La conséquence est une meilleure lisibilité de l’échiquier politique national. D’iconoclaste, la démocratie malienne s’insère désormais dans un schéma plus classique, avec ce que cela suppose comme opposition parlementaire digne de ce nom, contrôlant véritablement l’action du gouvernement.
Avec la fin du consensus, la démocratie malienne devra donc gagner en vigueur, les débats à l’Assemblée nationale rompant avec l’unanimisme soporifique de rigueur jusque-là. D’unijambiste-pour pasticher le professeur Yoro Diakité, elle marchera désormais sur ses deux jambes.
La mise en place du Bureau de l’Assemblée nationale a été le détonateur de ce recentrage politique. En réalité, elle n’en a été que le prétexte. Il faut mettre, en effet, tout ce remue-ménage dans le cadre d’une bataille de positionnement en vue des élections de 2007.
Le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, Assarid Ag Imbarcawane, qui semble être l’un des porte-étendards des insurgés qui ont précipité le RPM de Ibrahim Boubacar Kéïta dans l’opposition, n’en a pas fait un mystère, à en croire le correspondant de RFI.
La démocratie en voie de normalisation
Si l’on peut se réjouir de ce recentrage en ce sens qu’il « normalise » notre démocratie, l’on peut toutefois regretter la manière dont on a contraint le RPM et IBK à aller dans l’opposition. Les conjurés, pour parvenir à leur fin, n’ont pas hésité à fouler au pied le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
De par son manque d’élégance, la cabale ourdie contre le RPM et son président a de quoi soulever l’indignation de plus d’un observateur de la scène politique malienne. Elle sent à plein nez la politique alimentaire. On n’est mieux trahi que par les siens.
En effet, au nombre des conjurés figurent des anciens alliés de Espoir 2002, à l’image du CNID de Me Mountaga Tall. Il est vrai, comme l’a regretté Kadari Bamba, le président du groupe parlementaire RPM-RDTà l’Assemblée nationale, ce regroupement électoral n’a jamais pu se transformer en alliance politique.
Il faut dire aussi que la vision angélique de la chose politique de IBK, avec tout ce que cela comporte comme respect des principes de la droiture, de la parole donnée et autres valeurs chevaleresques, lui a joué un mauvais tour.
De toute évidence si IBK a toutes les qualités d’un homme politique, il lui reste à apprendre ses défauts pour un être un vrai politique. Car même si la politique n’est pas forcément l’art de tromper, elle est loin d’être, non plus, un jeu entre les anges. Il lui faut se départir, au plus vite, de son péché mignon : se prendre pour le prince du Mandé à qui tout est dû et pour toujours.
Pour ce faire, il doit accepter de descendre dans l’arène politique, depuis son domicile-bunker de Sébénicoro et se montrer en véritable meneur d’hommes. C’est comme cela seulement qu’IBK peut cristalliser autour de sa personne tous les mécontentements du Mali et conquérir Koulouba pour réaliser ainsi son « grand projet alternatif ».
En attendant, il devra bâtir une opposition faite de radicalisme constructif, car la démocratie malienne n’a plus que faire d’une opposition destructrice, comme on l’a vu, malheureusement, en son temps avec le COPPO.
Yaya SIDIBE
17 octobre 2005.