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Une fête de la grande famille

Le septième jour de la naissance de l’enfant, on réunit la famille pour le baptême. L’Imam du quartier, l’un de ses adjoints, le marabout de la famille (s’il existe) ou tout homme instruit dans le Coran est appelé pour officier.

Tôt le matin, les femmes ont balayé la cour et disposé les nattes et les sièges. Une vieille femme (souvent de caste) a rasé le bébé la veille à l’aurore.

Vers six heures et demie, la séance commence avec un griot comme maître de cérémonie. Chaque membre présent reçoit quelques noix de cola (ou des bonbons, préférés aujourd’hui par certains) et des dattes.

C’est, avec le mouton qui sera égorgé, un sacrifice. L’Imam et deux autres marabouts lisent quelques versets du Coran, après quoi le nom de l’enfant, tenu secret jusque-là (sauf chez les Wahabbites), est annoncé au public.

Les griots entonnent alors leurs dithyrambes et leurs hymnes, dont le fameux hymne guerrier “Solu O !” (Les chevaux).

Le public est composé de deux groupes : celui des hommes et celui des femmes. Peut-être faut-il y ajouter celui des enfants, souvent habillés de neuf pour la circonstance.

Chez les femmes on se regroupe autour de la nouvelle mère (jubato), habillée et tressée de façon spéciale pour les 40 jours qui suivent l’accouchement.

Les représentants de la belle-famille sont là. Ils auront droit à un traitement spécial : hommages du griot, part de colas et de viande.

Dans l’orthodoxie du culte, il faut un mouton pour le baptême de la fille et deux pour celui du garçon. On doit également peser les cheveux rasés du nouveau-né et offrir en sacrifice leur poids en or ou en argent.

Le nom de l’enfant est celui d’un parent du mari ou de la femme, alternativement, souvent à raison de deux enfants pour le mari et un pour la femme.

Les évolutions récentes

Dans les grandes villes surtout, on assiste à une évolution de cette pratique. On a introduit le service du petit-déjeuner, sans doute depuis que les fonctionnaires sont devenus nombreux.

Ceux-ci, s’ils veulent se rendre à un baptême, doivent continuer à leur service après le baptême, s’ils ne veulent pas être en retard sur l’heure d’ouverture des bureaux, à 7H30.

Ce petit-déjeuner, d’une tranche de pain et d’un bol de café chaud au départ, est devenu de plus en plus consistant avec du bouillon de viande ou du poulet.

Les plus pauvres offrent au moins le plat de haricot. Du coup, les invités qui donnaient la contribution symbolique de cent francs, s’en s’acquittent de plus en plus systématiquement et même versent volontiers cinq cents francs, mille francs.

Un membre de la famille s’occupe de collecter cet argent, dont on enlèvera la part des marabouts et des griots, avant de donner le reste à la nouvelle maman.

Si le dimanche est devenu le jour des mariages à Bamako, comme le chantent Amadou et Mariam, c’est à cause des fonctionnaires et des élèves, en somme les travailleurs du secteur moderne, qui a gagné en importance.

Car le jour du mariage islamique, c’est, en principe, le jeudi. Certains ont, de façon critiquable, du point de vue religieux, déplacé le jour de baptême au dimanche, pour permettre aux fonctionnaires, mais aussi et surtout aux femmes, de se retrouver pour prolonger la fête toute la journée.

Ce sont, surtout elles qu’il faut soupçonner de cette transformation du baptême en fête grandiose, où des sociétés féminines se sont formées pour l’échange de repas succulents, de draps et de pagnes consignés dans un cahier, pour rendre à chacune, à son baptême, l’équivalent de ce qu’elle a donné.

Le baptême est ainsi devenu un vrai souci (“kunko”) pour les femmes et pour elles seules, car les hommes ne participent pas à ces sociétés, en tout cas pas de façon directe.

En réaction à ce qui apparaît comme une déviation au plan religieux et un gaspillage au plan économique, certains hommes ont commencé à faire le baptême à la mosquée, en une cérémonie brève et simple, qui, dans beaucoup de cas (mais pas dans tous) décourage les femmes (ou les libère) de leur “kunko” du dimanche.

Et cette austérité n’est pas venue des Wahabbites !

Ibrahima KOITA

23 mars 2006.