Partager

« Monsieur le ministre a affirmé que les détenus militaires sont dans leurs droits. Nous réfutons avec la dernière énergie ces propos irresponsables et fallacieux. Comment comprendre que des innocents soient arbitrairement arrêtés sans mandats d’arrêts, gardés en détention 2 mois, torturés, certains ayant été exécutés et qu’ensuite la justice se saisisse du dossier sans pour autant remettre les uns et les autres dans leurs droits ?

Les pièces officielles de ce dossier montrent que la détention de la plupart des militaires est une pure mascarade. Certains n’ont pas participé aux événements du 30 avril dernier, mais subissent aujourd’hui la justice des vainqueurs. Ils ont été arrêtés sur la base de rumeurs, déclarations, dénonciations lâches…

Le gouvernement, à travers son Premier ministre, son ministre de la Justice, a-t-il ouvert une enquête sur les conditions de détention sachant que les détenus sont restés 50 jours à Kati, enfermés 24 h/24, portes et fenêtres cadenassées à 45°, sous-alimentés, sans droits de visites, sans droits de promenades, sans droits de lire ni d’écrire ?

Aujourd’hui, à la gendarmerie, ils reçoivent rarement des visites, sont enfermés 24 h/24, et ne peuvent toujours pas lire, ni écrire. Nous les femmes, nous sommes fouillées et humiliées par les militaires lors de nos rares visites. Qu’à fait le gouvernement ? Les images de tortures des bérets rouges sont passées sur France 24 en boucle et sur les réseaux sociaux. Horrifiés, le monde entier et tous les Maliens ont vu cette vidéo.

Tout gouvernement responsable aurait condamné cette violence. Pourquoi le gouvernement du Mali n’a jamais demandé une enquête sur ces barbaries et disparitions ? Une vingtaine de familles sont toujours à la recherche des leurs. Par respect pour elles et toutes les familles éprouvées par les dérives, le ministre aurait dû avoir la décence d’observer un devoir de silence à défaut d’avoir le courage de s’ériger contre les injustices.

Nous posons la question à M. le ministre : les détenus sont-ils dans leurs droits sachant que les auditions ont été suspendues depuis 1 mois par le juge d’instruction ? Parmi les détenus, certains sont donc en garde-à-vue depuis 3 mois et n’ont pas pu voir leurs familles, car n’ayant toujours pas été inculpés. A cette question, nous savons ce que vous allez faire. Trouver des excuses, des alibis, des déclarations plates… pour vous justifier. Honte à vous et au système judiciaire malien !

Par ses déclarations, le gouvernement et son porte-parole se rendent complices des violations des droits de l’Homme et ne font rien pour apaiser la crise au sein des Forces armées du Mali. Le pouvoir entre les mains de l’Etat et de la justice a été volontairement destructeur. Des vies humaines ont été brisées pendant que leurs carrières au gouvernement se poursuivent après avoir banalisé ces arrestations et détentions inhumaines. Honte aux autorités qui ne cessent de se décrédibiliser !

Nous demandons l’application du point IV de la déclaration du Groupe de contact sur le Mali relatif aux mesures d’apaisement et de confiance. Réuni à Ouagadougou, sous l’égide des chefs d’Etat, le groupe a demandé « la libération immédiate de toutes les personnes arbitrairement détenues. Il demande en outre à la Cour pénale internationale (CPI) de procéder aux investigations nécessaires à l’identification des auteurs de crime de guerre et à engager les poursuites nécessaires à leur encontre ». Il n’en est rien et cela n’a pas été pris en compte par le Premier ministre à travers sa feuille de route.

Sinon, nous n’avons pas peur d’aller à un procès, à condition que la justice cesse sa fuite en avant et lance réellement la procédure judiciaire. Oui à la justice mais non à la justice à deux vitesses. Il y a eu une loi d’amnistie pour les putschistes. Nous, nous voulons blanchir nos maris et intenter un procès contre le gouvernement du Mali pour procédure abusive, maltraitance et torture.

Nous demandons à toutes les forces travaillant pour la paix et la stabilité de s’investir. Nous voulons le retour de nos maris, le respect du droit et une justice saine et équitable ».

Le Collectif des femmes d’officiers, sous-officiers et soldats disparus ou détenus par la junte et le gouvernement du Mali.

Les Echos du 20 Juillet 2012