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La recherche des enjeux géostratégiques et géopolitiques du Sahara malien passe nécessairement par la connaissance du Sahara lui-même, de son histoire et des richesses, y compris celles de son sous-sol. En somme une analyse prospective de ce grand ensemble désertique, qui aiguise des convoitises de plus en plus affichées.

De son histoire, nous retiendrons en gros que le Sahara est un vaste territoire qui s’étend des côtes atlantiques aux rivages de la méditerranée soit une superficie de 11 millions de km2, et les 12 Etats sahariens s’étendent sur 13 millions de km2.

Jean Veyrac disait que « cet espace gigantesque aux horizons infinis et impénétrables n’a pas toujours été un désert. Dans ce pays aujourd’hui flétri et désolé, des périodes de sécheresse et d’humidité se sont succédés au fil du temps. Malgré l’hostilité grandissante du climat, plusieurs vagues de migration eurent lieu au Sahara par le nord, au cours du 1er millénaire av. J.-C. l’expansion progressive de l’islam au désert a sans doute, été facilitée par l’apparition, aux VIIIe et IXe siècles, d’un commerce régulier et non plus sporadique, à travers le Sahara. Les principaux Etats arabes de la Méditerranée occidentale, l’Ifriqiya et l’Espagne, avaient besoin de l’or de l’Afrique noire pour frapper monnaie et ils se faisaient concurrence en s’alliant à des tribus locales, pour contrôler les principales pistes caravanières« .

Enfin, les populations berbères du Sahara central sont très attachées à leur indépendance et à leur liberté, comme le relevaient aussi beaucoup de voyageurs, ce qui s’explique à la fois par leur genre de vie et leur fierté naturelle.

Malgré leur organisation sociale, elles rejettent toute autorité contraignante et ne reconnaissent aucune autorité effective autre que celle du Chef de tribu. C’est ce qui explique les multiples échauffourées avec l’armée coloniale qui n’a jamais pu les soumettre véritablement, car les habitants de la zone sont allergiques à tout principe de gouvernance.

Dans son ambition de contrôler tout le Sahara, la France coloniale avait tenté, en juin 1957, de créer l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) dont l’objectif consistait à conglomérer les régions sahariennes d’Afrique Occidentale Française (AOF) et d’Afrique Equatoriale Française (AEF) au sein d’un seul ensemble contrôlé par la puissance coloniale. Ce fut un échec face à la détermination des cadres politiques de l’époque – Modibo Keita entre autres- qui aspiraient aux indépendances de leurs pays, déjà semi autonomes en vertu de la Loi cadre, dite également loi Defferre du 23 juin 1956.

Un demi siècle plus tard, le Mali a réalisé, avec l’avènement de la démocratie et la décentralisation, une évolution très nette de son administration territoriale. Cette évolution notable s’est caractérisée par le pluralisme politique, l’organisation d’élections libres et transparentes, la garantie des libertés individuelles et collectives, les droits démocratiques, la naissance d’une société civile engagée et responsable et la liberté de la presse.

Il n’en demeure pas moins que dans sa partie septentrionale, le Mali s’efforce encore d’assurer la sécurité d’une zone aux limites infinies occupée par des populations aux attitudes encore fortement influencées par des pratiques anciennes, fondées sur le leadership, l’esprit suzerain etc.
Le Sahara, une zone offerte aux pillages et aux conflits d’intérêt.

La zone est offerte aux pillages, aux conflits d’intérêt, qui opposent tradition et modernité, au désordre. L’immensité de la région et son relief favorisent aussi le banditisme, le terrorisme idéologique, et les actes d’insécurité (enlèvement de véhicules, circulation anarchique de personnes, d’armes, trafics de tabac, etc…) auquel prennent part même des agents corrompus et « repus », de services régionaux.

Ces agents ont aussi une part de responsabilité dans ce qui se passe chez nous. Contre quelques billets de banque, ils deviennent sourd-muets et aveugles.
Aujourd’hui, les autorités maliennes font désormais face à une situation d’insécurité permanente aggravée par les séquelles de la rébellion armée des années 1990 avec son cortège de tueries et de règlement de comptes, l’explosion du tissu social et les inégalités héritées du pouvoir tribal.

En coopération avec d’autres pays de la région confrontés au même problème,le Mali envisage un certain nombre de mesures sécuritaires. Cette occasion inespérée a réveillé la convoitise des grandes puissances du monde, notamment les USA, la France, la Chine, à cause des enjeux stratégiques que représentent la région et son sous-sol.

Parmi ces enjeux nous pouvons retenir :
– L’exploration et l’exploitation minière (Fer, Phosphate, Or, Pétrole);
-L’odeur du pétrole qui pourrait jaillir en 2008 et confiée à la société Baraka Mali,Venture (BMV pour un montant de 30 milliards de FCFA dans la recherche sur quatre années et 500 millions de FCFA pour la formation de personnel malien. Il faut rappeler que depuis les premières années de l’indépendance de notre pays, les coopérants russes avaient senti et informé de la présence du pétrole dans notre sous-sol.

Des sociétés de recherche et d’exploration comme Texaco, Esso Murphy ont entrepris des recherches timides avant de se retirer dans les années 70 et 80. Les bassins confirmés sur la base des anciennes études se situent à Taoudenni, Gao, Tamesna et Nara, avec des couches pétrolifères profondes de 2 à 5 km. Notre pays aura déjà délimité 15 blocs de 800 000 km2, ce qui correspond à 65% du territoire national ;
-L’érection de notre Sahara en plaque tournante du trafic et du banditisme à cause des facilités de déplacement des hommes et l’absence totale d’autorité publique.
-La montée des puissances asiatiques (Chine, Inde, Indonésie, Japon) et les potentialités offertes par l’Afrique sub-saharienne ;
-L’influence des puissances occidentales et orientales qui entretiennent les conflits internationaux et les soutiennent sur les plans matériel, financier et idéologique (USA, Chine, Pakistan, Iran) ;
– Le rapprochement militaire entre Washington quelques pays africains (Sénégal, Tchad, Niger, Mali, Mauritanie Maroc) sous prétexte que les zones frontalières de ces Etats abritent des réseaux terroristes, de trafiquants et de contrebandiers ;
– Le Projet américain de quadrillage du Sahara et le renforcement du dispositif militaire à travers la Pan-Sahel Initiative (PSI) et la Trans- Sahara Counter Terrorisme Initiative (TSCI), dont l’objectif officiel est d’aider les forces de sécurité des pays riverains et limitrophes du Sahara (Niger, Mali, Algérie, Tchad, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Sénégal, Ghana) à contrôler les frontières et à lutter contre les activités illégales et le terrorisme.

La dernière rencontre des Etats signataires du Flintlock à Bamako en est une illustration. La réalité de cet engouement pour notre pays est surtout la volonté américaine de s’implanter en Afrique sub-saharienne et se rapprocher le plus possible des foyers intégristes mais aussi des pays pétroliers. On est perplexe devant l’intérêt soudain des Américains à nous protéger des terroristes alors qu’en plein chaos algérien, ces même Américains n’ont rien fait pour lutter contre ce terrorisme qu’ils voient maintenant partout.

L’Algérie face à une équation difficile
– L’Algérie fait face à une équation difficile : Elle est partagée entre son souci de maintenir ses régions touarègues notamment Tamanrasset, Djanet, Illizi et tout le Hoggar sous contrôle et son ambition de demeurer un acteur incontournable dans toute forme de négociations de paix engagées par ses voisins du Sud. Un objectif non moins important est de continuer à lutter contre le G.S.P.C (algérien) tout en rassurant le voisin malien ; ce qui explique sa précipitation à vouloir jouer aux médiateurs entre les groupes armés et les autorités de Bamako à chaque escarmouche.
– La Libye dont le guide (au crépuscule de sa révolution), et pressentant la volonté manifeste de son fils Seyf Al Islam, de se rapprocher de l’Occident, cherche à se tailler une stature sous-régionale en se présentant comme le rassembleur de tous les habitants du Sahara. L’intention pourrait être aussi de prouver dans son ouverture aux Occidentaux qu’il demeure un partenaire potentiel des américains dans leur politique d’infiltration au Sahara.
– Pour le Maroc, un conflit au Nord du Mali gonflerait la population des camps de réfugiés sahraouis de Tindouf ;
-La réaction du mouvement berbère (amazigh) à laquelle appartiennent historiquement et culturellement les Touaregs du Mali, n’est pas non plus à écarter.

Ce mouvement est fortement médiatisé à travers le monde, et ses tentacules du fonds du Maroc et de l’Algérie s’étendent jusqu’aux confins du monde occidental.
Un autre enjeu de taille est que nos autorités négocient et signent des accords sans mesures d’accompagnement. Nous ne pourrons pas résoudre le problème du Nord par des engagements sans suite. Voilà les vrais enjeux.

Même les fonds destinés au lancement des unités spéciales chargées de la sécurité de la région de Kidal n’ont pas été débloqués par Bamako, depuis plus d’un an. Ce qui explique en partie la énième désertion de Hassan Fagaga.

Ecartelés entre 5 pays et fortement influencés par les cultures des différentes communautés qu’ils côtoient, le brassage, le cloisonnement tribal, les Touaregs représentent trois millions d’âmes sur une zone de peuplement de 2,5 millions de Km2, soit l’équivalent de toute l’Europe occidentale. Ils ne souhaitent qu’une réelle intégration dans leurs pays respectifs tout en conservant leur culture millénaire riche et déjà menacée.

Enfin, c’est seulement dans la paix que nous pourrons développer nos régions du Nord, pas dans le mépris d’une part et le chantage, d’autre part.

Le Mali est un pays de paix et de tolérance et les maliens (blancs et noirs) ne doivent pas attiser un feu qu’ils tenteront d’éteindre seuls demain, car ce feu ne brûlera que chez nous, pas ailleurs.

Quant à la présence des américains sur notre sol, nous disons à nos responsables politiques : Restez sur vos gardes et soyez vigilants. Les USA n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts.

Mohamed Ould Sidy Mohamed*

Consultant en développement communautaire et ingénierie sociale Nouakchott
Tel:(00222) 622 31 36

05 septembre 2007.