«Le choix de Bamako pour abriter une si importante rencontre ne doit rien au hasard. C’est la reconnaissance, implicite et explicite, de l’avancée démocratique du pays, des efforts consentis pour construire un Etat de droit où chacun citoyen est libre d’exprimer ses opinions et de jouir de son intégrité morale et physique» !
C’est l’analyse faite par le représentant du UNFPA au Mali, Dr. Mamadou Diallo, à la clôture de Conférence sous-régionale sur les mutilations génitales féminines et la mise en œuvre du Protocole de Maputo.
La santé de la reproduction, la scolarisation des filles, les questions liées à l’approche population et développement, la collecte de données statistiques fiables pour soutenir le pays dans l’élaboration d’une politique efficace de population.
Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, le Protocole de Maputo, selon Dr. Diallo, «campe le décor de l’amélioration des conditions de vie des femmes en prônant l’égalité et l’équité». Un combat dans lequel son organisation est engagée.
Tout comme dans la recherche de stratégies d’abandon de l’excision. «L’UNFPA est un pionnier en matière de financement de projets d’interventions pour l’abandon de l’excision au Mali», reconnaît Dr. Lamine Traoré du Comité national de lutte contre les pratiques néfastes à la santé de la femme et de l’enfant.
Déjà à la cérémonie d’ouverture, Dr. Mamadou Diallo avait fait un brillant et éloquent discours articulé autour de certains aspects liés à la relation entre excision et santé de reproduction ainsi qu’à la coopération entre le Mali et son institution dans le cadre de l’appui aux efforts nationaux en faveur de l’abandon de l’excision.
«C’est compte tenu de ses effets néfastes sur la santé de la reproduction des femmes que l’UNFPA, depuis plusieurs années, s’est engagé aux côtés du gouvernement malien et des organisations de la société civile pour leur apporter son soutien, tant financier que technique», a souligné le représentant lors d’un entretien que nous avons eu avec lui.
Le soutien de l’organisme spécialisé des Nations Unies à ce combat dans notre pays a commencé au début des années 90. Même ponctuel, il a pu conduire à la réflexion pour l’élaboration d’un cadre de lutte contre l’excision et les autres pratiques néfastes à la santé des femmes et des filles.
A partir de 1998, cette collaboration s’est inscrite dans un cadre à long terme à travers le financement des missions d’échange d’expérience en Iran, en Egypte et en Tunisie à l’endroit de certains leaders religieux et des cadres des départements de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille ainsi que de la Santé.
L’excision abandonnée dans 20 villages
En 2000, avec la mise en œuvre du 4è Programme de coopération Mali/UNFPA, la lutte contre l’excision est devenue une priorité pour cette organisation. C’est ainsi que le UNFPA a contribué à la mise en place du Projet d’appui à la lutte contre les pratiques préjudiciables à la santé de la femme et de l’enfant avec une enveloppe de 500 000 dollars.
Doté de plusieurs composantes, ce programme avait un volet plaidoyer à l’endroit des décideurs, un axe de formation et de renforcement de capacités ainsi qu’un volet de sensibilisation des populations de Bougouni, localité d’expérimentation de la nouvelle approche d’abandon.
Le succès du premier projet a plaidé pour sa reconduction dans le 5è programme de coopération Mali/UNFPA (2003-2007). Comme acquis de cette reconduction, il faut noter sa contribution à «l’effort de plaidoyer à l’endroit des décideurs politiques aux côtés des autres acteurs permettant ainsi la création du Programme national de lutte contre l’Excision (PNLE)», souligne Dr. Lamine Traoré.
Mieux, ce projet a eu comme impact l’éveil des consciences dans les villages de la préfecture de Bougouni où il intervient. Une prise de conscience qui explique l’abandon de la pratique de l’excision par plusieurs communautés et l’imposition d’un système de veille pour empêcher que les filles de celles-ci ne soient excisées en dehors de la zone de couverture du projet.
Sa récente évaluation grâce au financement de l’USAID a mis en évidence son efficacité et la pertinence de l’approche consensuelle comme stratégie de plaidoyer en faveur de l’abandon des pratiques néfastes à la santé de la femme et de l’enfant.
Le nouveau projet financé à hauteur de 559 000 dollars par le UNFPA, comporte des volets novateurs comme l’appui à la prise en charge des victimes de l’excision à Bamako, Kayes, Bougouni, et l’ensemble de la région de Sikasso.
Un soutien qui se fait à travers la mise à disposition des médicaments et de matériel chirurgical. Il est aussi doté d’un axe de formation et de renforcement de capacité des prestataires de service et des ONG/associations.
Le volet plaidoyer à l’endroit des décideurs (administratifs, politiques et communautaires) et celui de subventions aux structures (privées et étatiques) ne sont pas non plus des atouts négligeables. Tout comme le volet sensibilisation dans une quarantaine de localités de Bougouni.
Pour Dr. Mamadou Diallo, la réussite de ce projet repose aussi sur le fait qu’il a pris en compte un aspect fondamental de l’abandon : la réinsertion socio économique des ex-exciseuses.
Elles ont été formées et, dans la plupart des cas, appuyées financièrement dans des activités génératrices de revenus. «Si, on offre des alternatives viables aux uns et autres, on parvient toujours à atteindre ses objectifs. Le projet a permis d’offrir aux exciseuses d’autres moyens de gagner décemment leur vie», indique le représentant de UNFPA au Mali.
«La réussite de cette expérience, prouve que le gouvernement malien a fait la bonne option en mettant l’accent sur la démarche pédagogique. La démarche participative et consensuelle est certainement la voie la plus longue, mais la plus sûre pour parvenir à l’abandon total des pratiques néfastes à la santé de la mère et de l’enfant. Puisqu’il n’y a pas solution miracle pour l’abandon, cette démarche est le meilleur gage de succès et de pérennisation des acquis», a conclu Dr. Mamadou Diallo.
Et l’UNFPA a assuré aux participants à la conférence de Bamako qu’ils pourront toujours compter sur son appui technique et financier, dans la mise en œuvre des recommandations qui ont sanctionné leurs travaux.
Moussa Bolly
Des recommandations pertinentes
Après deux jours de travaux, les participants à la Conférence sous-régionale sur les MGF et la mis en œuvre du protocole de Maputo ont fait des recommandations.
Il s’agit pour les parlements de contrôler l’action du gouvernement et s’assurer que les engagements internationaux pris par leur pays en tant qu’Etats parties protégeant les libertés et les droits fondamentaux des femmes et des enfants sont mis en oeuvre au niveau national.
Ils ont décidé que tous les acteurs (gouvernements, parlements, société civile, chefs traditionnels et religieux mouvements des femmes et de jeunes) travaillent en synergie afin que leurs actions soient complémentaires et coordonnées tout en mettant un accent particulier sur les bénéfices de la ratification et de la mise en oeuvre du Protocole de Maputo par une large diffusion auprès de leurs populations.
Les participants ont recommandé également que l’adoption et la mise en œuvre de toute législation sur les MGF se fasse en concertation avec la société civile, les chefs coutumiers et religieux ainsi qu’avec les leaders d’opinion dans le cadre d’une stratégie plus large pour l’abandon de cette pratique.
Selon eux, les communautés, plus particulièrement les femmes, doivent être informées par le biais de campagnes de sensibilisation, de communication et d’information sur le contenu de la loi et sur leurs droits.
Pour les participants, les services sanitaires de base doivent être renforcés de façon à assurer aux femmes ayant subi les MGF tous les soins dont elles pourraient avoir besoin. Ils ont souhaité la ratification du Protocole de Maputo par tous les Etats membres de l’Union Africaine.
Salimata Fofana
28 février 2006.