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L’Afrique baigne tranquille dans l’épaisse cécité intellectuelle de ses fonctionnaires de la pensée qui gesticulent encore, on ne sait pourquoi outrés, sur un contentieux supposé de sa place dans l’Histoire.

Ceux qui font l’Histoire ont beau jeu de l’habiller de leur regard, et de l’interpréter de leur point de vue, sans pour autant faire de cette réalité une quelconque vérité. Je m’excuse de le dire, mais nous n’allons pas passer notre vie à des combats d’arrière-garde. Il est temps d’en finir avec nos complexes œdipiens de colonisés, la schizophrénie de cette France nègre, attendant la caution du père, et revendiquant, bons enfants, une reconnaissance.

Assumons-nous (ce que nous ne faisons pas) devant l’Histoire au lieu de nous épuiser dans des digressions nous confinant dans des lamentations de sujets frustrés, se frustrant eux-mêmes, sans gêne aucune dans l’exercice laborieux et marginal de la langue étrangère bue et vénérée, et la récitation à tue-tête des leçons apprises d’un maître demeuré dans le registre du mépris à dessein et non par ignorance. Pardon !

Il est curieux par exemple que notre élite ne trouve rien à dire sur les élections américaines, comme si cela ne nous concernait guère. C’est bien la preuve du « génie » de ceux qui, consultés à l’occasion, ont l’outrecuidance de penser que la crise des finances actuelle passera au-dessus de nos têtes parce que, parce que… bon Dieu, que d’écoles !

Faut-il apprendre à ces experts de l’erreur géométrique que l’économie n’est pas un compte bancaire ? Comment imaginer une récession mondiale qui fera à l’Afrique la politesse de ne pas affecter ses opérations, ses points d’équilibre, ses balances, ses mouvements de capitaux ?

Je me suis réjoui de la nouvelle du ralliement du général Colin Powell à la cause du candidat démocrate Obama. Cette bonne nouvelle m’a décidé à écrire, car c’est un tournant majeur qui mérite d’être apprécié par l’opinion américaine, internationale, mais et surtout africaine. Les médias, acquis au pouvoir républicain, ou sa menace, l’ont très sobrement commentée, tandis qu’il s’agit de l’événement le plus significatif de toute cette campagne.

Qui ne sait les convictions républicaines de cet officier respecté de tous et parmi les plus grands des Etats-Unis, son sens du devoir et de la loyauté, son attachement à la famille politique des Bush qu’il a servi (père et fils) avec dévouement ? Homme d’Etat de la très bonne étoffe, on a même spéculé un bon moment sur sa probable candidature à la présidence.


Soutien essentiel

L’analyse de son propos donnant sa caution à Barack Obama indique que l’homme a fait surtout acte de patriotisme au détriment du fait partisan, témoignant de sa lucidité, de sa clairvoyance, de son courage, de son intransigeance, mais et surtout de son souci de cette Amérique à la dérive depuis l’investiture à la Maison Blanche d’un certain Georges W. Bush, il y a 8 ans. Un sens de la responsabilité qui l’avait amené à démissionner du poste emblématique de secrétaire d’Etat. Welcome mon Général !

L’Histoire contemporaine sera marquée par la sinistre mention en lettres de sang d’ »Avant » et « Après » George Walker Bush (GWB). Car il aura marqué du sceau du diable son passage à la tête de la superpuissance mondiale. Que de crimes gratuits perpétrés, maculant le drapeau d’un pays, aimé de tous, de la souillure de guerres et de bombes tuant partout des centaines de milliers d’innocents !

Notre monde n’a jamais connu autant de massacres de populations paisibles, d’assassinats de journalistes qui en savaient trop ou qui ont commis l’imprudence de vouloir élucider et d’aller chercher la vérité derrière les tissus de mensonges qui ont servi de prétexte à tant de forfaitures.

Tout cela pour accréditer la thèse scélérate d’une prétendue guerre à mort contre un terrorisme imaginé et organisé à travers des attentats en tout genre, et exporté au gré de ses lugubres objectifs militaro-financiers, confondus volontiers aux intérêts des Etats-Unis, pour justifier la violence inouïe, la barbarie abjecte, de ce nouveau fascisme attentatoire à la liberté dans le monde.

La preuve ? Les terroristes, téléguidés par on ne sait qui, semblent ne pas savoir où se trouve leur ennemi. Que dire de ces kamikazes qui préfèrent aller se faire sauter parmi des femmes et des enfants au passage, parmi des groupes de fidèles à la rupture du jeûne, dans la foule d’acheteurs au coin du marché, etc. au lieu de s’attaquer aux intrus et leurs alliés. Quelle est cette logique ?

Et, chose bizarre, leurs coups réussissent parfaitement à chaque fois contre les pauvres populations innocentes, sans distinction aucune du camp des victimes (à croire qu’ils ne sont pas du pays), le plus souvent sans objectif identifié par rapport à une cause manifeste défendue, et curieusement presque toujours avec des dégâts mineurs pour les forces combattues. Comment est-ce possible ?

Ceux qui croient que ces élections ne nous concernent pas feraient mieux de se détromper. Car cela veut dire qu’ils ont peine à comprendre ce qui se passe en Irak, en Afghanistan, en Palestine, au Liban, au Soudan et à nos portes (suivez mon regard). Le monde entier est dans le champ de tir sans sommation de ce pouvoir pervers qui sème la mort, sans vergogne, et s’excuse tout bonnement de
 » (et non du crime), simplement désolé d’avoir tué : « Désolé pour les mariés bombardés, on a pensé à une colonne de terroristes » ; « Désolé pour les pèlerins, mais ils avaient tous la barbe suspecte des terroristes » ; « Désolé pour le village, et la famille décimée, on a cru à une réunion de terroristes ».

Ainsi se dévoile la doctrine macabre de Bush (qui, dit-on, veut passer pour un dur), que même ses alliés occidentaux ont eu du mal à cautionner. La communauté internationale, corrompue par des voies subtiles de complicité, reste sans réagir devant la crapule. Tout le monde regarde, perplexe, tétanisé par cette brutalité à l’échelle ; et on laisse faire. Personne n’a le courage d’affronter le démon déchaîné dans sa cabale meurtrière. Garde-à-vous ! C’est l’Omerta. Mieux, on cherche à l’amadouer. D’où la célèbre chanson d’un courtisan converti : « J’aime l’Amérique« . Chacun tire les leçons à sa manière.

Avant Bush Junior, l’Occident a toujours « su défendre ses intérêts » sur la planète, mais par la manière soft, recourant moins à l’élimination, à la tuerie en série. Les troupes américaines ont tellement tué de paisibles citoyens, et toujours par « erreur », que leurs alliés afghans et pakistanais ont, par sursaut de conscience, rompu leur mutisme et commencé à bouder. Réponse : « Mais, ce n’est pas grave, c’était des bombes amis« . A croire qu’ils ne tuaient pas… de la même manière.


Ignobles intentions

« Non, c’est simplement rigolo » , et ils en rient. Les autorités de ces pays ont fini par protester, menaçant de riposter. Réplique : « On vous paie suffisamment de milliards de dollars, et vous n’en faites pas assez dans la lutte contre le terrorisme. Nous faisons le boulot à votre place, vous devez nous remercier« . On continue… et ça continue. Comble de cynisme. On se souvient bien avant de l’épisode d’officiers US s’esclaffant devant une assistance amusée, du récit des misères qu’ils infligeaient aux Irakiens traqués comme des lièvres, jusqu’à ce qu’éclate le scandale de la prison d’Abu Graïb, et à la suite celui de Guantanamo.

Toutes ces graves violations des droits de l’Homme commises par le pouvoir américain, toutes ces lâches exécutions de journalistes jamais élucidées, ou plutôt revendiquées par des groupuscules fantômes, trahissent le peu de considération pour la vie humaine de la clique Bush et compagnie, croyant manipuler les consciences à travers des montages grossiers d’attentats traumatisants dans le but de faire peur à l’opinion américaine (le spectre de Ben Laden apparaît chaque fois qu’il est en difficulté) et de museler le reste du monde, à commencer par les médias. Comment oublier la vile tentative d’assassinat de la journaliste italienne, fraîchement libérée par ses ravisseurs, qui s’est soldée par la mort d’un courageux agent de l’intelligence ?

C’est dire combien la présidence Bush qui a tant dégoûté les honnêtes gens partout dans le monde par sa propension criminogène, mais qui a encore le contrôle d’une majorité de médias, est prête à tout pour stopper l’investiture d’un successeur moins enclin à couvrir tant d’impostures. Je n’ai pas souvenance d’un seul président américain qui ait réussi la performance de pousser à la démission deux directeurs de la CIA, en si peu de temps. C’est dans cette logique du recours de ce réseau dévoyé à tous les moyens pour barrer le chemin à Obama, que s’évente une tentative « skin head » d’élimination physique du candidat démocrate.

Bien sûr, l’exceptionnelle popularité du sénateur de l’Illinois, aux Etats-Unis et à travers le monde, rend plus difficiles les combines. Spécialiste du tripatouillage électoral allant jusqu’au décompte manuel, il faut s’attendre à des moyens sophistiqués de trucage (programmation), doublé d’une campagne de presse et de sondage mafieux visant à faire croire que l’écart dans l’intention de vote va s’amenuisant, pour tendre au finish à l’incroyable égalité le jour du vote, sans que rien de logique n’explique ce brusque retournement des choses en faveur du camp républicain, sinon une ahurissante fabulation de dernière minute cousue de mensonges. On se rappelle que le fichier informatique des candidats avait été violé au Département d’Etat. Pourquoi ? Pour quel usage ?

Maintenant, à court de cartes de poker menteur, on nous sort la dernière trouvaille : « l’effet Bradley », bêtement relayé par une certaine presse. Un autre dé pipé pour pouvoir expliquer le hold-up électoral en projet. Obama ne saurait être victime de cette chimère. On ne va pas nous faire croire que la masse d’argent collectée par la campagne démocrate vient de la minorité noire. Les Blancs forment l’écrasante majorité de la population américaine. Et c’est bien ces Blancs engagés qui lui ont permis de gagner contre Mme Clinton.

Obama n’est pas parvenu au perchoir par l’effet illusoire de simples sondages, ou de tapages médiatiques ; il capitalise le ralliement public et sans ambages de grandes personnalités américaines au-dessus de tout soupçon, mais aussi de toutes les couches qui lui accordent un soutien concret, matérialisé et non intentionnel, sans complexe de quelque nature que ce soit. L’Amérique est plus prête que les conformistes qui veulent donner au fait racial l’impact qu’il n’a plus, sinon Barack n’aurait eu aucune chance de battre Hillary, et pour cause.

Je dis, soyons vigilants. Il faut dire à nos hommes de presse inutilement bavards, qu’au lieu de spéculer sur la probabilité d’assassinat du jeune candidat, et futur président, ils doivent plutôt faire comprendre à l’opinion, à l’intention du président sortant, toute sa responsabilité quant à la sécurité d’Obama et des siens jusqu’à son départ de la Maison blanche. Le monde entier le tient à l’œil. Et quoi qu’il advienne, il est responsable.

Mohamed Coulibaly

04 Novembre 2008