Partager

Au regard de la multiplication de ses récentes initiatives, le Rassemblement Pour le Mali (RPM) semble avoir mis une croix sur son passé pour se consacrer enfin à son devenir. En fait, les Tisserands ont du comprendre que face aux vicissitudes de parcours qui, à un moment ou à un autre, peuvent du reste affecter n’importe quelle organisation humaine, il ne sert à rien de s’apitoyer sur son sort et de rester bras croisés.

Aussi, de conférences régionales en tenues d’ateliers, en passant par des rencontres formelles et non formelles, le RPM d’Ibrahim Boubacar Keïta est de plus en plus en train de marquer sa présence sur la scène politique nationale. Si bien que des observateurs constatent qu’IBK était bien sincère lorsque, sans aucun complexe, il déclarait “qu’il acceptait le sort qui est le sien aujourd’hui ”.

Le Mandémassa et ses camarades Tisserands auraient-ils enfin gagné en sagesse au point de taire toutes leurs divergences pour resserrer leurs rangs autour de l’essentiel, le RPM? Toujours est-il que pour IBK et les siens, il fallait, sinon il était impératif de réagir face au grand chamboulement politique qui aura vu le RPM dégringoler de façon inexplicable, suite aux dernières échéances électorales.

Il fallait le faire, pour signifier aux Maliens qu’au RPM, on est capable d’encaisser, de se remettre en cause et de se surpasser : n’est-ce pas un passage obligé pour tout parti politique qui se veut mature ? Il le fallait aussi, pour préserver l’identité du parti.

Pour le RPM, l’épreuve a été très dure, sinon amère, de perdre et la présidentielle d’Avril 2007, et les législatives dernières, à l’issue desquelles de 44 députés, le parti est retombé à 11, dont 1 seul a été reconduit à l’Assemblée nationale, et cela, dans des conditions que tout le monde connaît : en l’occurrence, El Haj Ibrahim Boubacar Keïta lui-même.

Ces résultats électoraux désastreux du RPM sont la résultante d’une double baisse d’estime en défaveur des Tisserands. Une baisse d’estime d’IBK lui-même vis-à-vis des Maliens aussi. Ce qui paraît aussi étonnant que paradoxal, dans la mesure où de nombreux citoyens continuent encore de croire que seuls deux hommes étaient capables ( ils le sont toujours) de mobiliser les électeurs : ATT et IBK. Mais la grande déconvenue infligée au RPM serait certainement due à une erreur de statégie politico-électorale.

Le RPM victime de l’Opposition

Le compagnonnage qu’on dit forcé des Tisserands avec une Opposition fabriquée de toutes pièces serait à la base de tous les malheurs d’IBK et camarades. La preuve : pour se faire une idée du piège dans lequel le RPM s’est lui-même empêtré, il suffit d’établir une petite comparaison entre le score engrangé par le Mandémassa aux présidentielles de 2002 et 2007.

Avec le rang de troisième à la présidentielle de 2002, le candidat Ibrahim Boubacar Keïta a obtenu plus de voix qu’en tant que deuxième à la présidentielle d’Avril 2007. Ce paradoxe ne peut être expliqué que par une erreur de stratégie politiuqe. En effet, en décidant de rejoindre les rangs du FDR, le RPM ne faisait pas du tout une mauvaise affaire, bien au contraire. C’est que la donne et le contexte de l’époque ne lui donnaient point le loisir de s’isoler politiquement.

Evidemment, avec une ADP forte de plus d’une quarantaine de partis politiques, ne pas adhérer au projet FDR aurait fatalement entraîné l’isolement des Tisserands. Il fallait donc sauter sur l’occasion. Mais le revers pour le RPM -tout comme pour les autres partis de l’Opposition- vient plutôt de la stratégie qu’ils ont adoptée face à la mouvance présidentielle.

En lieu et place d’une candidature unique, les opposants ont voulu partir aux élections en rang dispersés, contraidre ATT à un deuxième tour. Tout le monde savait que s’il devait y avoir un deuxième tour, ç’aurait été entre ATT et IBK. Si cette stratégie n’était pas mauvaise en soi, il existait néanmoins un grand risque de voir tout partir à veau l’eau, au cas où il n’y aurait qu’un seul tour. Sous cet angle, les opposants ne devaient pas minimiser le “Takokélén ” d’ATTpromis par la mouvance présidentielle.

Pourtant, c’est ce que les Tisserands ont fait, et avec humour, en opposant le “Takaprin” au “Takokélén”. Survint alors ce qui devait survenir, et dont le constat fut sans appel : tous les candidats à la présidentielle ont été étrillés par ATT, et cela, jusque dans leurs fiefs respectifs, ou supposés comme tels. Le parti le plus politiquement côté du FDR, le RPM, venait ainsi de voir s’effondrer un de ses rêves les plus chers. Mais ce n’était là que le début du commencement d’un mal qui allait envahir tout le corps du RPM.

En effet, du parti des Tisserands, on ne pouvait guère attendre mieux que ce piètre score enregistré aux législatives : de 44 députés, Ladji Bourama et les siens se retrouvent à 11. C’est qu’en vérité, le RPM était épuisé, tant moralement que financièrement, à l’issue de cette élection présidentielle. L’on comprend dès lors pourqui le parti revendique presque tout en son nom, et non en celui du FDR.

Le réveil des Tisserands

Il ne sert donc plus à rien de se lamenter; il faut plutôt agir, surtout que le contexte actuel s’y prête à merveille : le terrain politique est sérieusement miné pour les partis membres de l’ADP. Et ces partis ne savent plus à quel saint politique se vouer, car ils sont pris entre deux feux : celui de la gestion de leurs propres agendas, et celui de l’ADP.

En plus de ce guêpier, ces partis membres de l’ADP souffrent le martyr, d’une part à cause de l’allégeance factice de l’alliance envers le régime, et d’autre part à cause des préoccupations actuelles du pays : vie chère, crise de l’école, conflit au nord… Le RPM, qui a eu tout le temps nécessaire pour vider son contentieux électoral, semble ainsi déterminé à profiter de cette situation pour rebondir.

Les Tisserands ne peuvent ni ne doivent donc plus céder aucune place aux doutes, supputations et autres intoxications. D’où cette phrase d’IBK : “Même si nous ne devions rester que cinq personnes, nous allons toujours continuer à porter haut le flambeau du RPM”. Est-ce pour couper court à une éventuelle intention de l’ADEMA de vouloir s’approprier le parti des Tisserands ?….

L’ADEMA-PASJ, qui crie à la reconstitution de sa grande famille, semble donc désavoué par le Mandémassa, et cela, pour une raison très simple : du point de vue du RPM, l’ADEMA n’a jamais été sincère dans sa profession de foi (ladite reconstitution). Et si le parti de l’Abeille ne pense pas réellement ce qu’il dit, c’est qu’il cherche à créer une situation de confusion, pense-t-on au RPM.

Cela paraît d’autant plus vrai que jusque-là, Dioncounda et ses camarades n’ont pas osé placer le débat dans un cadre formel : tout se dit et se négocie plutôt par Dioncounda Traoré, argue-t-on du côté des Tisserands. Et IBK, qui s’était toujours montré nuancé sur la question, s’est finalement assumé : il n’est pas question que le RPM perde son identité !

Aussi, comme pour joindre l’acte à la parole, les Tisserands ont envahi le terrain politique, histoire de se ressourcer, reprendre forme, sinon vie, partir à l’assaut des élections futures. Dans ce régistre, les municipales de 2009 constituant une opération-test majeure pour le RPM, seules trois options s’offrent au parti : s’imposer, à l’issue des communales, comme première force politique du pays, ravir à l’URD son rang de deuxième force politique, ou garder son rang de troisième force.

Mais tout indique qu’IBK et ses compagnons convoitent plutôt le haut du pavé. Une manière pour eux de sortir par la grande porte, après l’humiliation de 2007. A défaut, le Mandémassa et ses Tisserands feront tout ce qui est nécessaire pour signifier à tout monde que “le RPM existe”. Le ton étant donc déjà lancé, restent à présent la forme et le fond, la méthode et le tempo.


Adama S. DIALLO

12 Juin 2008