«Nous voulons le retrait des patrouilles dites de l’armée des contrées de Fafa»
Les ressortissants de Fafa à Bamako, réunis au sein de l’Association d’aide au développement de Fafa (ADFA), viennent de dresser un bilan effroyable de l’attaque de leur village par des militaires qu’ils ne reconnaissent pas comme étant ceux « d’une vraie armée régulière, patriote et républicaine ».
Dans un rapport accablant intitulé « les évènements de Fafa : chronique et enjeux d’un complot », destiné aux hautes autorités de Bamako, le bureau de l’ADFA recommande la libération immédiate des personnes arrêtées et conduites à Gao « sous le prétexte fallacieux de bandits armés, la cessation de toutes formes de violence contre les paisibles populations de Fafa et environs, le retrait des patrouilles dites de l’armée malienne qui sillonnent les contrées de Fafa et rançonnent leurs habitants… »
Au nord Mali, précisément dans la région de Gao, l’armée se serait lancée dans une course effrénée pour mettre la main sur le chef du Gandaïso, Amadou Diallo, un Peulh de Fafa dans la commune de Ouatagouna. Aujourd’hui 35 personnes ont été arrêtées et sont détenues à la maison d’arrêt de Gao où aucun parent n’a pu jusque là leur rendre visite. Parmi elles, une vingtaine de ressortissants de Fafa.
Selon un membre de l’ADFA, « il y a parmi ces détenus des blessés et le Gouverneur de Gao, Amadou baba Touré, leur refuserait toute assistance. Même la Croix rouge n’a pas accès à eux, ils ont faim et sont volontairement laissés pour compte dans cet état ».
Ainsi, le village de Fafa, d’environ 10 000 habitants et qui a des ressortissants à Bamako se trouve aujourd’hui entre le marteau de la rébellion et l’enclume de l’armée. Ses ressortissants à Bamako pensent que les patrouilles sont instrumentalisées par le gouverneur au profit d’une certaine ethnie. Le bureau de l’ADFA a donc décidé de faire quelque chose pour apaiser le climat et ramener le calme afin que les populations vaquent sereinement à leurs occupations. Ils se sont donc réunis à Bamako et continuent de peaufiner leur stratégie.
Le rapport établi suite à la réunion du 21 septembre est assez évocateur de l’état d’âme des membres de l’ADFA : « Les évènements ont atteint leur côte critique le 16 septembre 2008. Tôt dans la matinée, les patrouilles en question investissent le village de Fafa et sans aucune sommation, avec tout l’arsenal de la puissance de feu dont elles disposent, se mettent à canonner la mare de Sorori et ses alentours. Aux abords de cette mare se trouvent pourtant disséminée la quasi-totalité de la population de Fafa et communautés d’attache. Le mitraillage sans discernement a commencé à 10 heures du matin et jusqu’aux environs de 21 heures, semant la peur et la désolation au sein de la population et son bétail. Les hommes paniqués n’arrivaient plus à contrôler les animaux en débandade.
Vers 18 heures, toutefois, les armes s’étant tues pendant un court instant. Croyant à une accalmie, les populations sont sorties de leurs refuges, qui pour chercher son enfant, qui pour chercher ses animaux. C’est alors que les bergers et des élèves ont été pris, bastonnés, attachés, dépouillés de leurs biens (téléphone, argent, etc) et conduits à Gao comme prise de guerre sous prétexte de bandits armés ».
Selon le bureau de l’ADFA, il est indéniable que ces personnes sont toutes des paisibles habitants injustement prises dans leur habitat naturel, « parce que les éléments qui ont mené cette intervention calamiteuse ne pouvaient revenir de Fafa les mains vides ». Ainsi parmi les personnes aux arrêts, on note 4 élèves qui fréquentent l’école fondamentale de Fafa, 1 le lycée Modibo Kéita de Gao, 1 le lycée d’Ansongo.
Selon le rapport toutes les personnes ont été arrêtées le mardi 16 septembre 2008 autour de la mare, leur zone de pâturage. Ainsi, en raison de l’urgence en cette période hivernale, l’association recommande aux autorités, « la libération immédiate et sans conditions des élèves, bergers, et paysans arrêtés et conduits sous prétexte fallacieux de bandits armés, le retrait des patrouilles dites de l’armée malienne qui sillonnent les contrées de Fafa et rançonnent leurs habitants, l’envoi si possible des patrouilles de la vraie armée régulière, patriote et républicaine, l’envoi d’une commission d’enquête indépendante composée des membres de la société civile, associations de défense de droits de l’homme et des journalistes ».
Le bureau de l’ADFA a appelé à un dialogue intercommunautaire afin d’aplanir le problème récurrent de l’insécurité dans la zone et d’arriver à une parfaite harmonie entre les différentes communautés.
B. Daou
26 Septembre 2008