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Le centre d’intérêt autour de ces fameux tissus Bazin se joue entre l’Etat, les opérateurs économiques et les particuliers. Si cette situation est ignorée par les profanes, les « gorobinés » de la ville la connaissent bien. Par « gorobinés » et intermédiaires, il faut comprendre ceux qui contribuent beaucoup à la distribution et les grandes dames qui sont en partie les principales consommatrices.

Au-delà de ces maillons essentiels à savoir la douane et les importateurs du produit, c’est toute une peuplade de personnes qui vit bien du bazin. Un tour chez une teinturière de la place nous a permis de savoir davantage. En effet, nous avons rencontré une dame Minata Koné, venue retirer deux de ses six mètres bazin.

Elle nous livra ceci : « C’est quand je suis habillée en tissu bazin que je me sens plus sûre de moi et plus à l’aise… ». Combien a-t-elle déboursé pour ces deux six mètres ? 6.000 FCFA pour la couleur unique et 12.500 FCFA pour le multicolore, nous a-t-elle révélé et cela parce qu’elle est une cliente de longue date, sinon c’est plus.

Nous nous sommes intéressés à Coumba Fofana, propriétaire des lieux . « Je fais ce métier depuis bientôt 15 ans, mais c’est en 2000 que je me suis entièrement consacrée à la teinture. Les bénéfices varient suivant la commande. Je peux par exemple gagner en moyenne 300.000 FCFA pendant les périodes de forte affluence », nous a-t-elle confié. Et même quand il n’y a pas assez de commandes, elle parvînt toujours à s’en sortir.

Le tissu bazin ainsi mis en couleur doit passer chez les « batteurs d’habits » (« Fini Gossi law » en bambara). Là, l’argent à débourser est en moyenne de 1500 FCFA les six mètres selon qu’il s’agit du type « be buko » ou du « letri forokoni ». Les clientes les moins fortunées demandent le « simple », qui se fait entre 200 et 500 FCFA.

Et même là, la rotation est loin d’être finie pour le fameux tissu qui doit faire un dernier tour chez le tailleur. Les frais de la couture dépendent surtout du modèle choisi par la cliente. S’il s’agit du boubou féminin « Démi-ni », il n’y a pas assez à gagner.

Le tailleur peut espérer tendre la main avec fierté s’il s’agit d’un modèle en vogue comme « Kandia », « Mah Kouyaté » ou « disque ». Dernier maillon de la chaîne, et voilà notre fameux bazin prêt à être porté, lors d’une cérémonie grandiose par une « Gorobiné » soucieuse de faire l’objet de tous les regards.

Elle peut susciter l’admiration, la curiosité, la jalousie ou même le mépris d’autres grandes dames selon que le bazin qu’elle porte soit du « riche » (5000 FCFA/m en moyenne), du « moins riche » (2000F/m en moyenne) ou du « léger » (1000F/m).
En effet, il n’est pas rare d’entendre lors d’une cérémonie populaire : « regarde cette dame avec ses grands airs alors qu’elle ne porte que du léger ou encore » ; « celle-ci pense qu’elle peut nous tromper avec son « moins riche » teinte d’une couleur médiocre ».

Tenez-vous bien! Même certains hommes ne résistent pas au charme du bazin. C’est le cas surtout des hommes politiques. Ceux-ci portent-ils du « riche », du « moins riche » ou du « léger » ? Allez-savoir. Ce qui est indéniable, c’est que les tissus bazin profitent à beaucoup.

Adama S. DIALLO, stagiaire

6 Avril 2005