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Au finish, cette même Cour jettera à la poubelle plus de 511 000 bulletins de vote sur un peu plus de 2 000 000 déposés dans les urnes, soit le quart des suffrages exprimés.

Eliminant du coup IBK du second tour au profit de ATT et Soumaïla Cissé. Pour le peuple RPM et les sympathisants, à l’époque très nombreux de IBK, il ne fait pas de doute que celui-ci a été dépouillé de sa victoire au profit du Général dont le retour aux affaires avait été voulu et soigneusement préparé par le président sortant, Alpha Omar Konaré et l’administration à son entière dévotion.

Principale victime de ce scrutin, IBK lui-même n’hésitera pas à déclarer publiquement que son rival victorieux, ATT « a été désigné et non élu ».

Les législatives, qui suivront quelques semaines plus tard, confirmeront l’incontestable popularité de IBK et du regroupement politique dont il assurait le leadership, Espoir 2002, auprès de l’électorat.

A Bamako, l’ancien Premier ministre sera l’unique candidat à se faire élire dès le premier tour. Espoir 2002 remportera le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée Nationale (66 dont 47 pour le seul RPM) devançant de loin l’ADEMA et ses alliés de l’ARD (55).

Les électeurs, qui ont donné leurs suffrages à la coalition dominée par le RPM, entendaient peut-être réparer l’injustice faite à leur candidat lors de la présidentielle.

Ils s’attendaient, en tout cas, à ce que le regroupement, qui a majoritairement recueilli leurs suffrages, obtienne un nombre conséquent de portefeuilles au gouvernement. Il n’en sera rien.

Le RPM devra se contenter de trois sièges. Autant que l’ADEMA. Chose curieuse, même des partis qui n’ont gagné aucun siège sont récompensés. Cas du MIRIA du Professeur Mamadou Lamine Traoré, du PSP de Oumar Hamadoun Dicko.

Trempées d’indignation, des voix s’élèveront ainsi pour dire que le RPM est devenu le dindon d’une farce électorale, qu’il n’a rien à faire dans ce gouvernement qui, au nom d’un pseudo-unanimisme, fait la part belle aux amis politiques et aux amis tout court du président.

Enlevant ainsi toute signification au fait électoral qui constitue pourtant le soubassement même de la démocratie.

A tous les mécontents et protestataires qui pressaient de sortir de ce système injuste et dévalorisant, IBK répondra invariablement : « le Mali est au-dessus de nos petits intérêts personnels. Il faut laisser le président travailler en toute quiétude. Rien ne vaut la paix dans un pays. »

Au paroxysme de son agacement, il ira jusqu’à proclamer : « nul ne m’opposera au président ATT ». Cette loyauté, à la limite de l’aveuglement, aura pour effet de démobiliser les troupes, créer l’incertitude, voire le désarroi chez nombre de cadres dont certains choisiront de retourner à l’ADEMA qu’ils avaient quitté pour fonder ou rallier le RPM.

La déclaration du 8 juin 2005 n’est que l’expression de frustrations longtemps accumulées par les cadres du RPM, marginalisés dans la répartition des postes au sein de l’appareil d’Etat alors que, paradoxalement, leur parti est le mieux représenté à l’Assemblée Nationale.

Elle aura servi de prétexte à ATT pour se débarrasser d’un allié devenu encombrant à la fois par ses prétentions à plus de responsabilités et ses critiques envers un système auquel il participe malgré tout.

Mais la vraie raison du divorce est ailleurs. Elle réside dans le fait que IBK est, à l’heure actuelle, l’unique homme politique au Mali capable de tenir la dragée haute à ATT, voire de faire échec à une éventuelle tentative de sa part de renouveler son mandat présidentiel à 2007.

Le président du groupe parlementaire RPM-RDT à l’Assemblée Nationale, Kadari Bamba, ne s’y est pas trompé en alléguant que l’exclusion dont ce groupe vient d’être victime dans la formation du Bureau de l’Assemblée Nationale marque « l’ouverture prématurée de la campagne pour la présidentielle à venir« .

Avec le ralliement à sa cause de la quasi-totalité des états-majors politiques, ATT semble avoir pris une sérieuse option sur son adversaire le plus redouté.

Mais l’on sait qu’en Afrique plus qu’ailleurs, une bataille électorale n’est jamais définitivement gagnée avec les seuls états-majors politiques.

El Hadj Saouti Labass HAIDARA

18 octobre 2005.