Alors que Maliens et Autrichiens se félicitent et se réjouissent de la libération des deux otages autrichiens, survenue en fin de semaine dernière, c’est la colère du côté de l’Algérie où un journal de ce pays, proche du gouvernement, accuse ATT de traiter avec «les terroristes du GSPC qui sont aussi à l’aise dans le Nord-Mali que dans une colonie de vacance».
La libération des otages autrichiens, à travers l’implication personnelle du président de la République, Amadou Toumani Touré, n’a pas fait que des heureux. Si les autorités maliennes et autrichiennes se sont félicitées du dénouement heureux de la désormais affaire des deux otages, enlevés en Tunisie le 22 février dernier, puis transférés au nord du Mali, tel ne semble pas être le cas en Algérie où tout le monde n’apprécie pas l’événement de façon positive.
En effet, à la Une de sa parution d’hier, lundi 3 novembre 2008, le quotidien national d’information algérien Liberté (www.liberte-algerie.com/), un journal d’expression française, qui porte la devise : «le droit de savoir et le devoir d’informer», titrait ainsi : «Alors que la Libye a payé 5 millions d’euros pour les otages autrichiens, quand le Mali négocie avec le GSPC».
Dans cet article, ce quotidien pro gouvernemental sans se préoccuper trop de savoir ce qui s’est réellement passé dans cette affaire, se précipite d’ accuser le président Kadhafi d’avoir mis la main à la poche pour débourser 5 millions d’euros en faveur des terroristes du GSPC, ravisseurs des deux otages européens.
Ensuite, l’auteur de ce pamphlet, Mounir Boudjema, s’en prend gratuitement au président malien qu’il accuse de «protéger les groupes terroristes» et de «jouer un double jeu malgré ses discours sur le terrorisme».
Dans sa frénésie à vouloir coûte que coûte salir la réputation du Mali et l’exploit réussi par le président ATT dans cette affaire, notre confrère, progouvernemental algérien écrit ceci : «Bamako bat le rappel d’Iyad Ag Ghali, consul malien à Djeddah, et met le maire de Kidal, Baba Ould Cheikh, sur le sossier…C’est tout l’appareil de l’Etat malien qui s’est mis au service d’une négociation, dont le GSPC en sort bénéficiaire car non seulement il profite des largesses territoriales d’ATT, mais également d’une rançon de plusieurs millions d’euros qui vont encore être injectés en armes et explosifs dans les maquis algériens». «Le droit de savoir et le devoir d’informer» a certainement manqué à notre confrère qui, non seulement se plante, mais fait preuve de mauvaise foi.
En effet, l’ancien chef rebelle, Iyad Ag Aghali, n’a jamais été associé aux négociations pour la libération des otages. Depuis sa prise de fonction, il n’est pas retourné au Mali. Idem pour le maire de Kidal, de son vrai nom Attayoub Ag Intallah et non Baba Ould Cheikh comme l’écrit faussement notre confrère. Du côté de l’Algérois, on a assurément l’imagination très fertile et le mensonge trop facile.
Mauvaise foi
La mauvaise foi de ce quotidien est manifeste quand il affirme que les terroristes «profitent des largesses territoriales d’ATT». Que non !
Tous les esprits lucides savent que les difficultés que connaissent le Mali au nord du pays sont essentiellement dues au fait que Bamako ne maîtrise pas ses frontières poreuses avec l’Algérie, le Niger et la Mauritanie. A maintes reprises, dans ces mêmes colonnes, nous avons eu à accuser l’Algérie d’ouvrir grandes ses frontières et de prêter une aide logistique aux bandits armés de Kidal.
De même, nous avons salué, en son temps, c’était en juillet dernier, la volonté d’Alger et de Bamako consistant à la mise en place de patrouilles mixtes algéro-maliennes et l’échange d’informations et de renseignements entre les deux armées pour en finir avec le terrorisme et le banditisme armé qui sévissent dans leur espace frontalier commun.
Fausses accusations
Si ATT le pouvait, le GSPC ne séjournerait certainement pas un seul jour sur notre territoire. Ce groupe islamo-terroriste se déplace librement tout au long de la frontière algéro-malienne.
L’accusation portée par le journal progouvernemental algérien contre le Mali peut se retourner contre son propre pays. S’il était aussi facile de neutraliser le GSPC, pourquoi les Algériens tardent-ils à faire le ménage chez eux-mêmes ?
Chaque jour qui passe, nous savons que ce groupe, dont la nouvelle appellation est «La branche armée d’Al Qaïda au Maghreb», frappe en plein cœur d’Alger ou d’autres villes algériennes. Où sont donc les intrépides soldats algériens pour en finir avec eux ?.
Quand des éléments de ce groupe terroriste pénètrent au Mali, ils n’avertissent personne. Idem, quand ils en sortent. Parce qu’ils «considèrent que le territoire de Dieu n’a pas de frontière». Ce qui est sûr, c’est que le Mali n’entreprendra jamais une action qui pourrait déstabiliser le pays de Abdoulaziz Boutéflika, le plus Malien des Algériens.
La résolution de la question de Kidal est en partie entre les mains d’Alger. Quel est l’intérêt alors pour le Mali d’oeuvrer pour nuire à son voisin algérien ? En ce qui concerne la rançon payée aux ravisseurs, ATT a, pour sa part, déclaré haut et fort : qu’«aucune somme d’argent n’a été remise à personne» de la part des autorités maliennes et pour autant qu’elles le sachent.
Que l’exploit d’ATT face des jaloux, c’est humain, c’est compréhensible. Mais de là à croire que le Mali démocratique, en proie lui-même à des soubresauts armés dans le Nord-Est du pays, soutienne de quelque manière que ce soit des terroristes, il y a un pas que le quotidien national d’information algérien «Liberté» a trop vite franchi.
La leçon que l’on peut tirer de cette affaire des otages autrichiens est qu’elle vient justifier, comme s’il en était encore besoin, l’impératif, voire l’urgence d’une conférence sahélo-saharienne sur la sécurité. Pour que les Etats parlent un même langage et agissent de concert pour faire de cette zone un espace de stabilité et de développement.
Chahana TAKIOU
04 Novembre 2008