L’influence arabo-berbère a toujours été notable dans le style vestimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Le boubou très majoritairement porté au Mali en est un exemple. Aujourd’hui, cette influence ainsi que celle de l’islam pousse de nombreuses femmes à se vêtir du voile intégral au détriment de l’habit traditionnel.
Chaque jour au sortir de la concession, Fatim s’enveloppe d’un long voile noir cachant ses cheveux et le reste de son visage. Seuls ses yeux sont apparents. Il en est de même pour les autres femmes de la concession et ce ne sont pas les seules. « Quelques milliers de femmes vivent entièrement dissimulées sous de longs voiles sombres ».
Cette pratique ne présente pas le caractère d’une prescription religieuse. Alors pourquoi porter un vêtement qui appartient à la culture arabique ? Fatim dit se vêtir de cette manière pour faire plaisir à son mari ainsi qu’à son père, tous deux de fervents musulmans. Elle s’en accommode aujourd’hui et c’est devenu, pour elle, une habitude depuis 6 ans qu’elle le porte.
Cet usage n’est que très partiellement suivi au Mali, mais les wahabiya qui prônent un islam rigoriste en sont les fers de lance. « C’est un retour aux valeurs fondamentales. Aujourd’hui, il n’y a plus de morale, les filles s’habillent n’importe comment et ça je ne l’accepte pas chez moi ! » déclare Oumar le mari de Fatim.
Ce discours extrémiste prône un retour en arrière que réprouvent bon nombre de musulmans. Farouk Hosni, ministre de la Culture égyptien, a protesté en 2006 contre la diffusion du voile : « Nous avons connu une époque où nos mères fréquentaient les universités et les lieux de travail sans être voilées. C’est dans cet esprit que nous avons grandi ».
» L’unanimité (ijma) de la oummah concernant le caractère islamique de ce vêtement et l’attitude à adopter à son égard restent presque partout dans le monde musulman une problématique ». Pour Muhammad Sayyed Tantawi, recteur de l’Université Al-Azhar, la plus fameuse université islamique du monde : ce sont des signes tribaux.
La centaine d’établissements qui dépendent de l’institution ont interdit le port du voile intégral. En France et en Belgique, les pouvoirs publics sont montés au créneau pour interdire le voile intégral. « Le sentiment que l’islam pénètre tous les gestes les plus ordinaires de la vie quotidienne, et qu’il exige de ses fidèles un comportement spécifique » fait peur aux populations.
Au Mali où près de 90 % des habitants sont musulmans, il n’en est pas de même. Ces femmes sont en général respectées pour leur dévotion même si cela n’a rien à voir avec la tradition. Pour Muso Kunda, les femmes sont des « héroïnes qui s’occupent, s’arment, se reflètent et s’expriment selon leur sensibilités ». Cette idéologie reflète la pensée malienne où la femme est complémentaire de l’homme et où tous deux portent des boubous colorés au quotidien, les modèles variant simplement selon les régions et les usages.
Ce vêtement s’adapte parfaitement au climat contrairement au voile intégral. Mais si le fondamentalisme continue de percer comme c’est le cas aujourd’hui au Mali, cette tendance deviendra la norme. Selon Oumma.com, le « religieux » apparaît comme la seule « valeur sûre » dans notre monde musulman, après la chute de toutes les idéologies et en l’absence de démocratie, de justice, d’égalité, etc. (…) « si on laisse faire les choses, cet usage ne fera qu’augmenter ».
Kaourou Magassa
Les Échos du 04 Novembre 2010.