Bourrage des urnes, tripatouillage des chiffres, non-identification des électeurs, enlèvement des urnes, expulsion des délégués des candidats en course et immixtion intempestive des autorités administratives locales dans le déroulement des opérations électorales : telles sont entre autres les irrégularités qui ont été commises le 24 août dernier lors des législatives partielles à Ansongo.
Les deux mastodontes de la majorité présidentielle (Adéma et URD) qui étaient opposés pour la circonstance ont en effet tout mis en œuvre pour enlever ce siège de député laissé vacant à la suite de la disparition brutale et combien regrettable de l’honorable Sagdoudine Ag Al Bakaye élu en 2007 sur la liste URD à Ansongo.
Et Dieu faisant bien les choses, c’est finalement son frangin Salah Ag Al Bakaye qui a été désigné dès le 1er tour de ce scrutin pour achever son mandat à l’Assemblée nationale du Mali. Mais curieusement au lieu d’être investi par l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès comme le recommande la morale politique, l’Adéma et l’URD, tous membres de cette majorité présidentielle ont décidé de croiser le fer pour non seulement jauger leur représentativité sur le terrain mais surtout tester leur machine électorale avant les grands rendez-vous électoraux de 2009 et de 2012.
Une machine infernale de fraude si l’on en croit les observateurs qui ont supervisé ce scrutin et les deux candidats en compétition qui ont soumis près d’une dizaine de requêtes à la Cour constitutionnelle.
Les griefs soulevés par le candidat de l’Adéma, Mohamed Ag Moussa portaient entre autres sur l’empêchement du délégué Adéma à accéder dans le bureau de vote N°32 ; le bourrage des urnes par les présidents des bureaux de vote N°008-009-010-011-017-019-020-021-022-023-024-025-026-027-028-030-031 ; la fraude massive organisée dans la circonscription électorale de Talataye et surtout le manque de délégués des partis dans ces bureaux ; incohérence d’une part entre le nombre des inscrits et des suffrages exprimés et d’autre part le nombre des votants et des suffrages exprimés entre autres.
Quant au candidat de l’URD, Salah Ag Al Bakaye, il demandait l’annulation des résultats des opérations électorales du bureau de vote N°004 d’Azoulmoukou dans la commune de Tin-Hamma aux motifs que le vote a eu lieu sans identification des électeurs, qu’il y a eu distribution et utilisation frauduleuses des cartes d’électeur, que le délégué URD Adoun Ag Abdoul Salam a été expulsé du bureau de vote et que le président du bureau de vote a refusé de lui remettre une copie du récépissé des résultats.
Le candidat Salah Ag Al Bakaye se plaignait en outre que dans le bureau de vote N°006 d’Aguita les suffrages obtenus par les candidats après dépouillement ont été falsifiés par le président du bureau de vote. En guise d’exemple, il dira que le candidat du parti Adéma-Pasj qui avait obtenu cent (100) voix s’est vu attribuer cent cinquante (150) voix.
Dans le bureau de vote N°16 de Amalawlaw, le candidat de l’URD fera savoir que, d’une part, les opérations électorales se sont déroulées sans identification des électeurs, sans isoloirs, sans urnes scellées et que d’autre part, le président du bureau de vote s’est substitué aux assesseurs et aux délégués en signant en leurs lieu et place les documents électoraux. Que dans le bureau de vote N°16 d’Amalawlaw les opérations électorales se sont déroulées sans identification des électeurs et que le nombre des votants (123) est supérieur à celui des émargeants (109).
Dernière révélation de taille faite par le candidat de l’URD : dans les bureaux de vote N°005, 008, 009, 011, 012, 015, 017 et 007 de Haroun, Famboulgou I, Famboulgou II, Keygourountane, Koko, Tingachawène, Fitili et Argou dans la commune de Tersit les militants de l’Adéma ou du PCR ont déplacé les urnes en les transportant dans la nature pour procéder à leur bourrage et en commettant du faux sur des procès-verbaux des opérations électorales, sur des feuilles de dépouillement et d’émargement et sur des récépissés des résultats de vote.
Des irrégularités qui ont conduit les neuf sages à annuler plus de 2000 suffrages et à déclarer nuls plus de 1000 bulletins.
Cette fraude massive qui a émaillé les législatives partielles d’Ansongo ne fait que confirmer les craintes émises par les partis membres du FDR lors des derniers scrutins. Ceux qui prétendaient donc que les partis de l’opposition sont des mauvais perdants ont désormais de quoi réfléchir.
Et pourtant en son temps, lors de la table ronde organisée par le NDI à l’intention de l’administration, des acteurs politiques et ceux de la société civile pour évaluer le processus électoral, le directeur de l’intérieur, Boubacar Sow dans un aveu d’impuissance avait clairement affirmé que «lors des dernières élections, la fraude a atteint une ampleur jamais égalée dans notre pays». Et d’ajouter après que «la fraude est la plus grande plaie de notre dispositif électoral».
Curieusement, cette déclaration faite par un des piliers de l’organisation des élections au Mali n’a fait qu’emboîter le pas à l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Mali, Salif Kanouté qui, le 10 août 2007 lors de la proclamation des résultats définitifs des législatives, avait exprimé son sentiment profond en ces termes : «les acteurs politiques, des candidats de quelque bord que ce soit se sont installés à demeure dans la fraude généralisée».
Ce qui vient donc de se passer à Ansongo ne fait que confirmer ces soupçons. Le mal de notre démocratie est connu : la fraude électorale. Les auteurs aussi : les partis membres de l’ADP.
Le président de la Commission de relecture des textes fondamentaux de l’Etat, Daba Diawara et non moins membre de cette nébuleuse Alliance aura-t-il le courage nécessaire pour trouver une solution définitive à cette fraude électorale qui fausse toutes les règles du jeu démocratique au Mali?
Birama Fall
09 Septembre 2008