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CHEFS D’ETATS DE L’UNION AFRICAINE

Notre amertume de nègre fut immense ce jour du 2 février 2008 du fait de l’échec de l’Africain à s’assumer. L’Union africaine tient dans ses bras les braises brûlantes et mortelles du Kenya déchiré. Elle reçoit aussi, en pleine figure, la gifle rébellion de N’Djamena. Le constat affligeant est là qui atteste amèrement et tristement l’échec de tout un continent, l’échec de tous nos dirigeants africains.

Tous les prophètes, est-il besoin de le rappeler, comme tous les dirigeants, les devanciers, ont été investis de défendre une cause sociale. Abraham défendait la liberté du culte ; Moïse combattait l’injustice sociale ; Jésus luttait contre les déséquilibres sociaux ; Mohamed (PSL) œuvrait pour la promotion des droits de l’Homme et tout cela de façon désintéressée.

A ce propos, le Dr. Capri Djédjé, ancien président de l’Assemblée territoriale, a affirmé dans l’œuvre : « A l’ombre d’un Soufi », (page 62) « Je suis de ceux qui croient fermement que la foi est le premier avoir de l’homme. C’est pourquoi il m’a toujours plu d’admirer le Cheihk Yacouba Sylla pour tous les actes de foi qu’il a posés tout au long de sa vie jusqu’au sacrifice, un sacrifice assimilable à celui d’un être qui donne sa vie pour une cause divine, un martyr en quelque sorte.

Ces actes de foi manifestés dans la région de Gagnoa se sont essentiellement matérialisés par une charité à toute épreuve et sur tous les plans (…) Pour magnifier l’œuvre immense de Cheihk Yacouba Sylla, il faut remonter aux années 1946-1947 où déjà il posait les jalons de l’urbanisation de la ville de Gagnoa en bitumant les artères et en y posant les premiers éléments de l’électrification de cette ville à ses propres frais. Son humilité était digne d’un homme qui se voulait le serviteur sans contrepartie. Fidèle en cela, aux paroles de l’Evangile chrétien où le Christ proclame que celui qui veut être le premier d’une collectivité doit être le premier serviteur ».

Comment ne pas se souvenir de lui en ces nuits profondes où baigne l’Afrique ? Comment ne pas raviver la réaction de mon illustre géniteur qui dès la veille des indépendances me faisait part de ses doutes quant à l’indépendance véritable de l’Afrique. Sa préoccupation, aujourd’hui, habite encore ma mémoire.

Indépendance ? Voire

Ces mots, comme un écho, retentissent dans mon esprit : « Vous n’êtes pas indépendant mon fils. La signature qui vient de se faire et qui vous fait croire à une indépendance, n’est qu’un pur calcul politique. Vous allez connaître une autre forme de recolonisation beaucoup plus grave que la première ; avec les intellectuels forgés dans leurs universités, les Blancs pérenniseront leur présence, leur domination ».

Je suis de fait attentif aux prêches de mon frère Laurent Gbabgo (président de la République de Côte d’Ivoire) qui, lors de ses contacts avec les populations, les encourage au travail, facteur essentiel d’épanouissement, seul gage de la liberté, la liberté de l’Afrique. Cependant, face à l’échec collectif qui nous apostrophe, devant cette hécatombe qui ravive et peine notre émotion nègre ; devant la gifle de l’Afrique à l’Afrique, je me pose un certain nombre de questions :
– Nos chefs d’Etat œuvrent-ils véritablement pour relever le défi de la dignité et de la grandeur de l’homme africain ?
– Ne luttent-ils pas plutôt pour leurs intérêts personnels ? Pour l’accroissement de leur fortune déjà colossale ? Comme le révèle Philippe Bernard dans le journal Le Monde, Edition du 31 janvier 2008 ?

« C’est un monde enchanté où l’on vogue d’une villa de 9 pièces avec piscine à Nice, à un hôtel particulier de l’Ouest parisien. Un univers surréaliste peuplé de Bugatti, payés cash plus de 1 million d’euros. Un microcosme constellé d’une myriade de comptes bancaires. Oligarques russes ? Rois du pétrole saoudiens ? Stars d’Hollywood ? Non : chefs d’Etat africains, producteurs de pétrole pour la plupart, mais dont les populations comptent parmi les plus pauvres de la planète ».

Nos chefs d’Etat aspirent-ils réellement à libérer le continent africain encore sous perfusion des accords de défense Occident/Afrique ?

A bien ausculter la gestion africaine depuis les indépendances, le désastre de toute évidence signe l’assassinat des innocentes populations africaines. A y voir de près, ces honorables présidents africains ne sont généralement pas issus d’élections démocratiques. La très grande majorité d’entre eux est le produit d’un coup d’Etat militaire et leur élection démocratique est la forfaiture la plus qualifiée de la démocratie et du respect du droit de l’Homme et des peuples. Leur nouvelle arme déshonorante et destructrice est le tripatouillage des constitutions pour se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir.

Lors du sommet de l’Union africaine à Banjul, l’honorable Alpha Oumar Konaré, dans un discours très critique, a dénoncé l’irresponsabilité de nos dirigeants africains et a proposé, pour redorer un tant soit peu leur blason terni, une Charte de la démocratie qui aura, entre autres missions, le respect de la limitation des mandats présidentiels existant déjà dans leur constitution. A notre grande honte, les chefs d’Etat africains ont, à l’unanimité, refusé de prendre position pour cette charte.

Pauvre Afrique !

Que ces dirigeants ne s’étonnent donc pas des tentatives de coups d’Etat, des conflits post-électoraux, des rebellions, des grèves intempestives qui minent leurs Etats et illustrent leur mauvaise gouvernance. Le président Senghor avait raison lorsqu’il disait : « Je n’ai plus ma place dans la conférence des chefs d’Etat, conférence prise d’assaut par l’inculture militarisée ».
On comprend alors qu’il ait été acheté en ces quarante-huit années plus de kalachnikov, de mines antipersonnel et d’armes de guerre en tous genres en lieu et place de concentrer les ressources sur l’éducation, la santé et le développement des industries qui confèrent aux nations le progrès.

Du panarabisme de Gamal Abdel Nasser au panafricanisme pétrodollar de Kadhafi qui s’est satisfait d’expulser les nègres de chez lui jusqu’au crime de janvier 1963 d’Etienne Eyadema, la terre d’Afrique, on peut le dire, est un mausolée de restes mortuaires, de coups d’Etat, et de forfaitures électorales. Toujours recommencer, preuve de la bêtise de l’homme mentalement débridé et dont l’inhumanité est viscéralement monstrueuse.

Aujourd’hui, notre bel outil d’intégration Air Afrique a disparu du ciel africain. La plupart de nos institutions de développement sont sous la caution gendarme du FMI et de la Banque mondiale. Notre BCEAO, dite banque d’émission est la forme la plus insidieuse qui insulte la souveraineté des Etats membres.

Il est donc temps que nos chefs d’Etat, depuis la dévaluation du F CFA en 1994, aient le courage et la franchise de dire aux populations de la zone CFA la raison pour laquelle la Banque de France, sur la place financière de Paris, n’accepte pas le F CFA à l’échange.

Lorsqu’en juin 1996, j’ai interpellé le président Abdou Diouf depuis Paris, parce que les millions de F CFA que j’avais entre les mains n’avaient aucune valeur dans toutes les banques d’échange, sa réaction fut de m’ignorer au nom de sa dépendance au réseau Foccart.

Le constat est là. Le mensonge politique est gros. La Banque de France, celles de l’Occident en général contrôlent l’estomac de nos chefs d’Etat ce qui fait dire au président Mamadou Koulibaly dénonçant le pacte colonial que : « 70 % des Ivoiriens n’ont qu’un seul repas par jour. Nous, nous mangeons copieusement cinq fois. Nous devons avoir honte ».

Frère Koulibaly, avouons-le tout net : ce sont nos cinquante-deux chefs d’Etat qui mangent copieusement cinq fois par jour et le peuple africain, peuple d’un continent pourvu d’inestimables richesses et considéré comme continent à scandale géologique, croupit, plus que jamais, sous le poids de la pauvreté. Non seulement nous devons en avoir honte, mais nous devons grandement souffrir de savoir que lors du seul repas, l’Africain affamé est souvent fauché par les balles de la Kalach des ambitieux du pouvoir et des fous de l’argent démon.

A toi mon frère Laurent Gbagbo : la grosse gifle de l’Afrique à l’Afrique me commande de te conseiller de mieux faire ton métier politique. Moins de discours et surtout, pas ceux dans le genre tirés çà et là : D’abord : « Les nouveaux riches, ça ne me dérange pas, les voleurs ce n’est pas mon rôle de les mettre en garde ». Ensuite, aux musulmans : « Désormais, ceux qui escroqueront les pèlerins iront en prison ». Puis, en août 2007, à ton armée : « Je n’ai pas cinq francs pour vous, faites ce que vous voulez ». Et enfin, toujours à ton armée, à la présentation des vœux 2008 : « Si vous voulez, faites ; moi, je ne fuis pas ».

Si pour toi, mon frère Gbagbo, ce n’est pas ton rôle de mettre les voleurs en garde, je ne me priverai pas du devoir de citoyen d’un pays laïc de te conseiller d’éviter les dérisions hérétiques. Rappelle-toi que le président Modibo Kéita s’était exprimé de la sorte un jour de septembre 1967 au stade Mamadou Konaté de Bamako. Il disait que jamais on ne dirait de lui ancien chef d’Etat et que les chars de la révolution écraseraient tous les contre-révolutionnaires. Mais juste un an après, il fut évincé du pouvoir.

Un profond changement doit s’opérer

Excellences, ne restez plus enfermés dans votre confort, vos honneurs, vos privilèges. Messieurs les présidents, on ne vient pas à la politique pour s’enrichir mais pour sortir les populations de la pauvreté, de l’indigence dans lesquelles la majorité d’entre vous les retiennent. La politique, la vraie, vous recommande d’être sensible à la misère de votre peuple.

Dignitaires, souscrivez à lui construire un destin du respect de la vie humaine, un destin d’honneur. Sachez que la terre d’Afrique a un plus grand besoin d’engrais agricoles que du sang humain qui coule du fait de vos ambitions insatiables. Que le matérialisme sordide de l’égocentrisme, la bêtise du terrorisme cesse.

Les peuples africains souhaitent que leur être leur soit restitué dans la préférence de la dignité, dans l’éthique qu’aux avantages de la compromission. Ayez la quête de l’amour divin qui confère à l’être humain tout son sens, par lequel il idéalise ses rêves de grandeur et de paix.

Puisse le Seigneur illuminer les chefs d’Etats, les présidents africains en particulier afin qu’ils soient lumière et manifestation sublime de l’amour et de la sagesse pour une véritable renaissance de l’humanité spirituelle des peuples.

Gloire à Dieu !

Ahmadou Yacouba Sylla

Député de la circonscription de Nioro, Soudan français, actuel Mali de 1958 à 1961. Membre du cabinet du président Félix Houphouët-Boigny de 1964 à 1993. Auteur de A l’ombre d’un Soufi.

E-mail : cheickays@yahoo.fr Tél. : 21 24 09 09, Cél. : 05 06 12 93

25 Mars 2008.