Khassonké et en Malinké ». Les Français l’ont occupé pour l’ériger en Cercle. La ville est réputée pour l’histoire de « Mali Sadio » et pour son passé colonial
Bafoulabé, dans la Région de Kayes, dans l’Ouest du Mali est un impressionnant enchevêtrement et une succession, du plus beau effet visuel, de cours d’eaux, de chaînes de montagnes couronnés par le Barrage de Manantali. Beaucoup de villages de ce cercle, qui a été érigé en circonscription administrative en 1887, regorgent de vestiges du passé dignes du patrimoine national à répertorier et à valoriser.
L’histoire de Bafoulabé, riche en événements, remonte aux 6è et 7è siècles. En 1879 avec la prise de Médine, les Français occupent Bafoulabé. Le passé légendaire de cette localité se raconte à travers les qualités humaines d’un hippopotame, l’animal totem protecteur, affectueusement appelé « Mali Thiatio » ou « Mali Sadio ».
Le fleuve Sénégal naît à Bafoulabé de la rencontre du Bafing et du Bakoye. Selon le préfet Falaye Sy, « cette jonction alimente une histoire vraie et non une légende ». Bafoulabé a d’abord accueilli plusieurs postes (militaire et administratif) du Soudan français (ancienne appellation du Mali pendant la période coloniale) et de l’Afrique occidentale française (AOF), après Médine (dans l’actuelle Région de Kayes), avant d’être érigé en cercle en 1887.
C’est la plus vieille circonscription administrative du Mali. Elle est constituée de 9 arrondissements couvrant 13 communes pour 221 conseillers communaux, 310 villages et 200 hameaux de culture sur une superficie de 20.120 km2. La population est estimée à 321 186 habitants soit 163 640 femmes, selon les dernières statistiques de la direction régionale du Plan.
Cette circonscription est limitée, au Nord, par les cercles de Diéma, Nioro du Sahel et Yélimané, au Sud par le cercle de Kéniéba, à l’Ouest par le cercle de Kayes et à l’Est par le cercle de Kita.
Le village de Bafoulabé, qui abrite les chefs lieu de commune et de cercle de même nom, a été fondé par Sinding Mamadou Diallo, petit fils de Marinfa Diallo, parti de Dialloubé (Cercle de Mopti), en transhumance pour s’installer à Médine, une ville située à 12 km de Kayes. Cela, à cause du conflit qui opposait Demba et Guimba, tous deux fils du fondateur de Bafoulabé.
Guimba se rendit à Saint-Louis, au Sénégal pour solliciter l’intervention de l’Administration coloniale pour régler le conflit en 1878. N’ayant pas été satisfait du compromis auquel les deux parties sont parvenues, il décida de quitter ses frères Demba et Saféré à Médine. Fort de l’accord conclu avec l’administration coloniale, ce prince remonte le fleuve Sénégal jusqu’à sa source (au confluent du Bafing et du Bakoye), en compagnie de Loiuis Archinard, général français de la IIIe République qui contribua à la conquête coloniale de l’Afrique occidentale par la France et est, souvent, présenté comme le conquérant et le pacificateur du Soudan français (actuel Mali).
Jugeant cet environnement favorable au développement, Guimba Diallo s’y installa en lui donnant le nom de Bafoulabé.
Selon une autre version, la ville fut fondée en 1517 par Yamadou Diallo, un peulh arrivé de la Libye pour s’installer, avec ses animaux, au bord d’une mare qu’on appelait « Banfara ». De par leur provenance, on appelle affectueusement la famille de Yamadou, le Limbyssi (descendants de la Libye).
Les principales ethnies vivant dans cette contrée sont les Malinkés, les Khassonkés, les Peulhs et les Diawambés. Des peuples qui se distinguent par leur attachement aux valeurs socioculturelles de la contrée.
« Le potentiel touristique existe, mais est non exploité, en raison surtout des difficultés d’accès et d’insuffisance d’infrastructures d’accueil », souligne le préfet Falaye Sy qui dit que, depuis son arrivée à Bafoulabé, il fait de son mieux pour revaloriser le passé (identification des sites culturels et touristiques, réhabilitation de bâtiments coloniaux), à la grande satisfaction des populations. Ce qui est rare dans la vie d’un administrateur à Bafoulabé.
Le maire de la Commune rurale de Diokely dont relève le célèbre village religieux de Diakhaba, Kambon Diallo, a souligné que lors d’une session du Conseil communal, il a été décidé de recenser les sites touristiques de la commune qui sont estimés à plus d’une dizaine. Il mise sur l’appui d’ONG pour la mise en valeur de ces sites.
Parmi les sites touristiques et culturels du cercle, figure le confluent de Babaroto où était localisé le camp d’exécution des colons. Il a été, aussi, l’antre de « Mali Sadio » où les Malinkés de Babaroto pratiquaient leur rite traditionnel (béléni). On retient aussi le cimetière des marins français.
Dans d’autres localités, le touriste peut, également, découvrir la tombe du neveu d’El Hadji Omar Tall à Diouloukou, village de Gangantan, Commune de Bafoulabé. Autre attraction touristique : le rocher entre Sama (Tomora) et Sabouciré Kontéla où une jeune mariée, appelée Sira Guédé, et sa suite ont été transformées en rocher parce que sa tenue blanche coutumière n’avait pas été souillée lors de la nuit de noces, signe de sa virginité.
Que dire de la grotte de Tondi-Tondi de Kallé (Commune de Mahina), la grotte et la mosquée de Diatawali, Toumbifara (derrière Babaroto), Bambera (fief des Khassonkés), la tombe de Sambou Koumba à Oualia, la tombe de Dabo Moro à Babaroto, le Tata d’El Hadji Omar Tall à Koundian. Il y a, aussi, le Néguétabaly (morceau de fer que personne n’est encore arrivée à soulever et qui donne son nom au village, dans la commune de Niambia).
Jusqu’à présent, beaucoup de sites demeurent inconnus et certains sont même en voie de disparition. Parfois, la diversité des versions donne un caractère légendaire ou imaginaire à ces potentialités.
Il est difficile, pour le touriste ou l’étranger, de percer le mystère de ce fabuleux patrimoine, à cause souvent des interdits et de la méfiance des gardiens de ces temples. Pour le faire, le visiteur est souvent obligé de solliciter l’appui de l’administration ou d’avoir la faveur de ceux qui veillent sur ces sites pour les préserver.
« L’information se paye. Si vous voulez découvrir certains aspects de notre culture et tradition, il y a des formalités à remplir. Mais, comme vous êtes l’un des nôtres, nous nous mettons à votre disposition, sans arrière-pensée », nous ont dit certains habitants de la ville de Bafoulabé.
Par ailleurs, cette localité connaît un phénomène migratoire assez important, qui concerne surtout les jeunes, dont les principales destinations sont les pays d’Europe occidentale et d’Afrique centrale mais, aussi, les centres urbains du Mali. Cette migration est une plus-value importante dans l’Economique du cercle, de la région et du pays entier.
Certaines communes du Cercle de Bafoulabé entretiennent, également, la coopertaion décentralisée, a travers le jumelage avec d’autres localités de la France, en vue de donner de pousser le développement loval. Il en est ainsi de Bafoulabé-Lesquin, Mahina-Lambersart, Selinkegny-Roncq, Ouassala-Lezenines et Diakon-Cachan.
Les populations misent beaucoup sur l’aide extérieure dans une zone qui peut être considérée comme le grenier et le château de la Région, au regard de ses superficies cultivables (plaines, rizières, flancs de collines) et ses nombreux cours d’eaux.
La moyenne des précipitations oscille, souvent, entre 900 et 1.200 mm par an, une moyenne inférieure à celles de Kéniéba et de Kita. Mais, les trois cercles constituent, sans aucun doute, le moteur du développement de la Région de Kayes, en termes de potentialités hydro-agricoles, forestières, minières et industrielles.
Les principales activités qui ont un impact certain sur le développement socioéconomique du cercle vont de l’agriculture à l’élevage, en passant par le commerce et l’artisanat.
Le sous-sol de Bafoulabé regorge d’énormes ressources naturelles et minières qui, selon ses habitants, doivent appuyer davantage le développement communautaire, privilégier la satisfaction des besoins locaux dans la politique de recrutement et contribuer au désenclavement des localités.
Au plan des ressources minières, on peut citer le calcaire de Gagontéry, les marbres de Sélinkégny et les pierres précieuses et semi-précieuses de Diakon dont l’exploitation demeure encore au stade artisanal. Un début d’industrialisation est amorcé avec la construction d’usines pour le ciment (Gagontéry), les carreaux (Stones de Gouroundapé) et les carrières et chaux (Karaga), toutes dans la Commune de Bafoulabé.
La plupart des villages de la zone sont enclavées. La seule route bitumée, qui traverse le cercle, est celle qui relie Kayes à Manantali, via Bafoulabé et Mahina. La Route Nationale (RN2) qui part du monument de Mali Sadio à Mahina pour rejoindre le Cercle de Kéniéba, est délaissée par les transporteurs à cause de son état de dégradation importante.
Les populations souhaitent le bitumage de la route Kita-Toukoto-Bafoulabé et le pont sur le Bafing et le Bakoye, le bitumage des routes Tambaka-Manantali et Sélinkégny-Oussoubidiania-Lakamané, l’amélioration du réseau mobile, l’approvisionnement en eau potable et l’électrification des localités.
Les habitants de Diakhaba souhaitent, aussi, le bitumage de la route qui relie Kala à leur village.
Le phénomène de l’esclavage/captivité et la déforestation prennent des proportions inquiétantes dans le cercle.
Par Bandé Moussa SISSOKO
AMAP-Kayes
Source: L’Essor