Partager

siamois1.jpg
Ces propos sont de notre collègue photographe, Habib Kouyaté visiblement très ému à la vue des bébés siamois, nés d’une césarienne effectuée au centre de santé de référence de la Commune VI. L’opération a été réalisée sur une jeune femme de 22 ans qui en était à sa troisième grossesse.

Les bébés siamois qui ont été référés à la pédiatrie du centre hospitalo-universitaire Gabriel Touré, sont liés par la paroi abdominale et disposés de façon perpendiculaire l’un par rapport à l’autre. Le premier d’eux a les deux membres inférieurs en place tandis que chez le second il en manque un. Au passage de notre équipe de reportage, l’un était sous perfusion.

Ces siamois (des enfants unis par des parties du corps) doivent subir une intervention chirurgicale qui les séparerait. Mais cette opération est-elle techniquement réalisable dans nos établissements hospitaliers et par nos chirurgiens ? Les nourrissons ont-ils de réelles chances de survie ? Sur ces questions cruciales, nous avons recueilli l’avis des pédiatres et chirurgiens infantiles.

Le Dr Broulaye Traoré, chef du service de la pédiatrie, explique que le pronostic n’est pas désespéré, mais qu’au regard de notre plateau technique, une opération de séparation semblerait un peu au-dessus de nos seules possibilités. Cependant il faut attendre le résultat des analyses pour se prononcer sur l’opérabilité ou non du cas dans notre pays. Il faut par exemple voir si chacun des nourrissons possède en propre un tube digestif et un rein ou s’il partage ces organes avec son jumeau.

En attendant d’avoir toutes les données requises pour la prise de décision, la pédiatrie de l’hôpital Gabriel Touré s’emploie à préserver les nouveau-nés qui ne sont pas encore autonomes sur le plan alimentaire. Par ailleurs, les bébés seraient nés dans un contexte infectieux.

Selon les explications des médecins, au moment de l’accouchement leur mère aurait eu de la fièvre, indice d’une maladie infectieuse chez la parturiente. Ces antécédents contribuent à rendre encore plus vulnérables ces bébés siamois et prématurés. Le docteur Traoré de la pédiatrie révèle ainsi que dimanche dernier, l’un des bébés était même cyanosé. La coloration bleue sur sa peau indiquait une insuffisance d’oxygène.


Deux scénarios possibles

Pour le cas de ces bébés siamois reçus à la pédiatrie de Gabriel Touré, il y a encore une ambiguïté sexuelle. La tendance va selon le Dr Traoré vers le sexe féminin, mais il faudra examiner les organes génitaux internes pour déterminer leur véritable sexe (les bébés siamois sont toujours du même sexe).

Il est certainement utile de rappeler à nos lecteurs comment apparaissent les bébés siamois. Selon les médecins, dans une grossesse gémellaire normale, la séparation des embryons se fait dans les premiers jours qui suivent la conception.

Mais si cette séparation n’est pas intervenue au bout de 15 jours, on se retrouve très souvent dans des situations de fusion partielle. En clair, les enfants à ce moment peuvent être liés par la tête, le thorax, l’abdomen voire d’autres parties du corps. Les statistiques confirment néanmoins la rareté de la naissance de bébés siamois dans le monde. La probabilité de ce genre de naissance est de 1 sur 50 000 ou 100 000.

Le Dr Mamby Keïta, chef du service de la chirurgie infantile explique que la séparation des siamois ne serait pas une première dans notre pays. Un cas plus complexe (les bébés étaient liés par le thorax et l’abdomen) avait été opéré avec succès en 2003, même si les enfants étaient décèdes beaucoup plus tard.

Sans minimiser la complexité du cas présent, le chirurgien infantile le juge « spectaculaire« , mais relativement plus « simple » que les paires constituées de bébés siamois unis par la tête ou le thorax. Mamby Keïta déplore surtout l’absence dans notre pays d’un centre de dépistage anténatal. Si l’échographie découvre une anomalie quelconque, on en réfère immédiatement à ce centre qui aura la possibilité de faire des analyses plus poussées.

Au-delà des questions encore sans réponse, une chose est acquise. L’hôpital prendra en charge l’opération de séparation des siamois.

Mais sur les dispositions pratiques, le directeur général de Gabriel Touré, le Dr Abdoulaye Nènè Coulibaly, ne s’est pas encore prononcé entre : soit une évacuation des bébés sur la Tunisie qui dispose d’une expertise certaine en la matière ; soit l’invitation d’une équipe tunisienne (chirurgien, pédiatre et anesthésiste-réanimateur) qui opérera avec nos chirurgiens. Cette option consacre la possibilité d’échange de connaissances en matière de prise en charge de bébés siamois.

Mais ce qui est humainement déplorable et qui mérite d’être stigmatisé sans réserve, c’est que jusque là aucun membre de la famille de la parturiente ne s’est présenté à l’hôpital pour voir les bébés siamois. Cela est-il acceptable ?

B. DOUMBIA

02 Septembre 2008