Par la voix de son porte-parole, Bakary Mariko, s’exprimant hier matin sur RFI, le chef de l’ex-junte putschiste, le capitaine Amadou Haya Sanogo, a fait savoir son opposition à l’envoi de troupes de la CEDEAO pour libérer le nord du Mali, arguant que l’armée malienne possède un nombre suffisant d’hommes à cet effet et qu’elle a surtout besoin de matériel et de logistique. » Aucun soldat de la CEDEAO ne mettra les pieds au Mali » a déclaré Mariko, réitérant une formule déjà utilisée par le capitaine Sanogo lui-même, au plus fort de la confrontation entre l’éphémère CNRDRE qu’il présidait et l’Organisation sous régionale, en avril-mai dernier.
Dans la requête qu’il a adressée la veille, mardi 4 septembre, au président de la CEDEAO, Alassane Dramane Ouattara, le président de la transition malienne, Pr Dioncounda Traoré, a demandé que cinq bataillons (entre 2500 et 3000 hommes ) soient déployés au nord du Mali pour sécuriser les villes qui seront libérées, en plus d’un appui aérien, en logistique et en formation. A l’inverse, il a jugé » sans objet » la présence de soldats communautaires à Bamako pour assurer la sécurité des institutions.
Cette réaction du capitaine Sanogo prouve une chose : s’il n’a pu accéder à la dignité de chef d’Etat du Mali, il garde la main haute sur l’armée. Au point de contester en son nom, sur les ondes de l’une des radios les plus écoutées au monde, l’autorité du président de la République intérimaire et de prendre ainsi le risque d’aggraver la crise dans laquelle se meut le Mali depuis le début de l’année en cours.
L’ex-chef de la junte n’en est pas à sa première défiance à l’égard du président Traoré. En avril, il proclamait que celui-ci ne resterait pas une seconde de plus à son poste de président par intérim à l’expiration de la période de 40 jours à lui dévolue par la Constitution. Une prise de position perçue comme un encouragement aux forces pro putsch qui intensifieront alors la pression pour faire partir Dioncounda Traoré au profit du capitaine lui-même. En vain.
Au regard de cette nouvelle défiance, l’on peut se demander si le président intérimaire n’a pas péché par excès d’optimisme (à moins qu’il n’ait cédé tout simplement à la peur) en confiant sa sécurité personnelle à l’armée nationale. Si celle-ci devait déboucher sur une rupture, il en ferait dramatiquement les frais ainsi que cela a failli être le cas lors de la marche de protestation, qui a tourné en » tentative d’assassinat » le 21 mai dernier.
Pour en arriver au motif de son rejet du déploiement des troupes de la CEDEAO, il ne convainc que ceux qui veulent bien y croire. Il est du domaine public que les militaires maliens ont laissé derrière eux énormément d’armes et de munitions, qui ont servi à renforcer les arsenaux des terroristes, les rendant plus redoutables qu’avant le début des hostilités. Quelle garantie le chef des ex-mutins ayant renversé le président ATT, le 22 mars dernier, peut-il apporter que de nouveaux équipements, qui seraient offerts à ses troupes, ne finiraient pas aux mains des mêmes terroristes ? C’est dans le même état d’esprit que les armes et munitions achetées par le Mali sont bloquées dans les ports des pays voisins, en attendant que les conditions de leur utilisation optimale soient clairement établies par les stratèges de toutes les parties impliquées dans la reconquête du nord du Mali. Par contre, avec son refus de coopérer, ilfait courir au Mali le risque de retarder l’échéance de cette reconquête, de prolonger les souffrances des populations concernées et de favoriser le développement de l’abcès terroriste au cœur du Sahel.
Quant à empêcher l’arrivée des troupes de la CEDEAO au Mali, on se demande bien comment le capitaine Sanogo entend s’y prendre dans l’état de dénuement matériel et logistique où son armée se trouve, de son propre aveu. En revanche, lui et ceux qui l’accompagneront dans cette aventure à très haut risque pourraient terminer leur carrière devant une juridiction internationale.
Comme un certain Laurent Gbagbo.
Saouti Haidara
L’Indépendant du 7 Septembre 2012