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D’entrée de jeu, il a déclaré que son groupe n’a jamais manqué à un forum social depuis 1999 à Seattle. Au Mali, quatre députés de la Gauche unitaire européenne sont présents. Ils sont très engagés dans des domaines essentiels de la vie. Il s’agit outre du président Francis Wurtz (eau) de Helmuth Markov ( commerce extérieur ), Gabi Zimmer ( développement ) et Roberto Musacchio ( environnement).

Les députés européens et leurs collègues parlementaires de divers pays d’Afrique participent à plusieurs séminaires visant à renforcer les synergies entre les mouvements sociaux et les forces politiques africaines pour faire face aux «politiques fomentées notamment par l’UE et pour renforcer la construction d’alternatives politiques».

Ils centrent notamment leur attention sur la lutte contre la privatisation des services et en particulier l’accès à l’eau, avec le lancement d’un appel de Bamako sur l’eau, les alternatives aux négociations commerciales entre les pays ACP et l’UE qui sont actuellement orientées vers la création d’une zone de libre – échange et l’accès aux marchés pour les multinationales européennes.

Un autre point non moins intéressant pour ces députés européens porte sur le droit à la «souveraineté alimentaire et à un commerce juste des produits agricoles produits par les fermiers du Sud et du Nord, le refus de la criminalisation de l’immigration, aux frontières de l’Europe et dans les banlieues, ainsi que sur la lutte pour l’abolition de la dette et des politiques d’ajustement structurel, grâce notamment à la création récente de l’Observatoire international sur la dette».

Le groupe parlementaire de la Gauche Unitaire Européenne est, selon leur président Francis Wurtz «convaincu que le forum social mondial de Bamako constitue une nouvelle étape essentielle pour la consolidation de ces alliances afin de construire ensemble un monde de paix et de prospérité pour tous et pour toutes. Nous combattons d’autres types d’Européens, nous venons ici pour donner un sens à la solidarité, la justice, la liberté, l’égalité, la dignité».

Une certaine Europe est, à en croire Francis Wurtz, responsable de la situation que vit l’ Afrique. «L’Europe est hétérogène, elle constitue pour nous une région du monde qui est un partenaire voire un allié des autres. Lors des fora précédents, nous avons senti l’absence de l’Afrique, j’allais dire sa faible participation, ce qui constitue pour nous un énorme manque à gagner puisque c’est le continent africain qui est particulièrement frappé par les politiques néo-libérales et par les conflits armés qui les sous – tendent. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits de la participation africaine en terre africaine du Mali et les résultats seront assez bons» a t-il expliqué.

Profondément engagé pour l’accès à l’eau à tous les citoyens de la terre, Francis Wurtz a laissé entendre que son groupe a réussi à faire inscrire à la prochaine session du parlement européen, la problématique de l’eau. Cette denrée rare est considérée par lui comme un bien commun mondial, un droit imprescriptible et inaliénable pour tous.

Soulignons enfin que plusieurs ONG dont C.A.D Mali concourent à la participation des parlementaires maliens aux différents fora sociaux mondiaux.

Chahana TAKIOU

L’INTERNATIONALE SOCIALISTE AU FORUM SOCIAL DE BAMAKO

Impulser la démocratie et surmonter la pauvreté en Afrique

En marge des travaux du Forum Social Mondial qui se tient à Bamako depuis le vendredi 20 janvier dernier, la famille de l’Internationale Socialiste s’est réunie, le samedi 21 janvier, à l’Hôtel de l’Amitié pour discuter de deux thèmes. Le premier était «impulser l’agenda démocratique en Afrique» et le second «surmonter la pauvreté et la faim : réaliser le développement durable en Afrique d’aujourd’hui».

Autour des personnalités de haut rang du parti socialiste français dont Guy Lambertit, certains responsables des partis africains membres de l’internationale socialiste ont participé à cette rencontre.

Parmi ces partis, nous avons l’Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA) de Dioncounda Traoré, le Rassemblement Pour le Mali (RPM) d’Ibrahim Boubacar Kéïta par ailleurs président de l’Assemblée nationale, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) du célèbre opposant guinéen Alpha Condé.

Abordant le premier thème, «impulser l’agenda démocratique en Afrique, le président du RPM, Ibrahim Boubacar Kéïta a souligné qu’ “il est temps en Afrique qu’il y ait des élections propres. Et, pour cela, nous sommes tous interpellés».

Et un délégué du RPG représentant Alpha Condé, d’attirer l’attention sur le cas de la Guinée. Pour lui «aucune institution démocratique ne fonctionne normalement en Guinée. Seul le président Lassana Conté décide, tous les autres subissent. Nous avons, en Guinée, une démocratie de façade».

Pour la réalisation du développement durable en Afrique, l’Internationale Socialiste mène une campagne pour faire de la lutte contre la pauvreté une priorité urgente. D’abord au niveau national, Guy Lambertit et ses camarades ont dégagé des orientations générales.

Il s’agit de privilégier les secteurs sociaux dans l’arbitrage budgétaire, mettre en place un programme d’équipement collectif prenant en compte les préoccupations de lutte contre la pauvreté, assurer une sécurisation foncière pour créer les conditions de fixation des populations rurales et d’élévation du niveau de production. Tout cela pour restaurer un environnement économique propice à une forte croissance économique.

Toujours au plan national, les socialistes préconisent l’amélioration de la capacité productive des populations, la création d’emplois dans les zones ciblées aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.

Améliorer l’accès des populations aux services sociaux, l’état nutritionnel des groupes vulnérables et mener une bonne politique d’information, d’éducation et de communication sont également des orientations socialistes.

Ensuite, au niveau international, l’objectif est de réduire de moitié la pauvreté à l’horizon 2010 en finançant cette réduction par les moyens dégagés de la réduction de la dette.

Pour cela, ils souhaitent mobiliser d’abord les gouvernements issus des partis sociaux démocrates qui sont au pouvoir pour ensuite impliquer les pays européens, certaines institutions spécialisées de l’ONU telles que le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale, sans oublier les Organisations Non Gouvernementales (ONG).

Alassane DIARRA

L’IMMIGRATION VUE DU COTE POSITIF

Les causes de l’immigration, ses bienfaits pour l’économie africaine. Voilà quelques thèmes qui étaient au centre d’un point de presse organisé par certaines associations de défense des droits de l’homme françaises, maliennes et nigériennes.

Le Forum social mondial, qui s’est ouvert le vendredi dernier dans notre capitale, sera l’occasion pour les alter-mondialistes et certaines associations de défense des droits de l’homme de faire valoir à l’opinion nationale et internationale leur conception des problèmes d’actualité : l’avènement d’un monde meilleur.

C’est dans cet esprit que l’immigration, le problème auquel tous les pays pauvres font face depuis belle lurette, était au centre d’un point de presse organisé le jeudi 19 janvier par plusieurs associations de défense des droits de l’homme au nombre desquelles le réseau Kayira, le groupe alternative Niger représenté par Moussa Tchangari, «Droit devant» représenté par Jean Claude Amara (France), la ligue pour la justice, le développement et les droits de l’homme au Mali représenté par son président Me Amadou Diarra.

C’est la salle de conférence du Réseau Kayira qui a servi de cadre à cette importante conférence qui a aussi enregistré la participation d’un nombre important du monde paysan et du président des Maliens expulsés.

Justifiant les causes de l’immigration, Jean Claude Amara de «Droit Devant» a souligné que celle-ci est liée à l’appauvrissement des pays de départ par les pays du Nord et surtout à la politique d’ajustement structurel de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international.

Il s’est dit ensuite indigné de la politique menée par les pays européens et surtout la France pour combattre le processus. A l’en croire, la France durcit d’année en année sa législation à l’égard des immigrés surtout avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au département de l’Intérieur, qui mène la politique du pire. En voulant procéder jusqu’à vingt deux mille expulsions par an.

Pour Jean Claude Amara, on doit considérer les immigrés qui vont en Europe comme des citoyens réguliers de leur pays d’accueil, car ils vont en quête de l’amélioration de leurs conditions économiques, sociales et sanitaires qui sont très précaires dans les pays de départ.

Oumar Mariko, ancien leader estudiantin, tête de proue de la lutte pour l’avènement de la démocratie au Mali, et non moins président du réseau Kayira et du parti politique SADI, a abondé dans le même sens.

Selon lui, le mutisme de nos autorités face aux conditions d’expulsion et de vie à l’extérieur est un signe de complicité. Pour lui, l’immigration n’a pas toujours que des côtés négatifs. Elle vide nos pays de nos élites intellectuelles et de nos bras valides, mais elle contribue fortement à la croissance de l’économie africaine.

Rappelons que les Maliens vivant en France envoient chaque année au Mali un montant estimé à plus de 180 milliards de FCFA. Pour Me Amadou Diarra, président de la ligue pour la justice, le développement et les droits de l’homme, «le Maroc et l’Espagne sont justiciables devant les juridictions internationales du fait des traitements qui ont été infligés récemment aux immigrés dans les enclaves de Ceuta et de Melilla» .

Pour Me M’Bam Diarra il est incompréhensible que nos autorités n’arrivent pas à dénoncer publiquement les pays qui font des expulsions sauvages de nos compatriotes.

Kassim THERA

ENTRETIEN AVEC DR OUMAR MARIKO

Les altermondialistes sont un peu ambigus dans leur combat

Le docteur Oumar Mariko suit de bout en bout le Forum social mondial. Depuis le lancement de ce vaste rassemblement mondial, il est sur tous les fronts, notamment au Centre International des Conférences de Bamako. C’est là où nous avons saisi l’opportunité de lui poser quelques questions sur le combat des altermondialistes. Un combat qui ressemble au sien propre.

L’Indépendant : Quelles sont vos impressions par rapport au Forum social mondial ?

Dr Oumar Mariko : Je pense que c’est une excellente chose. C’est une très bonne chose de faire venir des gens de tous les coins du Mali et du monde entier à Bamako pour savoir ce qui se passe dans le pays. Je pense que l’idée d’organiser un forum de ce genre est une idée formidable, qu’il faut surtout savoir exploiter à bon échéant

Nous avons l’impression qu’il existe une ligne directe entre le Forum et Radio Kayira, qui est vôtre ?

Je suis heureux que vous faites le constat que ce qui se dit au forum , c’est ce que nous avons dit des années durant. C’est pourquoi, au niveau de la radio Kayira, nous avons fait la retransmission en direct sans frais de toutes les activités du forum. Donc, c’est pour dire que nous sommes encore une fois confortés que les Maliens qui nous avaient considérés comme des gens qui avaient des idées utopiques se rendent compte que nos idées ne sont pas aussi utopiques que ça. Ensuite, ce que nous proclamons, d’autres le proclament.
Et d’autres ont réglé un certain nombre de ces problèmes. Notre démarche s’inscrit dans la résolution des problèmes vitaux de l’ensemble du peuple malien. A défaut de la majorité du peuple malien.

Quel est votre point de vue sur le combat des altermondialistes ?

Les altermondialistes sont un peu ambigus dans leur combat. Les idées nobles qui sous-tendent leur démarche sont très intéressantes. Mais, ils sont ambigus dans leur positionnement. Ils ne sont pas homogènes.
Et cette hétérogénéité fait que la tendance générale, qui se dessine dans le mouvement altermondialiste, est confuse parce que la problématique du pouvoir n’est pas posée par les altermondialistes.
Si elle est posée, c’est de manière à refuser le pouvoir alors qu’en réalité la démarche doit constituer à faire en sorte que les politiciens soient dessaisis pour que le peuple puisse prendre le pouvoir.
Il s’agit donc de permettre aux populations de pouvoir prendre le pouvoir local, central et d’imposer leurs aspirations à la marche de l’histoire, à la conduite des affaires de leurs pays.
Quelque part, à mon avis, les idées généreuses mises en avant par les altermondialistes devaient aboutir à cette démarche. Je sais que cette démarche est partagée par certaines personnes du mouvement.
Il ne faut pas que l’altermondialisme soit une grande kermesse que l’on organise à l’échelle mondiale. Tout altermondialiste conséquent doit s’impliquer clairement et ouvertement dans la lutte sociale. Sinon, il n’est pas altermondialiste, il est autre chose.

Dr Markiro, il semble que vous êtes une des personnes à défendre les travailleurs de l’Office du Niger et ceux licenciés de Morila …?

Comme vous le savez, je suis dans une organisation c’est-à-dire le parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) dont je suis le Secrétaire général. C’est un parti des luttes sociales et des urnes. En un mot, nous nous battons en lieu et place de ceux là qui vont acheter les voix, les consciences, les promesses … nous avons fait nôtre, la démarche qui consiste à expliquer aux populations la vraie nature de la politique, à nous impliquer dans leur combat au quotidien en vue de partager leurs douleurs et souffrances.
Et aussi, leur donner des raisons d’espérer en disant qu’ils vont être joyeux un jour et nous avec. C’est cette démarche qui fait que notre parti est présent dans toutes les luttes sociales que ce soit à Koutiala, Kayes.
C’est là aussi que notre parti recrute ses militants. Parce ce qu’il y a un pacte qui nous lie, en tant que militants et parce que nous avons la même vision, la même orientation. C’est pourquoi, je dis que nous sommes un parti en construction.
Vous savez qu’il y a une nouvelle ligue qui a vu le jour. La Ligue pour la Justice et le Développement des Droits de l’Homme. Les responsables de cette ligue ont la même vision que nous.
S’agissant des travailleurs de l’Office du Niger et de la Somadex, leur situation dépasse l’entendement. Je pense que ce problème est tellement facile à résoudre que je n’arrive pas à comprendre pourquoi on ne le résout pas.
En ce qui concerne notre parti, nous avons rencontré, dans cette histoire, le président de l’Assemblée nationale, le président de la République, le Premier ministre, jusqu’à présent rien n’a été fait. Je dis simplement qu’en dernière instance, il faut que le peuple malien se ressaisisse, que la jeunesse aussi se ressaisisse, parce que tous les secteurs sont touchés.

Entretien réalisé par Alou B HAIDARA

La Radio Kayira en vedette

Le forum polycentrique des altermondialistes de Bamako est sans nul doute, un événement qui aura attiré le plus grand nombre de journalistes, après le 23è Sommet Afrique-France. La Radio Kayira du Dr Oumar Mariko qui est un réseau de six stations dont celle de Bamako a déployé tous les moyens pour faire de cet événement une grande rencontre. Elle s’est beaucoup engagée dans la couverture médiatique.

A travers ce forum, la voix des sans voix veut aider la population à s’approprier l’événement.

C’est pourquoi, tout le programme de la station a été mis au rythme du Forum avec des informations et des conférences débats.

Pour ce faire, une équipe a été délocalisée sur le site du Centre International des Conférences (ex-Palais des Congrès).

En plus de cette couverture médiatique, Kayira a invité et pris en charge des organisations paysannes et ouvrières du Mali dans le cadre d’un collectif formé avec les ONG de la santé communautaire.

A.B.HAIDARA

DETTE, LIBERALISATION ET PRIVATISATION

Haro sur les sociétés supranationales !”

“Dette, libéralisation et privatisation”. Tel était le thème de l’une des trois conférences organisées samedi matin dans le cadre de l’axe thématique “Dette, OMC” du Forum social mondial à la Maison des jeunes sise au Quartier du fleuve. Ce thème a été animé par trois représentants respectifs de “Jubilee Afrique” et “Daughters of Mümbi” du Kenya, de “Sapsin” du Zimbabwe et de “X Minus Y” des Pays Bas.

Le facilitateur, le Sénégalais Demba Moussa Dembelé du Forum africain des alternatives, a d’abord situé le cadre du débat en annonçant la couleur dès le départ. Dans sa présentation, il a, en effet, dénoncé les politiques de libéralisation qui “ont contribué à faire tomber les pays du Sud dans un gouffre et continuent de le faire en accroissant de manière inexorable leur endettement extérieur. Les Occidentaux utilisent la dette pour rendre esclaves les Africains.”

Il a ainsi parlé de l’étroitesse des liens entre la dette et “ces politiques néfastes”. Avant de donner la parole aux différents intervenants.

La première conférencière, Mme Njoki Njehu des associations “Daughters of Mümbi” et de “Jubilee Afrique” du Kenya, a déclaré qu’il est déplorable de constater aujourd’hui que tous les Etats d’Afrique sont lourdement endettés.

Le constat est d’autant plus amer, selon elle, que ce sont les mêmes libéraux qui sont à la base des privatisations et “le pire est que celles-ci continuent d’appauvrir les plus pauvres en limitant les possibilités des populations, en créant des situations précaires et en ouvrant la voie aux sociétés multinationales étrangères pour mieux exploiter ces peuples auxquels ils proposent des produits de tous genres.”

Plus concrètement, elle a cité l’expérience de plusieurs pays en insistant sur celle du Ghana où, dit-elle, “on a l’impression que ce n’est pas seulement le service de l’eau qui est privatisé, mais l’eau elle-même, rendant ainsi très difficile l’accès à cette ressource pour les populations à cause de son coût de plus en plus élevé.

Pour elle, “si les populations accèdent à n’importe quels produits, ça ne va plus. Nous avons juste besoin de vendre nos mangues, notre coton et nos autres produits locaux, mais il faut qu’ils restent des produits naturels La libéralisation, comme la privatisation, ouvre nos marchés aux multinationales des Etats-Unis, de l’Europe et du Japon. Cela n’est pas juste. Car ce sont le profit et le bénéfice des peuples du Sud seuls qui doivent compter.”

Deuxième à prendre la parole, Mme Patricia Kasiamhuru du Zimbabwe de “ Sapsin “, a rappelé que dans les années 90, en Afrique australe, la lutte contre le colonialisme n’était sans doute pas facile, mais elle se faisait de manière concertée.

Il faut donc, pour elle, prendre exemple sur cette lutte pour “mettre en place des programmes précis de sensibilisation qui puissent faire prendre conscience aux peuples africains les raisons de la lutte des altermondialistes.”

Selon la représentante de “Sapsin”, qui a aussi parlé de la situation précaire des femmes du Sud, “le processus doit partir du niveau local parce que nous faisons partie d’un système dont les rouages sont bien connus de nos gouvernants, décideurs des privatisations, mais dont ceux-ci font exprès de taire les agissements.”

Elle prend l’exemple de l’Afrique du Sud et du Malawi où on veut faire croire que l’ère coloniale était meilleure à aujourd’hui. “Ce sont, dit-elle, ces mensonges que nous voulons éviter.”

Pour illustrer ses dires, elle n’a pas manqué de faire un rappel du bras de fer qui oppose, aujourd’hui, au plan économique, l’Occident à la Chine émergente. Il faut donc que les voix du Sud s’élèvent encore plus, selon elle, pour sensibiliser les populations à se mobiliser davantage.

Peter Costers de l’association “X Minus Y” des Pays Bas est le troisième conférencier. Il a commencé par dire : “Je suis personnellement victime des conséquences néfastes de la dette, c’est pourquoi je suis ici aujourd’hui.”

Avant de dire qu’il est urgent d’annuler la dette car, “c’est un problème préoccupant“. M. Costers a parlé de ce sujet complexe sous ses différents angles. Selon lui, “la dette est liée à la détérioration des termes de l’échange qui est une injustice du système commercial international. J’espère que pour le Sud il y aura des changements majeurs. En 1973-74, la dette a beaucoup affecté les populations de ces Etats. Depuis lors, nous ne faisons que nous enfoncer au lieu qu’elle nous serve à quoi ce soit de concret en termes de développement. Au contraire, la libéralisation a donné naissance à l’importation, en grandes quantités, des produits du Nord par les pays du Sud.

Peter Costers a également, à l’appui de sa thèse, parlé des études qui ont démontré que les pertes de l’Afrique, à cause de la dette, sont très effarantes.

Une de ces études, qui concerne 28 pays africains, a démontré que cette perte est estimée à 170 milliards de dollars. Or, il se trouve que cette somme est suffisante à elle seule pour effacer l’ensemble de la dette des 53 pays africains.

Aujourd’hui, continue-t-il sans être pessimiste, l’Afrique est de plus en plus en insécurité à cause de l’impact négatif de la dette sur les économies des différents Etats qui la composent.

L’agenda de l’Union européenne, selon lui, donnera, lui aussi, des effets pervers. Cela a été démontré par une étude de l’institution elle-même.

Les revenus issus des importations africaines, selon l’Institut européen de recherches, dit-il, n’arriveront pas non plus à résoudre le problème car 70 % de ces revenus seront perdus pour l’Afrique.

Le conférencier a également dénoncé la propagande de la Banque mondiale car selon une étude faite par cette institution de Bretton Woods elle-même, la dette a des effets sociaux pervers: les pertes des revenus des Etats africains sont évaluées à environ 20 %. C’est donc toutes les politiques des institutions internationales qui sont négatives pour les économies du Sud, même celle dite de “renforcement des capacités.”

Après ces trois interventions passionnées, place a été donnée aux débats avec l’auditoire. Selon le modérateur, Demba Moussa Dembelé, le problème de l’Afrique – qui vend 80 % de ses produits non transformés -, c’est surtout sa trop grande ouverture.

Quant à Njoki Njehu, elle a déploré que “les sociétés supranationales viennent dans nos Etats parce qu’elles ne peuvent pas privatiser l’eau dans leur propre pays.” Elle a également ajouté: “Le problème, c’est que les négociations se font de manière individuelle, dans les coulisses, pas de manière multilatérale et concertée. De sorte que les puissances du Nord ont toujours le quota qu’ils veulent dans ces négociations.”

Pour Peter Costers, qui répondait à une question, “la solution, c’est l’unité des peuples d’Afrique et de ses mouvements sociaux. Ce n’est pas seulement une question d’immoralité : ce sont des lobbies qui sont derrière l’appauvrissement de l’Afrique.”

Patricia Kasiamhuru, quant à elle, a rassuré tous: “Nous n’avons pas à nous décourager, nous devons nous mobiliser et être optimistes.”

Et le modérateur, Demba Moussa Dembelé, de conclure: “Pour comprendre l’Afrique, nous ne devons pas la voir à travers la loupe de l’Occident et ses médias tels que CNN, BBC ou TF1. Nous devons la voir à travers ses propres valeurs.”

Zoubeirou MAIGA

TRAINER EN JUSTICE LA BANQUE MONDIALE ET LE FMI

Les deux institutions de Bretton Woods fortement décriées

Le thème de l’une des trois conférences organisées samedi matin dans le cadre du Forum social mondial, à la Maison des jeunes, au Quartier du fleuve, est très particulier vu son intitulé même. Il s’agit de “traîner en justice la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pour crimes contre l’Humanité”. Ce sujet passionnant a été animé, à partir de midi, par 4 conférenciers.

Est-il possible de traîner en justice la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ? Pourquoi ester en justice contre ces deux institutions de Bretton Woods ? Comment le faire ?

C’était là les questions essentielles auxquelles ont tenté de répondre les conférenciers et les intervenants de divers pays. Des questions si spécifiques que ces deux institutions internationales sont les principaux gendarmes du monde, plus particulièrement des pays du Sud, en matière de financement international et d’endettement extérieur.

A la question de savoir s’il est possible d’ester en justice contre la Banque mondiale et le FMI, Salissou Obandoma du Réseau national Dettes et développement (RNDD) du Niger a fait la part des choses en faisant la différence entre les deux institutions qui n’ont pas les mêmes statuts juridiques.

Concernant la Banque mondiale, il est bien possible de la traîner en justice surtout via l’émission de titres. “La réponse est positive, dit-il.” Pour défendre son idée, le conférencier s’appuie sur le texte créant, en1944, cette banque, notamment en son article 7.

Pourquoi la traîner en justice ? Parce qu’elle a commis beaucoup de crimes. Elle n’a fait que soutenir les dictatures : cas du Chili de Pinochet, de l’ex-Zaïre de Mobutu, de l’Indonésie de Suharto, etc.

Alors qu’au même moment elle a refusé de soutenir les démocraties: le Chili d’Allende. Il faut porter plainte parce que les prêts ont des conséquences fâcheuses sur les couches les plus dévalorisées, continuant sans cesse de les appauvrir.

Cas qui oppose aujourd’hui le Tchad à la Banque qui a bloqué le compte des ressources pétrolifères de ce pays. Conséquence : le Tchad ne peut plus payer ses fonctionnaires. Quant à Roseline Peluchon du Comité (français) pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM), elle a mis l’accent sur le fait que la BM, depuis sa création sous Roosevelt pour un nouvel ordre mondial, s’est détournée de ses objectifs premiers.

A partir de ce moment, il y a eu un glissement : le vote se fait au prorata des cotisations. Les Etats-Unis bénéficient ainsi de 85 % des voix.”

De sorte que l’institution ne peut plus être efficiente. Et c’est sous McNamara que l’endettement des pays du Sud s’est accru, constate-t-elle.

Tous les intervenants – Sékou Diarra de la CAD Mali (Coalition des alternatives africaines d’aide au développement), Olivier Bonfond du CADTM Belgique -, de même que le modérateur Jean Mpelé du CADTM Congo et du CADTM Suisse – ont dénoncé “la dette odieuse” selon le terme d’Alexander Sax.

Une dette qui doit être récupérée sur les fonds des dictateurs et non sur les budgets d’Etat. Ils sont tous aussi unanimes pour dire que tant la Banque mondiale que le FMI peuvent être traînés devant la justice.

Mais quelle justice quand les décideurs détiennent les rênes de toutes les institutions, au-delà de celles de Bretton Woods.? La tâche reste ardue. Très ardue.

Zoubeïrou Maïga

FORUM SOCIAL MONDIAL

Une marche pour changer le monde

C’est sous un temps très frais (environ 16° C) que le Forum social mondial polycentrique de Bamako a donné son coup d’envoi le jeudi 19 janvier. Ils étaient très nombreux à faire le déplacement pour le lancement officiel de cette rencontre annuelle des altermondialistes.

Lors de la marche organisée à cet effet, on pouvait compter ce jour-là, environ 5000 personnes sur les 30 000 attendues. Et tous les mécontents du Mali, de l’Afrique et du monde entier étaient au rendez-vous.

La marche inaugurale a démarré à la Place de l’Indépendance à Bamako-Coura, aux environs de 15 heures, pour arriver au stade omnisports Modibo Kéïta vers 17 heures 28 mn.

Pour ce faire, les danseurs habillés en uniforme de coton ou portant des masques dogon, entre autres, étaient mobilisés et dansaient au rythme de différents slogans altermondialistes.

On pouvait lire sur certaines banderoles : “Halte à la politique agricole “, “Non à l’injustice”, ” Paix, justice, démocratie ” !

Parmi les marcheurs figuraient en bonne place des Africains et, bien sûr, des Européens, Américains et Latino-américains, Asiatiques, Australiens etc. Beaucoup de Maliens dont les licenciés du Chemin de fer et d’autres structures étatiques sont massivement sortis eux aussi de manifester leur mécontentement.

Les paysans estiment qu’ils sont asphyxiés par les politiques des puissances européennes et américaines. Quand on sait qu’ils vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.

Au stade omnisports Modibo Kéïta, les marcheurs ont été accueillis par les paysannes et les jeunes dont le représentant de la jeunesse du Mali, Ibrahim Soulé. Et les troupes musicales de différents pays étaient là pour montrer leur savoir-faire.

La grande cantatrice de Bougouni, Nahawa Doumbia, et sa sœur Fantani Touré, venue spécialement pour le Forum, ont fait des prestations très remarquables.

Mais cette fête aurait été gâtée par la rivalité entre le Maroc et la fantomatique «République arabe Sahraouie démocratique» n’eût été l’intervention rapide des forces de l’ordre.

En effet, les représentants des deux parties étaient présents à la cérémonie d’ouverture qui a pris place immédiatement après la marche. Et lorsque ceux du Maroc sont montés sur la pelouse avec leur drapeau, les représentants de cet «Etat» qui n’existe que sur le papier et ne jouit aucunement de la reconnaissance ni des Nations Unies, ni de la Ligue des Etats Arabes, sont également descendus de la tribune officielle avec leur soi-disant drapeau pour tenter de dénoncer ce qu’ils appellent «l’occupation marocaine». Les policiers maliens ont aussitôt mis fin à la démonstration déplacée.

En tout cas, le défi de ce forum est double. Il s’agit, dans un premier temps, de faire avancer la convergence des altermondialistes africains qui avaient été très divisés les années précédentes et, dans un deuxième temps, de dynamiser les acteurs altermondialistes.

Le Forum devrait favoriser les échanges d’expériences entre les altermondialistes africains et leurs homologues du reste du monde.

Alou B HAIDARA

ORGANISMES GENETIQUEMENT MODIFIES ET COTON BIO

“Des armes de destruction massive” selon les altermondialistes

Parmi les nombreux thèmes retenus lors du Forum social mondial de Bamako figurait, en première ligne, celui relatif aux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) et au coton BT. Les différentes interventions enregistrées lors de l’atelier qui s’est tenu, hier dimanche 22 janvier, à la Bibliothèque nationale, convergent sur un point : “les OGM et le coton-bio sont des armes de destruction massives pour le pays du tiers-monde”.

On ne peut pas parler des OGM sans parler du coton BT car c’est par ce canal que les Américains et Suisses, à travers les firmes Mosanto et Syngenta, veulent imposer cette pratique en Afrique“. C’est par cette phrase que Francis Wurtz, membre du Parlement Européen de gauche et principal conférencier, a introduit la rencontre.

Lors de la réunion de Ougadougou, au Burkina Faso, en 2002, à laquelle il avait participé, Francis Wurtz affirme qu’il ne savait pas “qu’elle était financée par Mosanto et Syngenta“.

A la question de savoir à qui profitaient les OGM et la culture du coton Bio, il continue: “j’ai été confronté à des réponses qui revenaient sur une même conclusion : aux sociétés Américaines, Suisses et à la campagne du président Bush“.

Pour convaincre leurs frères africains, a ajouté M. Wurz, “ces firmes ont fait venir des producteurs sud-africains qui expérimentaient le coton-bio. Ils ne sont, pourtant, pas ici à Bamako, car nous avons été informés que des problèmes de productivité se sont posés et que ces paysans sont de plus en plus devenus dépendants de leurs fournisseurs. C’est, à long terme, le problème qui va se poser si les Africains acceptent d’épouser ce type de culture“.

Francis Wurz de conclure : “Vous, les paysans, êtes les seuls à accepter ou non l’utilisation des OGM dans la culture du coton. Ces produits sont comme le nucléaire. Quand on maîtrise l’aspect civil, on peut passer à l’aspect militaire. Ils sont très dangereux pour la nature et font des paysans des êtres dépendants“.

« Ce que les Blancs veulent, c’est gagner l’argent à nos dépens »

Brahima Diarra, cotonculteur de Bougouni, tient un dépliant EuropAfrique dans les mains.

Je ne sais pas lire ce qui est écrit ici. Je ne vois que les images et j’essaye, à ma façon, de donner un sens à tout cela” nous confie-t-il.

Mais, quand on lui a donné la parole pour se prononcer sur le thème, il n’a pas porté les gants pour qualifier les OGM et le coton-bio “d’armes de destruction massive”.

Les Blancs nous ont encouragé à cultiver le coton car il est rentable. Nous avons suivi leurs conseils et, aujourd’hui, nous avons du mal à écouler le produit sur le marché. De plus, le prix auquel cette denrée est fixée ne nous profite pas. Maintenant, on nous demande d’adopter d’autres produits qui vont nous faire produire plus. Ce que ces étrangers veulent, c’est gagner de l’argent à nos dépens. En somme, si nous nous n’adoptons pas les OGM, nous mourrons. Si nous les adoptons aussi, nous mourrons car nous ne savons pas à quoi cela va aboutir. Une arme à double tranchant“. “Le paysan ne mange pas ce qu’il ne connaît pas” nous dit un adage bien de chez nous.

Bakary Blén Doumbia, cotonculteur, lui aussi, est formel :

nous ne connaissons pas ces produits. Leur avantage ne nous a pas été prouvé. Nous connaissons ce que nos ancêtres nous ont légué. Ce n’est ni le président de la République, ni les ministres qui sont dans nos champs. Ils ne connaissent non plus les réalités que nous vivons. Si nous refusons ce que ces étrangers veulent nous imposer, personne ne pourra nous obliger à aller dans ce sens“.

«Les OGM ne peuvent pas lutter contre la pauvreté…» dixit Francis Wurtz

Brama Koné, paysan de Bougouni, d’enfoncer le clou : “Nous ne voulons de ces OGM ni aujourd’hui ni dans le futur. Si les politiciens y trouvent une façon de se remplir les poches, c’est leur affaire. Qu’ils les gardent en ville et qu’ils épargnent les pauvres paysans que nous sommes de ces pratiques douteuses. Nous avons eu des cas de difficultés alimentaires au Mali. Qu’est-ce que ces OGM y ont apporté comme solution? Notre coton dort dans nos champs. Quel apport peut avoir ces OGM dans l’écoulement du produit?“.

Face à cette levée de boucliers, le conférencier principal, Francis Wurtz, ne pouvait “qu’apprécier” et “encourager les braves paysans à ne pas baisser la garde“.

Car, selon lui, “Ce ne sont pas les OGM qui peuvent lutter contre la famine, ni non plus avoir un impact sur la qualité et le prix du coton”.

Paul MBEN

CAMP DE LA JEUNESSE

Pour rendre hommage à Thomas Sankara

Les jeunes ne sont pas restés en marge du Forum social mondial. Ils ont, eux aussi, leur mot à dire. C’est pourquoi, une place a été aménagée pour ces futurs responsables du pays, pour rendre hommage à l’homme d’Etat Burkinabé, Thomas Sankara assassiné le 15 octobre 1987.
C’est le Stade Omnisports Modibo Kéïta qui a été choisi pour ces différentes manifestations.

Ainsi le vendredi 20 janvier, la salle des spectacles du stade a refusé du monde à l’occasion d’une conférence sur Thomas Sankara. Elle était animée par Soulé, président de la commission d’organisation du Camp de la jeunesse, l’écrivain et biographe de l’illustre disparu, le Français Bruno Saffré et bien d’autres personnes.

Le président de la Commission d’organisation estime que “le Camp de la jeunesse est l’une des tribunes du Forum organisées spécifiquement pour la jeunesse dans le but de lui permettre non seulement de dégager sa position, mais aussi de participer au processus de prise de décision comme actrice et non comme spectatrice. Le Camp permet à la jeunesse de se découvrir, de se manifester, de se former et de s’informer pour mieux prendre des positions afin d’aider à l’émergence d’une jeunesse unie, consciente, soucieuse du devenir des peuples“.

S’agissant du choix du nom de Thomas Sankara, il dira que “cet homme est un révolutionnaire et avant tout un jeune qui a rendu un grand service à la jeunesse mais aussi à toute l’humanité. Sankara est un homme digne, un combattant qui n’a jamais trahi même une seule seconde. C’est un exemple pour les jeunes d’aujourd’hui et ceux de demain“.

Tous les intervenants ont soutenu que Thomas Sankara a mené une révolution d’esprit surtout chez les jeunes.

Et vingt ans après sa disparition, le discours de cet homme reste encore d’actualité notamment ses idées contre l’impérialisme.

ABH

23 janvier 2006.