En dehors, les protagonistes, qu’ils soient « Manifestants » (ceux qui ont signé le Manifeste) ou du camp présidentiel, sont actuellement en train de se livrer un combat qui n’en vaut pas la peine. Les signataires du Manifeste, dans leurs arguments, se démarquent du consensus et dénoncent ce qu’ils appellent la « marginalisation des partis politiques ».
Seulement voilà : le consensus ne date pas d’aujourd’hui. Il a été instauré depuis quatre ans. Il tire vers sa fin. Donc soulever aujourd’hui un débat sur le consensus est inopportun. Car qu’on le veuille ou non, le consensus qui prévaut depuis 2002 arrive à son terme avec les élections générales de 2007. En clair, dans les mois à venir, le schéma actuel sera bouleversé au gré des orientations et des choix futurs des formations politiques.
Les signataires du Manifeste n’ignorent certainement pas cette réalité et ils savaient (mieux que quiconque) les contingences politiques liées au calendrier électoral. Alors la question qui se pose est de savoir si tous les initiateurs du Manifeste ont les mêmes motivations, voire la même lecture du jeu et des réalités politiques. Parmi eux, certains veulent-ils que le Président de la République mette fin au consensus en faisant le choix entre ceux qui doivent l’accompagner en 2007 et les autres ?
Ou encore mettre fin à ce même consensus alors que les partis politiques (principaux acteurs du consensus) semblent s’y accommoder ? Aussi, les principaux initiateurs du Manifeste étant membres de partis politiques semblent aller à l’encontre des options prises par la majeure partie des formations politiques qui ont opté pour la gestion consensuelle initiée par le chef d’Etat mais approuvée par nos politiques.
A preuve de contraire, presque tous les partis (les plus significatifs) approuvent jusqu’ici cette méthode de gestion. Mieux, au cours des différents congrès ou autres assises, ces formations continuent de réaffirmer leurs soutiens au Président de la République, donc à sa méthode de gestion. A part le RPM (Rassemblement pour le Mali), qui ces derniers temps, manifeste des velléités d’opposition, sans jamais avoir le courage de s’assumer, aucun parti n’a pris ouvertement le « risque » de se démarquer du consensus. Or le débat sur le consensus est avant tout l’affaire des partis politiques.
Mais le constat est qu’à l’intérieur de nos formations politiques, il y a un déficit de débats. Rares sont les partis politiques à tenir des réunions à fortiori à débattre des questions essentielles sur leurs activités ou encore sur la vie de la Nation. Face à ce vide, les signataires du Manifeste ont choisi une voie qui les mène en dehors de leurs structures politiques d’origine.
Ils ont donc choisi d’aller à contre courant des options de leurs formations. Et comme, il fallait s’y attendre, les premières réactions hostiles sont venues de l’Adéma et dans une moindre mesure du Parena. Ces deux partis se sont démarqués de l’initiative. Par contre, le RPM a apporté sa caution au Manifeste.
Alors que les autres formations, qu’elles soient de la mouvance présidentielle ou non, gardent mystérieusement le silence. Un silence qui prouve une fois de plus la frilosité des partis politiques là où ils sont appelés à prendre position. Une situation qui explique également ce que les signataires du Manifeste appellent la « marginalisation » des partis politiques.
Le Mouvement citoyen est mis en index. Le Président de la République est accusé de faire la part belle à « son » mouvement au détriment des formations politiques. A ce sujet, les partis politiques et les hommes politiques ont une grande part de responsabilité. En fait, combien d’hommes politiques ont-ils abandonné leurs partis au profit du Mouvement citoyen ? Nul ne sait.
Si la transhumance politique (d’un parti à un autre) était un phénomène connu, avant l’accession de ATT au pouvoir, actuellement de nombreux politiques ont migré vers l’association. La « marginalisation » des partis politiques, si elle est avérée, est avant tout l’oeuvre de la classe politique qui a décrédibilisé les partis, souvent au profit d’intérêts inavoués. Cette « marginalisation » est également l’oeuvre d’hommes politiques, sans conviction, qui ont quitté par contingent leurs formations au profit de l’association.
Face à cette “marginalisation”, les responsables politiques ont-ils posé le diagnostic au sein de leurs formations ? Le doute est permis. La situation actuelle profite bien sûr au Mouvement citoyen qui, en réalité, exploite des failles créées par certains responsables politiques.
Et il leur revient surtout de se remettre en cause, au risque de briser les partis avec ou non la « complicité » du Mouvement citoyen. Comme on le voit, là également le débat est éminemment politique. Alors, à la classe politique de prendre ses responsabilités et toutes ses responsabilités.
C.H Sylla
27 juin 2006.