Le vieux S. D. est décédé, il y a trois ans. Son fils aîné, A. D., qui vit à l’étranger, revenu au pays en début de ce mois d’avril, décide, comme de juste, d’aller se recueillir sur la tombe de son regretté père au cimetière de Kalabancoro qui fait face au nouveau lycée de la Commune à quelques enjambées du pont Tiéteni Traoré.
Accompagné de ses deux frères et de son neveu, A. D., comme tout bon musulman qui a du respect pour les morts, gare son 4×4 au bord du goudron côté sud du cimetière. La petite compagnie s’apprête à sortir du véhicule quand deux jeunes sur motos « Jakarta » et un gros-porteur à toute allure sortent du cimetière.
« Non, ce n’est pas ici le cimetière ! Nous nous sommes trompés », juge A. D. « Pourtant si. C’est ici le cimetière », rétorque le benjamin.» Où se trouve alors la porte d’entrée ? » questionne A. D. « Ce cimetière n’a pas de clôture. Ici, on entre par où l’on veut », répond-il.
A l’entrée, des tas d’ordures, qui dégagent une puanteur à vous donner le rhume de cerveau, sont étendus. Les visiteurs ne peuvent entrer que par le côté est. Sachets usés par-ci, cornes de bœufs ou autres déchets par là les convainquent de l’insalubrité avancée de ce lieu de repos.
Last but not least. Au moment d’identifier « leur » tombe, ils aperçoivent un charretier déposer sa part de saletés. « Hé, ne fais pas ça ici ! » lui intime A. D. Le voiturier, sans rémission, continue sa sale besogne. Mais, vu l’insistance de son interlocuteur, il finit par se justifier : « c’est ici qu’on nous a dit de déposer les ordures. Je ne fais que mon travail ». Le quatuor continue son chemin à la recherche de la sépulture du père sous un soleil de plomb.
Déchéance morale
Plus loin vers une stèle, ils entendent les âneries d’un vendeur d’eau ambulant : « il y a de l’eau, vous en voulez pour combien ? » Difficile pour les visiteurs de retrouver la tombe à cause des sachets de plastiques accrochés aux plaques qui permettent de reconnaître les sépulcres. Mais à force de patience, ils y arrivent quand même. Regroupés autour de la tombe pour la prière après trente minutes de recherches, ils sont effrayés par une meute de chiens qui traque une proie.
Sur le chemin du retour, A. D. se pose encore des questions. « Comment peut-on transformer là où reposent nos défunts en tas d’ordures ? » Pour son benjamin, « le cimetière de Kalabancoro n’a jamais été aussi impropre que ces dernières années ». Selon leur nièce, « la mairie de la Commune n’a aucun respect, aucune considération pour les morts. Le maire de la Commune a-t-il oublié les promesses faites à la population ? Il a promis beaucoup d’améliorations qui restent encore de simples intentions ».
Aux dires d’A. D. « on n’a même pas besoin de dire à une autorité qui se respecte et qui croit en Dieu de préserver la ‘maison’ des morts ». « Face à cette grave et honteuse affaire, l’Amupi doit visiter le site afin de constater de visu la réalité des choses et en tirer les conclusions », dit un autre.
Voilà le triste visage du cimetière de Kalabancoro. Mais ce cas n’est que la partie visible de l’iceberg, car aucune charte de l’environnement n’est mise en œuvre par la municipalité. Le Grand marché de la localité côtoie une colline d’ordures. L’état des caniveaux, de l’unique route goudronnée fait également aujourd’hui la honte de la Commune.
Après près de trois ans d’exercice, l’on est en droit de se demander si le changement d’équipe à la mairie a servi à quelque chose. La mairie a-t-elle oublié que le développement d’une localité passe obligatoirement par la santé de sa population et la préservation de l’environnement ? C’est le cas de se poser la question.
Amadou Sidibé
18 avril 2006