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Elle vient de briser la glace en se rappelant au bon souvenir de ses nombreux admirateurs et des martyrs de la révolution. Tout comme l’ancien premier ministre britannique, un faucon parmi les faucons qui dirigea les Tories et la Grande Bretagne d’une main d’acier, Mme Sy n’aime pas la langue de bois dont étaient coutumiers les dirigeants de l’ex-empire soviétique.

Elle dit crûment ce que les autres pensent tout bas. Tout simplement parce qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche. Par ses sorties musclées, elle a montré aux irréductibles de l’Adema de quel bois elle se chauffe et envoyé les contestataires du régime paître en enfer. Alpha lui doit une fière chandelle. Membre du fameux clan de la CMDT, elle n’a jamais caché son amitié profonde pour Soumaïla Cissé. Elle le fit même savoir au plus fort de la lutte des clans au sein de l’ADEMA.

Elle ne suivra pourtant pas Soumaïla Cissé dans la création d’un nouveau parti politique. C’est la preuve de la constance et de la maturité chez une femme qui ne prend aucune décision à la légère. Après tout Toumani Djimé Diallo a démissionné de ses responsabilités au sein de la section V RPM du district mais cela ne l’empêche pas d’être le maître à penser d’IBK et de s’enfermer toujours dans ses valises.

La dame de fer ne roule certes pas dans le carrosse de Soumaïla Cissé. Elle a préféré rester à l’ADEMA contre vents et marées. Mais orpheline du clan de la CMDT, isolée et débordée sur ses flancs par des gourous de la taille de Marimanthia Diarra, elle a perdu la bataille pour le contrôle du secrétariat général et, partant, la guerre de l’entrisme pour la révision des textes du parti.

Car à l’Adema, on foule allègrement les textes au pied au gré des circonstances et selon le faciès. C’est en violation flagrante de ces mêmes textes que Marimanthia cumule les fonctions de secrétaire général du parti et de ministre de l’Aménagement du Territoire.

D’une certaine façon Mme Sy Kadiatou Sow s’est fait rattraper par sa propre histoire. Elle fut l’une des plus farouches opposantes à la « candidature naturelle » de l’ancien premier ministre et président du parti Ibrahim Boubacar Kéïta.

Aussi, sous prétexte de relecture des textes au cours du congrès extraordinaire d’octobre 2000, elle a trempé au plus profond de la conspiration qui a fait partir le sauveur du régime de Alpha Oumar Konaré. Peut-être, ne savait-elle pas à l’époque que dans la ruche, chacun a son tour chez le coiffeur. Ayant débarqué IBK, elle vient, à son tour, d’être débarquée.

Et pour cause : la complotite n’a pas de limite dans l’antre des abeilles. Iba N’Diaye, une autre victime expiatoire de ce mal congénital des frelons, n’en finit pas de rager. C’est sans doute à cause de toutes ces vicissitudes de la vie politique que Margaret Sow s’est retirée comme un Bédouin sous sa tente. A reculons, car elle est partie sans crier gare. Motus et bouche cousue.

Contrairement à d’autres politiciens de renom comme Almamy Sylla qui, après avoir annoncé sa retraite politique en fanfare avec clairon, tambour et trompette, revient en force pour opérer une fusion avec le RND. Mme Sy Kadiatou Sow n’est pas de ceux qui mettent un pied dedans et un pied dehors.

Elle est sans doute celle qui est la plus déçue du déroulement du jeu politique au Mali et du comportement des acteurs. Après avoir bravé les chars de la soldatesque moussaïste, lu un discours digne de Démosthène perchée sur un BRDM, son amertume est grande de voir tous ses sacrifices transformés en dérision par des acteurs de mauvais goût. Certains silences sont grands comme le stoïcisme du loup d’Alfred de Vigny.

Et Horace disait que « mourir pour la patrie est un si digne sort, qu’on briguerait en foule une si belle mort ». Après s’être sacrifiée pour l’avènement du printemps de Bamako, Mme Sy Kadiatou Sow peut se consoler, à présent, dans son projet de réduction de la pauvreté des déshérités de Kayes.

Tout comme la révolution, c’est aussi un combat qui vaut la peine d’être mené. Mais au lieu de réduire la pauvreté, ne faut-il pas la vaincre ? Sainte Jeanne d’Arc est morte sur le bûcher, elle en est ressortie béatifiée, canonisée, la tête couverte de lauriers. Pourquoi pas son émule au Mali, Mme Sy Kadiatou Sow, affectueusement appelée la dame de fer ?

Mamadou Lamine Doumbia

4 Avril 2005