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La multinationale Total et trois sociétés de la place (Faso Gaz, Sigaz et Sodigaz) ont créé un groupement des professionnels du gaz domestique pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Dans une correspondance en date du 16 juin 2006 adressée au ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, ils ont alerté les pouvoirs publics sur les difficultés qu’ils vivent et qui sont dues au retard de paiement de la subvention sur le gaz domestique.
« Notre groupement est confronté à une grave crise de trésorerie due au non-paiement de la subvention du gaz butane depuis plusieurs mois malgré toutes ses démarches auprès des services techniques et financiers. Notre demande d’audience adressée à vous-même par lettre en date du 18 avril 2006, n’a toujours pas été répondue. Le montant de notre créance au 31 mai 2006 est de 1 570 499 805 F CFA. Par conséquent, nous sommes au regret de vous informer qu’au-delà du 22 juin 2006, notre groupement ne sera plus en mesure d’assurer l’approvisionnement du marché en gaz butane », indique la lettre adressée au ministre Hamed Diane Séméga.

Le groupement a lié l’acte à la parole. Depuis le 22 juin dernier, les importateurs de gaz butane ont arrêté leurs activités. Selon leur président, Oudiary Diawara, ils ne peuvent faire autrement en ce sens qu’ils sont obligés de payer cash leur produit chez les fournisseurs. Ils supportent d’autres frais comme le transport, les agios bancaires, les frais de personnel, etc. Les conséquences commencent à se faire sentir. L’achat d’une bouteille de gaz relève depuis quelques jours du parcours du combattant.

Le prix du gaz au mois de juin sur le marché international était de 813 F CFA le kg. Son prix subventionné par l’Eta malien s’élève à 320 F CFA le kg, soit 1920 F la bouteille de 6 kg. La différence payée au titre de la subvention est de 493 F par kg. Sans la subvention, le gaz de 6 kg aurait coûté 2958 F CFA.

Le cumul de la différence est à l’origine de la crise entre l’Etat et les importateurs qui se plaignent du manque d’interlocuteur. Des correspondances envoyées au directeur national de l’énergie sont restées sans suite. Le PDG de l’Agence malienne pour le développement de l’électricité rurale (Amader), à qui revient le volet gaz butane s’est, selon Oudiary Diawara, rebiffé, avertissant qu’il ne prendra pas en charge les arriérés.

Hausse probable

Le différend pourrait provoquer une hausse du prix du gaz domestique en cette période hivernale où les combustibles ligneux (le bois et le charbon de bois) coûtent cher. Le président du groupement, Oudiary Diawara écarte pour l’heure cette éventualité en se fondant sur l’arrêté n°1220 du 13 juin 2006 du ministre de l’Economie et des Finances qui fixe les prix des hydrocarbures et qui maintient la subvention sur le gaz sous emballage de 6 kg. « Si l’Etat veut arrêter la subvention, qu’il le fasse nous serons dans ce cas, libres d’augmenter les prix pour arrondir nos angles », a laissé entendre M. Diawara.
Au ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau, il ne s’agirait nullement de mauvaise foi. Selon notre interlocuteur, l’argent traîne à cause du manque de liquidité au Trésor public qui aurait déjà établi le mandat pour le paiement de la dette.

La subvention du gaz butane est partie intégrante d’un programme du Comité inter-Etat de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) qui date d’une vingtaine d’années. Il vise essentiellement à freiner la coupe abusive de bois et à remédier ainsi la désertification dans les pays sahéliens (Mali, Niger, Gambie, Sénégal, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad).

Notre pays qui a lancé récemment des projets ambitieux de lutte contre la désertification avec l’appui de l’Amader et d’autres structures reste néanmoins à la traîne. Au moment où le Sénégal est à 140 000 t/an d’importation de gaz, la Mauritanie 33 000 t et le Burkina Faso entre 18 000 à 20 000 t, le Mali se contente de la portion congrue avec moins de 5000 t par an.

A ce rythme, les portes sont ouvertes à la déforestation puisque sans énergie de substitution, les ménagères utiliseront à l’envi et du bois et du charbon.

Abdrahamane Dicko

3 juillet 2006