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Armoiries de Bamako

Tout le monde connaît les armes de la ville de Bamako : trois caïmans, inscrits dans une couronne de feuillages, avec deux faisceaux de licteurs entrecroisés. Cependant ce blason bien connu ne lasse pas de poser quelques énigmes que nous livrons à la sagacité des chercheurs.

Histoire

A quelle époque ce blason fut-il choisi ? A-t-il fait l’objet d’une délibération régulière de la Commission municipale ?
Les héraldistes d’autre part, pourront s’intéresser au symbolisme des trois caïmans. Sans doute s’accorderont-ils sur la traduction d’une des étymologies possibles de Bamako : « la rivière aux caïmans ».
Les amateurs de la petite histoire diront aussi, sans doute, que, suivant une interprétation populaire et irrévérencieuse, ces armes parlantes représentent trois hautes personnalités de la ville.
On pourrait alors suggérer au Conseil municipal de compléter le blason par cette devise : « Honni soit qui mal y pense ».

Enigme des 3 caïmans

Mais l’énigme la plus curieuse, est celle que posent les faits que nous allons relater. Ces faits sont rigoureusement exacts : des témoins sont encore présents, il reste simplement à leur trouver une explication valable.

En ce temps là, la Municipalité avait pris l’initiative de tirer le blason de la ville du demi oubli dans lequel il était tombé, et de l’inscrire un peu partout sur les propriétés communales : sous la véranda de la Mairie, sur les véhicules de la voirie, et jusque sur les chéchias des balayeurs municipaux.

Le jardin public, qui s’étend entre la Mairie (actuel Gouvernorat du District de Bamako) l’ex Soudan – Club (actuel Carrefour des jeunes), était à l’époque peuplé d’animaux, ceux-là même qui, transférés plus tard dans le vallon de Koulouba, formèrent le premier noyau du Zoo de l’IFAN – Institut Français d’Afrique Noire.

Ce zoo municipal comprenait notamment un bassin à caïmans. L’administrateur maire le fit surmonter d’un blason monumental portant les trois caïmans de pierre conférant aux habitants du bassin la qualité de « mascotte  » de la cité.

La randonnée du saurien 1

Un matin, à l’ouverture des bureaux, un des commis prenait place tranquillement sur sa chaise, lorsque ses pieds heurtèrent sous la table quelque chose de dur qui se mit à bouger. Quelle ne fut sa stupéfaction de voir, en se penchant, un caïman de un mètre cinquante de long, plein de vie, qui se mit en devoir de gagner la porte et de sortir sur la véranda. Heureusement, le spécialiste n’était pas loin, en la personne du gardien du zoo. On l’appelle, il accourt, et bientôt le saurien bureaucrate était immobilisé, son museau ficelé, et il étaitfut transféré dans le bassin municipal.

Randonnée du saurien 2

Peu de temps après, la Mairie fut mise en émoi par des cris de femmes provenant de la place Maginot (le lieu où se trouve la stèle à la mémoire des guerriers en face du Ministère de l’éducation nationale). Un groupe de commères revenant du marché s’était vu barrer la route par un superbe caïman qui, sortant des parterres du Monument aux Morts, se dirigeait vers les bureaux.

Nouvelle alerte, nouvelle chasse ; le saurien fût appréhendé sous un dalot de caniveau, et il alla rejoindre ses congénères du zoo.

Randonnée du saurien 3

Quelques jours passèrent et une troisième prise semblable fut réalisée. Cette fois-ci au milieu des voies du Dakar-Niger qui bordent la concession de la Mairie. Le troisième saurien du blason était descendu dans le bassin, le cycle était clos ; les exploits cynégétiques du personnel municipal en restèrent là.

Nouvelle et triste énigme

Cependant, l’histoire des trois caïmans n’est pas finie et une nouvelle énigme s’ajoute à celle de leur capture. On avait tenté d’expliquer diversement cette invasion de sauriens en pleine ville, mais aucune explication ne satisfaisant réellement l’esprit, l’on commença à oublier les trois pensionnaires du bassin, lorsqu’un matin, l’administrateur maire vit entrer dans son bureau le gardien du zoo, la figure décomposée.

Cette fois-ci, les trois caïmans avaient disparu, tous en même temps, pendant la nuit, sans que le gardien qui loge à côté n’ait rien vu ni rien entendu. On se précipita au bassin où l’on ne put que constater la disparition des trois nouveaux locataires, tandis que les premiers occupants poursuivaient tranquillement leurs ébats, sous l’œil narquois des trois images symboliques du blason.

Telle est l’histoire véridique des trois caïmans de Bamako. Si quelqu’un en connaît le fin mot, il l’a jusqu’ici jalousement gardé secret et aidez moi à lui dire qu’il a tort.

16/10/2003
-Fofana Cheich Abd El Kader, architecte
-Abdelkader@afribone.net.ml
-(Source : Notables de Bamako & Archives nationales)