L’animateur de notre rubrique Cheich Abd El Kader Fofana, après une longue absence due à une formation qu’il a dû suivre à l’extérieur, nous est revenu avec une série d’articles toujours aussi passionnants !!!
Lisez…
Dans un précédent article relatif à la protection de notre environnement (la faune et la flore du Septentrion malien) j’attirais votre aimable attention sur la dégradation que subissait Dame nature par la faute de ses fils, je dis bien ses fils, pas de ses filles. Dommage comme constat. Sciemment ou inconsciemment, unanimement, tout le monde est d’accord que la nature est comme une parcelle ou un terrain : Celui qui la vend ne peut le faire qu’une seule fois, alors que celui qui le met en valeur, l’exploite à vie.
Le décor planté !
Les 1er, 2 et 3 février 2006, s’est tenu à Kidal, un atelier de validation du projet de gestion intégrée et de préservation de la faune dans le Tamesna et l’Adrar des Ifoghas, organisé par le Ministère malien en charge de l’Environnement et de l’Assainissement, avec l’appui de la Mission de Coopération française.
Etaient présents, les représentants des gouvernorats de Kidal et de Gao, des Services de protection de la nature, du Ministère en question, des Elus des Collectivités territoriales concernées, et des ONG, impliquées dans le projet cité ci-dessus.
Le site choisi !
Importante région environnante située au nord-est du Mali entre Kidal et Ménaka, la région du Tamesna, abrite encore une faune remarquable.
Cependant, cette zone s’appauvrit de plus en plus de sa faune et de sa flore …
Les plus dignes représentants de la faune de la région du Tamesna, sont la gazelle dama (biche Robert pour les intimes), la gazelle dorcas, le mouflon à manchettes, et le guépard du Sahara.
Toutes ces espèces très vulnérables, et pour certaines menacées d’extinction, sont protégées par les Conventions Internationales et par la loi malienne.
Par exemple la gazelle dama, une élégante biche aux flancs blancs, n’existe plus qu’en petit nombre au Mali, au Tchad et au Niger. A ces espèces, s’ajoutent de nombreux oiseaux, notamment différentes sortes d’outardes, qui se font elles aussi de plus en plus rares.
Le constat accablant !
A l’instar de toute la faune au Mali, ces espèces ont subi une réduction drastique à partir des années 70. A l’effet de la sécheresse, s’est ajoutée une pression de chasse incontrôlée du fait du braconnage par les populations locales et étrangères, et surtout de la chasse de dignitaires étrangers : hélas ! Pétrodollars quand tu nous tiens !
Aujourd’hui, il est encore possible de se procurer et sans aucune difficulté, des sacs de viande séchée de gazelles dorcas dans les régions du Nord. Lorsqu’on sait que des dizaines de gazelles sont nécessaires pour fabriquer un sac de viande séchée, on ne peut que frémir.
Et ce n’est pas tout, sur le marché de Bamako il n’est pas rare non plus de voir, offertes à la vente, des petites biches arrachées à leur milieu naturel, pour satisfaire la curiosité ou le fantasme de nostalgiques et insouciants individus. Retenez, que derrière chaque biche, a été arrachée à la vie une maman, qui venait plus ou moins de mettre bas.
La loi savamment piétinée !
Pourtant la loi malienne punit de peines sévères toute capture, détention, abattage et commercialisation de ces espèces.
Il semble que dans les couloirs de l’atelier qui s’est tenu à Kidal, nombreux étaient ceux qui exprimaient leur amertume par des expressions comme : « nos enfants ne connaissent même pas les gazelles ! », « c’est par troupeaux qu’autrefois, les gazelles pâturaient au milieu de nos troupeaux ! ». « Nous avons mangé notre faune ! » Et tant d’autres citations et phrases évocatrices.
Le réveil brutal !
De plus en plus face à ce constat amer, se dessine une prise de conscience salutaire qu’il est encore temps de capitaliser pour sauver cette belle faune en voie de perdition.
C’est ainsi que les participants à l’atelier, au premier rang desquels les élus locaux ont préconisé des mesures radicales, comme:
• Le Moratoire sur la chasse de 5 ans, sur les cercles de Tin-Essako et de Ménaka
• L’adoption d’un projet de préservation de la faune, qui devrait se matérialiser par la création de 3 réserves de faune et plusieurs sanctuaires et la signature d’une Convention de type Parc Naturel Régional par tous les élus des Collectivités Territoriales concernées.
Et si nous osons croire !
Ces décisions, à la mesure de la gravité de la situation, sont révélatrices du sens accru de responsabilité des élus, vis-à-vis de leur faune et de leurs devoirs à l’égard des générations futures.
Si elles étaient suivies d’effet durable et accompagnées par un fort soutien de l’Administration, ainsi qu’un appui des bailleurs de fonds, elles permettraient peut-être à la faune de reconstituer ses effectifs.
Et peut-être reverrait-on ainsi un jour, les gazelles pâturer paisiblement au milieu des bergers et de leurs troupeaux !
Une belle moralité
Mon bien aimé regretté beau-père, par ailleurs un grand ami et « causeur » bien apprécié du respecté défunt Amadou Hampaté Ba, ne disait il pas que : » Si tu cries dans le vide : A l’aide ! Au secours ! Et que tu ne vois personne, tu te verras toi-même ! ».
Au sortir de cet atelier, espérons que les braves populations du Tamesna, ont fait sien cet adage, tout simplement, en volant et en appelant à voler au secours de leur faune !
Cheich Abd El Kader, architecte
abdelkader@afribone.net.ml
abdelkader@Koulikoro.net.ml
–& Dominique Fauroux
20 avril 2006.