Au moment où Soumaïla Cissé prépare sa sortie de la présidence de la commission de l’Uemoa et son entrée politique au Mali, la question de l’unité de l’URD, parti de la poignée de mains, se pose avec acuité. De quoi a-t-on peur ? Les discours du 2ème vice président Oumar Ibrahim Touré (OIT), les associations et clubs de soutien créés en son nom, l’étroitesse de ses relations avec les structures de l’intérieur du parti sont analysés avec minutie et surveillés comme le lait sur le feu.
Le ministre de la santé, Oumar Ibrahim Touré, 2ème vice président du parti de la poignée de mains, est sans doute cet autre poids lourd de l’Union pour la République et la Démocratie (URD) qu’on ose comparer au mentor Soumaïla Cissé, dit « Soumi champion» pour les inconditionnels.
Dans le milieu des observateurs proches du parti, on affirme : « Soumaïla Cissé s’occupe du macro, par exemple quand la campagne s’apprête à s’ouvrir, il peut débloquer un milliard ou plus pour le parti. Mais pendant les périodes inter-électorales, il s’éloigne. Le macro ne touche pas directement les militants à la base qui sont certainement plus touchés par les gestes de Oumar Ibrahim Touré plus proches et plus présents ».
C’est là que réside le mal qui inspire tant la crainte chez certains responsables du parti. Ceux-ci voient au ministre Oumar Ibrahim Touré non pas un renfort, mais le challenger du président de la commission de l’Uemoa, Soumaïla Cissé. Ce dernier (candidat malheureux au 2ème tour de la présidentielle de 2002) est vu sans ambages comme le candidat naturel du parti en 2012, sans être membre du Bureau exécutif national.
Il est considéré à la limite comme le propriétaire de l’URD et il ne saurait y avoir un autre candidat que lui, selon cette compréhension. C’est pourquoi depuis début 2008, quand il a déclaré son intention de briguer la présidence du parti au congrès, Oumar Ibrahim Touré est surveillé comme le lait sur le feu. Il ne s’est certainement pas porté candidat à la présidence du parti lors du congrès (Younoussi Touré est resté président) mais le ministre n’a pas démordu.
La conférence régionale des sections URD de Tombouctou tenue à Diré ce 20 mars lui a servi de tribune pour repréciser sa pensée en invitant les participants à rejeter la culture des militants préférés ou prédestinés. Oumar Ibrahim Touré a-t-il l’intention de briguer la magistrature suprême ? A cette question, il est difficile de trouver une réponse qui tienne à ce jour.
Mais le moins que l’on puisse dire est qu’il serait partant pour briguer la présidence de son parti, à la barbe de Soumaïla Cissé et de Younoussi Touré, quelles que soient les motivations de cette conquête. Cette affirmation ne se fonde pas seulement sur les déclarations faites par le ministre à la dernière conférence des sections, mais sur des actes posés à cette occasion et qui ne trompent personne.
Les clubs OIT à l’accueil à Goundam et à Diré
Goundam, vendredi 19 mars : Oumar Ibrahim Touré a été accueilli avec faste. Ragaillardi par un bain de foule à son honneur, la mobilisation l’a conduit jusqu’à sa résidence pour s’installer à sa porte à travers différents groupes folkloriques musicaux qui ont continué jusque tard dans la nuit.
Le même accueil était réservé à Soumaïla Cissé qui était attendu le lendemain samedi avant de se rendre à Diré accompagné du ministre. Mais le hic est qu’à Goundam aussi bien qu’à Diré le décor ne laissait apparaître que les images de Oumar Ibrahim Touré à travers banderoles et affiches et panneaux, ses louanges à travers les griots bamana et songhoï.
Soumi était totalement absent au sens propre et figuré. Les choses sont claires, la manœuvre avait marché pour réduire Soumaïla Cissé à sa simple expression. Alors c’est une guerre feutrée qui s’était engagée entre les militants divisés en pro-Soumi et pro-OIT. Les premiers rejetaient le programme d’accueil de leur idole, tel qu’établi.
Selon ce programme, Oumar Ibrahim Touré et un comité d’accueil devaient se rendre à une trentaine de Km sur la route de Tombouctou pour accueillir le président de l’Uemoa avec les honneurs dus à son rang. A Goundam, après un bain de foule, il serait reçu à la résidence d’OIT, avant que les deux ne prennent la route pour Diré situé à moins de 40 Km.
Mais pour les pro-Soumi, il n’était pas question que Soumaïla soit reçu par les associations et clubs OIT qui ont littéralement noyé les sections URD aussi bien à Goundam qu’à Diré. Encore moins pour Soumi champion d’être reçu dans la résidence d’OIT à Goundam.
Selon leur schéma, Oumar devrait passer la nuit du vendredi au samedi non pas à Goundam mais à Diré. Et le samedi matin, l’accueil de Soumi aurait lieu entre Diré et Goundam et non entre ce village et Tombouctou comme prévu.
La bataille feutrée est restée en sourdine entre les deux tendances jusqu’au moment où Soumi câblé a tranché en faveur des pro-OIT. « Je viendrai à Goundam et après une pause on continuera sur Diré », avait-il tranché net.
Mai au finish, Soumi ne sera plus accueilli ni à Goundam ni à Diré. Officiellement, l’avion n’a pas pu descendre à Tombouctou. Les mêmes raisons météorologiques auraient été avancées à l’arrivée d’OIT à Tombouctou. Mais le pilote aurait joué à l’indiscipline et a donc permis à OIT de rejoindre les siens.
Conflit ouvert et feutré
Oumar Ibrahim Touré arrive à Diré sans Soumaïla Cissé. Accueil populaire des clubs et associations de soutien à OIT. Certains membres du bureau exécutif national, du fait de la noyade du parti et de l’émergence des banderoles toutes portant le nom d’Oumar Ibrahim Touré et nulle part de Soumaila Cissé, ont tenté de protester. Mais leur voix ne portera pas. Après l’accueil, OIT a été conduit dans une résidence, et le temps d’une concertation les membres du BEN ont disparu dans Diré.
Qu’est ce qui se préparait ? En notre qualité de journaliste, nous n’avons pas pu percer le secret. Ce n’est qu’après une longue attente que les responsables URD refont surface et Oumar Ibrahim Touré tape du poing sur la table.
Il n’est pas question pour lui de se rendre à l’IFM (lieu de la conférence régionale) sans aller saluer les clubs qui avaient maintenu la mobilisation à leur siège. Ce fut fait et à l’adresse des clubs et associations, le député URD de Bankass leur demandera d’appuyer Oumar Ibrahim Touré afin d’avoir le pouvoir pour construire plus d’écoles, d’hôpitaux et de routes.
Le 2ème vice président s’est dit satisfait de l’accueil dont il n’avait jamais vu pareil. Il a invité les clubs à serrer la ceinture et à « convaincre ce qui ne sont pas avec nous à nous rejoindre, car c’est dans l’union qu’il y a le bonheur ».
B. Daou
Envoyé spécial à Diré
24 Mars 2010.