Insécurité au Nord
Tout le monde se souvient de l’uniforme militaire que portait ATT lors de l’inauguration des logements sociaux de Kidal il y a quelques mois. Pouvait-on s’empêcher d’y voir un lien avec l’ex-rébellion touareg ?
ATT n’avertissait-il pas de la sorte les éventuels irrédentistes qu’il saura, à l’occasion, employer le bâton contre eux ?
En tout cas l’attitude n’a rien à voir avec celle d’Alpha offrant, dit-on, un demi milliard de francs CFA à un chef de guerre targui pour pouvoir organiser en paix la fête du 22 septembre à Kidal.
Car il faut reconnaître que malgré la signature du Pacte national mettant fin aux hostilités entre l’armée et les rebelles, une importante activité de banditisme persiste dans le désert, consistant en l’enlèvement systématique des véhicules des Nations Unies ou des ONG qui osent s’aventurer par là.
Dans le Niger voisin, la rébellion touareg a connu une dissidence qui semble avoir adopté une position radicale et n’hésite pas à lancer des raids contre les garnisons éloignées.
En Algérie, avec les groupes salafistes, en Mauritanie, avec les Cavaliers du changement, on assiste au même phénomène.
Si dans ce dernier pays, le président Ould Taya est tombé, ce fut après trois années d’attaques résolues des opposants armés évoluant dans l’immensité du Sahara.
On affirme que son successeur Mohamed Ely Ould Vall ne serait que la pièce de rechange mise en place pour mieux contrôler une situation qui échappait à tout contrôle.
Le mouvement sahraoui revendique toujours l’indépendance et l’intégrité de son territoire. Avec tant de troupes et de mouvements, ne finira-t-on pas par un embrasement général comparable à celui des Grands Lacs, où les Tutsis du Rwanda et du Burundi, habiles politiques autant que guerriers redoutables, dominent la vaste RDC et ses immenses ressources minières ?
Qui peut empêcher les Touareg et les Sahraoui de mettre la main sur le pétrole du Sahara tout en réglant leurs problèmes indépendantistes ?
N’a-t-on pas déjà, dans le Kurdistan irakien, où se concentre l’essentiel des ressources pétrolières de tout le pays, la raison principale du nationalisme Kurde ?
Dans ce Sahara entouré de chefs d’Etat militaires (car le roi Mohamed en est un par nature et Bouteflika est un ancien guérillero), les stratèges internationaux de la lutte contre le terrorisme ont besoin d’un Mali plus fort que démocratique, comme l’Egypte ou l’Ouganda, pour juguler le terrorisme, ce mal du siècle post-communiste.
Parmi les 24 candidats à l’élection présidentielle de 2002, ATT était le seul militaire, donc sans conteste, le candidat des puissances anti-terroristes.
Dans la perspective de 2007, il reste bien placé, comme candidat de l’armée et c’est en vain que des partis politiques voudront le forcer à être des leurs ou changeront leurs propres textes à cet effet.
Le Mali, à nouveau pays centre
Le problème de l’immigration est devenu un problème majeur se posant avec des dimensions multilatérales, ce qui n’est pas une des ses moindres ressemblances avec le terrorisme.
Pour empêcher les Africains d’aller squatter les maisons de Paris, il faut créer chez eux-mêmes des pays centres qui vont les attirer.
C’est bien le rôle que jouaient la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest et le Gabon en Afrique centrale.
Mais pour cela il faut des régimes à la fois forts (un tantinet dictatoriaux) et sages, comme ceux de Bongo et de feu Houphouet Boigny. ATT semble également remplir les deux conditions.
L’attribution de la Légion d’Honneur au ministre Dicko et à l’ex-émigré et opposant politique à Mousa Traoré, Bassirou Diarra le montre également.
L’un et l’autre ont fait oeuvre éminente de paix aux yeux de la France, le premier en lui pardonnant d’avoir abandonné Fily Dabo Sissoko et Hammadoun Dicko au profit de Houphouet Boigny (préparant ainsi les conditions de leur chute et de leur mort tragique) ce qui fut le prix de la paix sociale au Mali, l’autre en luttant pour le retour des immigrés vers leurs pays d’origine.
Le Mali est donc appelé à nouveau à un destin grandiose, celui de trait d’union entre les civilisations qu’il a joué pendant des siècles au centre de l’Afrique, que la Côte d’Ivoire d’Houphouet lui avait ravi pendant les premières décennies de l’indépendance et que le Burkina Faso revendique également, avec des succès remarquables, il faut le reconnaître. Mais pour le moment c’est le pays de Kankou Moussa qui tient le bon bout.
De nombreux festivals de renommée internationale sont créés dans le pays dogon, à Tombouctou et à Gao, où vivent en paix les ethnies targui, arabe et songhoï.
Le transfert de la Côte d’Ivoire au Mali de l’Ecole de maintien de la paix est l’un des symboles les plus significatifs du retour de l’ancienne grandeur.
On sait que c’est la France et le Canada qui sont les plus grands contributeurs pour la construction de cette école.
L’intérêt simultané des Américains pour les exercices de maintien de la paix dans le désert malien, semble signifier une concurrence, voire une rivalité des puissances dans notre pays et du coup l’importance extrême des enjeux.
Décidément, l’élection présidentielle de 2007 n’est pas une petite affaire.
Ibrahima KOITA
23 novembre 2005.