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Des produits de première nécessité invisibles ou insuffisants
Le ministre de l’Economie, accompagné d’une forte délégation de membres de son cabinet, de la CCIM, de la Coordination des commerçants détaillants et de la société civile a visité mercredi après-midi des boutiques témoins pour s’assurer que le riz, le sucre, le lait et l’huile, subventionnés par le gouvernement sont disponibles et accessibles aux consommateurs. Le constat est amer.

Face à la crise céréalière et à la hausse du prix de certaines denrées de première nécessité, le gouvernement a pris des initiatives pour faciliter le ravitaillement du pays. Mais, aujourd’hui, force est de constater que le riz coûte toujours cher, car celui exonéré dont le prix au détail est ramené à 310 F CFA est toujours inaccessible pour la grande majorité des populations malgré la présence de 120 boutiques témoins supposées les contenir.

Pour savoir où se trouve le blocage, le ministre de l’Economie, accompagné des membres de son cabinet, des responsables de la Chambre du commerce et d’industrie et de la Coordination des commerçants détaillant, s’est rendu dans des boutiques dites témoins.
La visite a commencé par la Commune VI, précisément au marché de Sénou où Mme Halimatou Hanne, commerçante des céréales, détient une boutique gérée par Salia Samaké. On reconnaît la boutique par une plaque d’identification sur laquelle est inscrite en gros caractère « Boutique témoin ».

Mais, là-bas, le gérant affirme qu’il n’a reçu que dix sacs de riz de 50 kilos mardi dans la nuit pour toute la population. « Or, tout le monde a les yeux sur ma boutique. Comment pourrais-je satisfaire autant de clients avec seulement une demie tonne de riz ? »

Le même langage a été tenu partout où le ministre s’est rendu, notamment à Banakabougou, Sogoninko, Sokorodji et Magnambougou. « La quantité qu’on nous donne est très insuffisante. La demande est forte. Il faut qu’on revoit ça », tranche Bilal Maïga de la boutique témoin de Sogoninko. « Il nous arrive de refuser de vendre plus de 5 kilos à une seule personne, c’est pour que chacun puisse avoir de quoi manger », poursuit le gérant de la boutique témoin de Banakabougou.

Pour Aminata Diakité, ménagère à Sénou, les boutiques témoins sont une farce car elles ne peuvent vendre plus de 5 kilos. « Chez moi, on consomme 3,5 kilos par jour et le lendemain c’est le compte à rebours puisqu’il n’est pas certain que l’on puisse en trouver », fait-elle remarquer.

Incompréhensions ?

Le même sentiment est partagé par Moussa Soumaré, tailleur à Sénou qui pense qu’une seule boutique pour le quartier de Sénou n’a pas de sens. « Nous continuerons à payer du riz à 400 F, parce que le riz exonéré n’est pas disponible ».
La seule vérité qui vaille est que si les boutiques témoins existent et affichent les prix indiqués dans le cahier de charge (riz : 310 F le kilo, le sucre : 400 F le kilo, l’huile : 815 F le litre et le lait en poudre : 2905 F le kilo), elles sont quasiment vides, aucune d’entre elle n’a plus d’une tonnes.

« Il y a des problèmes de ravitaillement, c’est vrai, mais il faut comprendre le système » , reconnaît le président de la CCIM, Jeamille Bittar, qui précise que les détaillants doivent s’approvisionner à la Chambre du commerce, qui n’a pas un grand magasin de stockage. « Il faut ensuite qu’ils payent d’abord la quantité de produits enlevés pour pouvoir se réapprovisionner. C’est ça le système de revolving, c’est ce qu’il faut comprendre ».

Pour le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce, Ahmadou Abdoulaye Diallo, il s’agissait de s’assurer que les boutiques existent, que les prix indiqués sont respectés et que les produits sont disponibles et accessibles aux consommateurs. « Nous avons eu plusieurs cadres de travail avec les opérateurs économiques pour ça. Je pense que des efforts doivent être davantage faits par la Chambre du commerce et les importateurs pour que les boutiques témoins soient bien approvisionnées et pour qu’il n’y ait pas de rupture ».

« Actuellement, le stock disponible au niveau du Mali, peut suffire à l’ensemble de nos populations. Mais nous allons nous entretenir très rapidement avec les importateurs pour trouver le juste milieu afin que tous les magasins témoins puissent être correctement approvisionnés et à suffisance » , répond le président de la CCIM.

Pour l’opérateur économique Bakoré Sylla, il n’y aura pas de rupture. « Nous sommes actuellement dans un de mes magasins où il existe plus de 25 000 tonnes, c’est une promesse que j’ai faite au président de la République, au ministre de l’Economie. Soyez tranquilles, il n’y aura pas de rupture ».

Le ministre de l’Economie, qui n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, a promis que les 120 boutiques seront visitées et que les dispositions pratiques seront prises pour leur approvisionnement correct.
En attendant, les Maliens demeurent convaincus que l’accessibilité aux produits de première nécessité, décidée par le gouvernement à la douleur du contribuable, n’est qu’un pis-aller et plus grave la grande pantalonnade de ces derniers mois.

Idrissa Sako

05 Septembre 2008