Venu à Bamako dans le cadre de ses études, Sayon Traoré s’est retrouvé dans le monde de l’écriture. Ce jeune écrivain est auteur de plusieurs livres à savoir « Sagesse Malinké », « Trilogie », « Identité Culturelle en Danger » et « L’Assemblée des Honorables Esprit des États Africains (Tome1 et Tome2) ». Parue le 28 août dernier, « Le Mali tant rêvé est enfin là » intervient au moment où le Mali traverse une crise socio-politique. Interview.
– Pourquoi avoir choisi ce titre ?
Sayon Traoré: L’Honorable Seydou Badian nous a dit qu’on a souvent besoin de la catastrophe pour repartir de bons pieds. Partant du même ordre d’idées, je me suis dit que mon pays a eu sa dose de catastrophes qui doit le pousser dans le bon sens. C’est une sorte d’éducation à la citoyenneté pour une responsabilité citoyenne. Notre situation politico-économique déplorable est une inquiétude partagée par tous les citoyens. Quand on pousse le raisonnement, on découvre qu’elle est favorisée par le contexte actuel des choses. Cependant, le fait que tout un État ne parvienne pas à s’engager sur le long terme et ne se contente que de petits combats sans lendemain me désole profondément. Je pense que l’ouvrage est correctement intitulé vu qu’il invite les maliens à ne pas faire les mêmes erreurs qu’avant. Ce livre fait comprendre qu’un malade peut être agent actif de sa propre guérison. Voici en résumé un aperçu de mon œuvre.
– De quel Mali rêvez-vous ?
ST: D’abord, ce Mali rêvé n’est autre qu’une Nation qui reprend le contrôle sur son destin, un État de droits, mais qui ne se montre plus faible face à ses citoyens. Ma position de principe qui est la même que celle de tout citoyen démocrate, me dicte de condamner le coup de force. Si Je devais faire un effort pour comprendre ce qui est arrivé, je dirais que c’est un incident de parcours, un accident de l’histoire qui aurait pu être évité si on avait fait ce qu’il fallait. Les vrais échecs sont ceux dont on n’apprend rien. Être humain, c’est apprendre à éviter les pièges ou à sortir de son malheur plus assagi et enrichi d’expériences. Je le redis avec emphase : n’entrons plus mal préparés dans ce futur qui s’ouvre devant nous. Posons les jalons d’un État qui répond à nos attentes. Ce sont les hommes qui font l’histoire. Nous avons un Mali à chérir, ce nouveau chapitre de histoire qu’il nous incombe d’écrire engagera même les générations futures. Nous n’avons plus le droit d’être moyens, soyons au-delà du parfait. Projetons-nous au-delà de nos différences ethniques, mettons le Mali au centre voire au-dessus de tout. Il n’y a qu’ainsi qu’on peut aller de l’avant sans suspicion.
– Quelle couche de la société malienne doit diriger selon vous la transition malienne ?
ST : Je préfère vous donner mon avis de citoyen inquiet pour son pays. Militaire ou civil, je suis pour les deux du moment que sa priorité sera de travailler pour l’avenir du Mali. Si son patriotisme est assez fort pour porter cette dévolution, je ne ferai aucune opposition. J’irai un peu plus loin en disant que ce coup du hasard nous donne une occasion rare de redémarrer. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui préconisent de garder la mission des réformes profondes pour le futur Président démocratiquement élu. Le Malien promet toujours le changement sans jamais l’engager, il va jusqu’à repousser son propre bonheur pour plus tard. Ne bâclons pas ce travail, ne traversons pas cette période transitoire à la hâte pour en sortir bredouilles et, ensuite, aller vivre des remords atroces. Ne dit-on pas qu’à force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, il arrive d’oublier l’urgence de l’essentiel ? Prenons le temps qu’il faut pour définir les contours institutionnels de ce Mali qu’on doit laisser à ceux qui viennent après nous. C’est pendant une transition sérieuse que cette possibilité s’offre. Un proverbe de chez nous dit : si la poule était logique et maligne, elle tirerait des enseignements de la situation faite à la perdrix abattue et grillée, elles sont toutes volailles et leurs sorts sont identiques. Ce futur Président démocratiquement élu sera un humain : on est toujours tenté par le diable. Ce diable peut vaincre n’importe quelle résistance morale. Il pourrait cacher dans les textes de la constitution quelques dispositions dont les interprétations lui ouvrent la possibilité de faire ce qu’il veut. La confiance ayant été exclue entre nous les maliens, avec cet antagonisme chronique, laissera-t-il un Président toucher à la constitution ? Après avoir été témoins de ce qui arrive à deux de nos pays voisins, le Mali prêtera-t-il le flanc pour se faire avoir ? Ces questions restent posées.
Bamako, le 14 Septembre 2020
Adama Sanogo
@Afribone