Dans le contexte actuel, le Mali apparaît comme un grand importateur de produits communautaires et subventionne ainsi les exportations des pays côtiers moyennant une compensation des pertes de recettes tout en détériorant, à son corps défendant, son espace économique.
Cela est d’autant plus frustrant que lesdites compensations ne couvrent même pas l’intégralité des pertes de recettes consécutives à l’application souvent injustifiée de la taxation préférentielle.
L’institution par le gouvernement des valeurs de référence servant à la liquidation des droits et taxes sur certains produits concurrents de la production nationale n’a pas permis de résoudre les difficultés rencontrées par le secteur industriel national, dans la mesure où les produits originaires, principale source de difficultés, sont exclus du champ d’application desdites valeurs.
A ce stade, le Mali se trouve devant un dilemme : revoir son appartenance à l’Union au risque d’être marginalisé avec les conséquences qui en découleront ou continuer à assister sans réagir à l’asphyxie progressive et inexorable de son économie ?
La réponse du conférencier à cette question est plus nuancée : une position intermédiaire qui consisterait à repenser les mécanismes communautaires dans leurs travers et leur dysfonctionnement avec de nouveaux garde-fous est plutôt salutaire.
Le conférencier avait auparavant rappelé que la déréglementation des normes qui régissent le commerce international, les difficultés d’organisation à l’échelle nationale des activités commerciales et industrielles, ainsi que l’incidence sur ces activités de l’appartenance du Mali à l’UEMOA principalement ont sérieusement ébranlé l’équilibre déjà précaire de son tissu industriel.
En effet, le secteur industriel malien, qui fait déjà face aux difficultés liées à sa jeunesse et à l’enclavement, ressent de plus en plus avec une acuité particulière les effets paradoxalement néfastes liés à l’intégration censée lui apporter de meilleures opportunités d’accès au marché sous-régional et international.
La mise en œuvre du Tarif Extérieur Commun (TEC), à partir du 1er janvier 2000, a paradoxalement grevé les coûts de production en alourdissant de manière sensible les droits de douane sur les équipements, les produits intermédiaires et les intrants.
L’industrie malienne est fortement tributaire des importations pour ses intrants. Parfois ce sont des produits finis qui sont importés et utilisés comme matières premières ; il en résulte que le classement de certains intrants et produits intermédiaires aux catégories 2 et 3 devient vraiment préjudiciable aux industries concernées.
Une étude récente révèle qu’en dehors même des désagréments inhérents à l’application du TEC, le produit fini transformé au Mali, coûterait 80 à 100% plus cher que son concurrent des pays côtiers, en raison du coût élevé du transport des intrants, des frais d’entreposage et de certains facteurs de production comme l’électricité, l’eau, les télécommunications…
Dans ces conditions, il devient impossible pour le producteur malien de conquérir le marché sous-régional, surtout lorsqu’on sait que seules 39 entreprises industrielles nationales sont agréées à la TPC (2003) chiffre ne représentant que 7,8% du tissu industriel local.
De plus, il faut signaler que moins d’une dizaine seulement de ces entreprises agréées arrivent à exporter. Le volume de ces exportations ne représente lui-même guère plus de 10% de la production nationale.
Dans ce contexte caractérisé par l’envahissement du marché national par les produits communautaires, la question de la survie même de ces entreprises se pose avec acuité d’autant plus que le secteur industriel sous-régional est marqué par le manque de complémentarité de sa production.
Si le poids de la fiscalité de porte exaspère les industries manufacturières, il existe, en revanche, dans le secteur riz une situation inverse tout autant décriée par les producteurs et marquée par la faiblesse de la protection (10% de droit de douane) ayant eu pour conséquences des importations massives de riz asiatique de qualité pourtant inférieure.
Les difficultés ne s’arrêtent pas seulement là. Les industries nationales connaissent les problèmes endogènes, mais aussi ceux liés à la libéralisation des échanges intracommunautaires.
Le protocole instituant les nouvelles règles d’origines de l’UEMOA dispose que les produits récoltés ou extraits du sol, les animaux élevés sur le territoire, les produits industriels fabriqués à partir de ces produits dans une proportion de 60%, mais incorporant 30% de valeur ajoutée acquièrent l’origine, de même que les produits dont la transformation entraîne un changement dans l’un des quatre premiers chiffres de la nomenclature tarifaire et statistique.
Les dispositions du protocole n’accordent pas l’origine communautaire aux produits fabriqués par les entreprises travaillant en régime suspensif ainsi qu’à ceux bénéficiant d’exonération ou de régime dérogatoire.
Les entreprises maliennes sont victimes d’une concurrence déloyale que leur livrent les importations des produits finis similaires bénéficiant indûment des préférences tarifaires en violation des nouvelles règles d’origines instituées par le truchement des exonérations douanières et des importations préférentielles.
Les entreprises doivent pouvoir accroître leurs productions et leur productivité pour baisser les prix et accroître leur part de marché.
Faute de quoi elles resteront toujours un fardeau pour l’Etat ou disparaîtront en aggravant la situation économique et celle de l’emploi.
Yaya SIDIBE
4 mai 2005