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C’est un véritable trophée de guerre qui a été exhumé des décombres du Nord-Mali à la suite des bombardements français et tchadiens pour déloger et réduire à néant les islamistes d’AQMI et d’Ansar-Dine qui progressaient dangereusement vers Bamako. Et l’information sur ce qui passe pour le Graal de la lutte contre l’internationale djihadiste dans le Sahel tourne en boucle dans les médias occidentaux depuis 72 heures avec la diffusion exclusive de son contenu. A l’origine, deux journalistes, Nicolas Champeaux de « RFI » et Jean-Louis Le Touzet de « Libération ». Envoyés spéciaux de leurs organes respectifs dans le septentrion malien pour couvrir le conflit armé, ils font une découverte des plus inattendues en février 2013 : un document inédit signé de l’Algérien Abdelmalek Droukdel, Alias Abou Moussa Abdelouadoud, chef terroriste de la nébuleuse Al-Qaïda, responsable de centaines de morts en tant que combattant du Groupe islamique armé puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et enfin d’AQMI.

Cette feuille de route de Droukdel, intitulée « Directives générales relatives au projet islamique djihadiste dans l’Azawad », montre dans les grandes lignes et avec force détails la stratégie que ce disciple d’Oussama Ben Laden envisageait pour conquérir le Mali et en faire un califat.

Rarement une pêche aura été aussi miraculeuse pour des hommes de médias. Dans une profession où la chasse aux scoops rend la concurrence féroce, nos deux confrères auront vraiment fait preuve de confraternité, même s’ils ne sont pas dans des médias qui sont des concurrents directs.

Si à l’époque, des bribes d’informations en avaient été données, c’est véritablement maintenant que l’intégralité du document a été rendue publique après traduction et recoupement pour s’assurer de son authenticité.

La nouveauté ici réside surtout dans le modus operandi des visées salafistes.

En effet, dans son projet de construction d’un Etat islamique, Abou Moussa ambitionnait de se jouer du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et de la communauté internationale en présentant une façade acceptable du mouvement, qui consistait à détourner l’attention des puissances occidentales en « renonçant à l’application de la charia et en travaillant à conquérir les cœurs des populations locales ».

Sur le terrain cependant, les pratiques et les comportements juraient avec les instructions du chef, et la réalité était tout autre, car les djihadistes ne faisaient pas mystère de leur intention d’ériger le Mali en Mecque de la charia ; fort heureusement, l’intervention de la France à travers l’opération Serval a mis fin aux velléités des salafistes.

Et s’il faut se réjouir du fait qu’on leur a brisé les reins, pour reprendre l’expression d’un général français, reconnaissons que quelques tentacules armés de la pieuvre sont encore actifs avec ces moujahidines clairsemés qui signent des attentats comme ceux perpétrés récemment au camp militaire de Tombouctou. C’est dire que la lutte contre Al-Qaida et tous ces groupes terroristes est un combat de longue haleine.

Le nouveau locataire du Palais de Koulouba, Ibrahim Boubacar Kéita, et ses alliés auront donc tort de baisser la garde face à l’irrédentisme religieux.

Si le projet islamiste de Droukdel a été mis au grand jour, c’est grâce à des journalistes ; malheureusement on veut faire la guerre loin des caméras, or il y a des moments où les armes et la plume, bien que souvent antagonistes, peuvent être complices. Leçon de cette découverte : la guerre contre l’islamisme est très sérieuse pour être la seule affaire des militaires.

Adama Ouédraogo

Damiss

Lundi, 07 Octobre 2013 22:41